À quand la métamorphose de la porte de Montreuil ? Alors que le projet, voté en 2019, a été bloqué en octobre 2022 par un vœu des écologistes qui viennent de déposer un contre-projet, les riverains s’impatientent. Mercredi 22 février, des habitants et des élus de Montreuil, Bagnolet et Paris se sont rassemblés pour manifester leur ras-le-bol. De leur côté, les écologistes défendent leur projet alternatif.
“Les travaux auraient dû démarrer le 23 février. Ça fait vingt ans qu’ils sont rêvés, envisagés, espérés. Mais une partie des élus écologistes de Paris ont remis en cause ce projet, alors on n’est pas contents. On veut que les travaux démarrent, on en a marre que ce soit sale, dangereux et moche“, explique Claire, 64 ans.
Cette habitante de Bagnolet est venue ce mercredi soir devant la recyclerie Emmaüs, place de la Porte de Montreuil, pour “se faire entendre“. “Il y a peut-être des intérêts politiques qui nous dépassent mais on ne peut pas voter, puis faire volte-face. Et miraculeusement, des élus écologistes ont remis il y a quatre jours un deuxième projet. Là on devient dingue parce qu’il faut compter sept ans d’études de faisabilité!“, s’emporte-t-elle.
Un collectif de riverains
C’est un collectif des riverains et usagers des trois communes limitrophes de la place (Paris, Montreuil et Bagnolet) qui était à l’initiative de ce rassemblement. Il a été créé en janvier “pour refuser une fois de plus le report des travaux“, explique Anne-Laurence, l’une des ses membres fondatrices. “Nous sommes là pour rappeler aux élus leurs engagements. Pour dire à l’ensemble des élus verts qui font partie de la majorité parisienne que notre bien-vivre au quotidien compte au moins autant que leur querelles partisanes“, assène-t-elle.
“En tant qu’habitants de Bagnolet, on n’a pas voix au chapitre“
“Nous on vit tout ça comme un déni démocratique. Tout d’un coup, un vœu vient bloquer ce projet. Mais le pire c’est qu’en tant qu’habitants de Bagnolet, on n’a pas voix au chapitre alors qu’on est les premiers usagers“, fustige Sarah.
Au centre des critiques, le vœu que les élus EELV ont fait adopter en octobre avec le soutien de la droite, pour demander la remise à plat du projet de réaménagement de la place de la Porte de Montreuil. Et ce projet qu’ils ont déposé il y a quelques jours, qui ce veut une alternative à celui voté en 2019 par le conseil de Paris et qui était porté par l’aménageur Nexity pour un investissement de 100 millions d’euros.
Lire : Porte de Montreuil: 100 millions d’euros pour réanimer la place
Et : Paris 20 : le projet de la Porte de Montreuil divise la majorité
“Depuis le début ce projet est mal ficelé“
Dans le projet “alternatif” qu’ils ont présenté, les élus écologistes de Paris inscrivent cette mutation dans le cadre de “la transformation future du périphérique” et la réalisation de “la ceinture verte de Paris.” Ils proposent notamment de conserver le marché aux puces existant en y plantant des arbres tous les 6 mètres pour apporter de l’ombre, et veulent une nouvelle coulée verte le long des avenues Frachon, Gaumont et Lemierre, avec la plantation de 370 arbres.
“Vous croyez qu’on a vraiment besoin de plus d’espaces verts ici?“, interroge Mathias, 37 ans. “Ce qu’il faut c’est de la vie et ça la présence d’immeubles, de bureaux, de commerces qui la créé.”
“Ce projet alternatif n’est pas sérieux. Il n’y a pas d’analyse de l’usage”, critique Sarah. “Il veulent une forêt là où il y a le marché aux puces, par exemple, mais avec tout le plastique qui vole là à chaque déballage, ça risque de faire propre. Surtout, ce projet ne comble pas le trou d’où vient la pollution environnementale et sonore. On reste dans la même disposition de circulation, c’est-à-dire pas de place pour les piétons et absence de continuité urbaine.”
“Je comprends le mécontentement des habitants et nous allons aller les rencontrer pour les écouter. Mais il faut qu’on arrête de mentir aux gens. Depuis le début ce projet est mal ficelé“, réagit Emile Meunier, élu du groupe écologiste de Paris et président de la commission urbanisme, logement, Grand Paris. “La vérité c’est que le projet de Nexity ne peut pas se faire. Comment peut-on imaginer de détruire le dernier grand marché populaire d’Ile-de-France et surtout qu’on va pouvoir dégager sans problème les puciers? Ils ne veulent pas partir et ils ne sont pas obligés légalement de le faire. Il faudrait racheter le fond de commerce des 400 puciers. Quid de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris contre les immeubles-pont? Quid des autres recours en justice alors qu’ils se sont mis à dos toutes les ONG environnementales après avoir coupé 75 arbres alors que les permis d’aménager ne sont même pas déposés?“
Couvrir ou pas l’anneau ?
Pour Jacques Baudrier, adjoint PCF à la maire de Paris, en charge de la construction publique et du suivi des chantiers, “les Verts proposent un projet qui ne couvre pas le périphérique et mettent la circulation des véhicules là où le béton précontraint est le plus fragile. Donc on est certain que au bout d’un an d’étude, on apprendrait que leur projet n’est pas réalisable techniquement. Tout ce qu’ils racontent est totalement faux et irresponsable“, lâche-t-il.
Dans leur contre-projet, les écologistes s’expliquent sur ces choix. Pour eux, le recouvrement de l’anneau serait plus long à construire, plus cher (70 millions d’euros), et moins écologique, avec la nécessité d’une vaste quantité de béton et la destruction des arbres du terrain central. De plus, la dalle de recouvrement “condamne la transformation du périphérique en boulevard urbain, car, sur cette portion, le périphérique restera dans sa forme actuelle, alors que la majorité a réaffirmé encore récemment son souhait de pouvoir faire muter cette infrastructure en boulevard urbain“, rappellent-ils.
En définitive, pour Emile Meunier, le projet Nexity pose la question de la cohérence politique avec le plan local d’urbanisme que Paris s’apprête à voter.
Un projet qui se transforme en Arlésienne
“Cela fait deux mandats qu’il y a des concertations. Parfois le mieux est l’ennemi du bien: si le projet ne se fait pas, la place restera dans cet état pendant encore dix ans. Et ce n’est pas ce qu’on veut parce que derrière il y a un effet domino : si cette place n’évolue pas, celle de Bagnolet non plus et c’est tout l’est parisien qui prendra du retard. Or, l’Est parisien mérite autant de beaux projets que l’Ouest parisien“, analyse Cédric Pape, adjoint au maire PS de Bagnolet en charge de l’urbanisme. “Nous n’accepterons pas d’être les otages de tactiques politiciennes. Nous n’accepterons pas des délais supplémentaires. Il faut avancer maintenant“, enjoint Amin Mbarki, élu de Montreuil.
“Cette porte concerne nos trois communes“, sagace quant à lui Eric Pliez, maire du 20ème arrondissement. Qui peut se satisfaire aujourd’hui de ce no man’s land accidentogène ? Qui peut accepter en responsabilité un report de plusieurs années de ce chantier en vertu d’un contre-projet présenté à la va-vite, qui n’est ni crédible, ni sérieusement budgété, ni réalisable sans repartir à zéro.” Et de rappeler que le projet de Nexicity va créer 2 400 emplois.
Et Cédric Pape de renchérir sur le risque de pénalités à laquelle s’exposerait la ville de Paris en cas d’annulation du projet. “Il a été voté et les contrats signés. Le révoquer entrainerait nécessairement d’indemniser l’aménageur“, prévient-il.
Des arguments que réfute Emile Meunier qui estime que certains gonflent les chiffres des indemnités “pour faire peur“. “On est au maximum à 15 millions d’euros. Et ce sachant qu’on est au stade de la promesse de vente et qu’aucune condition suspensive n’est réalisée pour le moment. Alors c’est un coût certes mais c’est celui des projets délirants de la précédente mandature“.
Pour lui ce projet va subir le même sort que d’autres projet lancés sous l’égide des appels à projets Réinventer Paris. “Ils tombent tous les uns après les autres en justice : Bercy-Charenton, les Milles arbres multistrates, la porte de Vincennes… Leur idée c’était de financer de l’aménagement public par le privé avec cette logique, à laquelle on s’est toujours opposés, consistant à céder des parties de foncier pour faire du bureau. Ça renchérit le prix du foncier, ça créé des inégalités territoriales et en plus les bureaux au-dessus du périphérique du type de l’immeuble-pont qu’on veut construire Porte de Montreuil, ça ne se vend pas“, affirme-t-il en citant l’exemple du lotissement Chapelle international dans le 18ème arrdt de Paris où il est élu.
Les écologistes réfutent aussi tout allongement des délais et estiment au contraire que leur projet “peut être réalisé en trois ans (une année d’étude + 2 années de travaux).” En effet, soulignent-ils, leur proposition porterait sur “un projet d’aménagement et de voirie (comme celui de la rue et de la Porte de la Chapelle). Il n’est donc pas soumis aux mêmes règles de concertation et d’étude d’impact environnemental d’un projet d’urbanisme comme l’est le projet Nexity.” Au contraire, ils évaluent les travaux du projet actuel au minimum à dix ans, en raison des retards dus aux jeux olympiques de Paris 2024 et des recours juridiques lancés par “divers ONG environnementales ou des commerçants du marché aux puces.” Financièrement, ils chiffrent leur projet alternatif à 35 millions d’euros, en incluant les coûts d’indemnisation de Nexity. “Et si le projet Nexity n’avance pas c’est parce que la hausse des coûts de construction doit en train d’être rediscuté sec“, lâche Emile Meunier.
Prochain bras de fer en mars, au conseil de Paris
Enfin, les élus écologistes se défendent de tout volte-face, rappelant que, lorsque le conseil de Paris a autorisé la maire PS de Paris [Anne Hidalgo] à lancer les travaux de voirie en 2016, “le projet d’aménagement est stoppé pour lancer un programme immobilier Reinventing Cities, provoquant un nouveau retard.“
“C’est de bonne guerre de dire que c’est de la faute des écologistes, mais on s’y est toujours opposés”, martèle Emile Meunier. Il rappelle que son groupe a soulevé les problèmes dès le lendemain des élections municipales de 2020, tandis que Jérôme Gleize affirme, qu'”en 2019, les élus écologistes n’avaient pas voté pour mais s’étaient abstenus“. En vue du prochain conseil de Paris qui se tiendra du 14 au 17 mars, les élus écologistes ont d’ailleurs déposé ce lundi des questions écrites pour “obliger la maire de Paris à se positionner” sur un certain nombre de points liés au projet Nexity.
A cheval sur les deux positions, Laurent Sorel, élu LFI du 20ème arrdt de Paris, estime que le projet actuel, réclamé par les élus des trois communes et les riverains, à le tort de prévoir “plusieurs dizaines de mètres carrés de bureaux alors qu’on est dans un moment où on n’en a pas forcément besoin, parce que ça entretient la spéculation immobilière. On fait un cadeau a Nexity. Mais on ne se retrouve pas non plus dans le projet des Verts parce qu’on n’est pas sûr de son aboutissement et de son appropriation par les habitants qui se retrouvent dans une situation d’impatience aujourd’hui.”
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Annie Dingo …
La porte de Montreuil est un dépotoir à la circulation chaotique et dangereuse, et plongée dans la pollution du périphérique … Mais les ‘élus’ sont incapables de gérer un tel projet et n’y associent pas les communes limitrophes !
Voilà la gestion d’année Dingo …
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