Entre 1 et 2 millions de manifestants ont participé en France à la première journée de lutte contre la réforme des retraites repoussant notamment l’âge légal de départ à 64 ans. Dans le Val-de-Marne, des élèves ont démarré la journée par des blocus lycéens tandis que les syndicats rassemblaient les militants en AG avant de partir manifester.
Au lycée Jean-Macé de Vitry-sur-Seine, plusieurs dizaines d’élèves se sont retrouvés jeudi matin pour bloquer leur établissement. Pour Gwenn, le leader local du syndicat FIDL, il y a un peu de déception. “Nous étions 400 au moment du blocus sur la réforme de la voie professionnelle fin octobre. Il faut revoir la stratégie. Aujourd’hui est une journée de grève particulièrement suivie par les enseignants, les lycéens ont anticipé et ne sont pas venus. C’est important de participer à ces journées nationales mais nous devons aussi organiser des événements à des dates qui nous sont propres”, considère-t-il. Le groupe part ensuite en direction d’Alfortville, direction le lycée Maximilien Perret où un blocus a également été réalisé. Des lycées distribuent des flyers cosignés par une dizaine d’organisations politiques appelant à la mobilisation contre “la casse des retraites et le sacrifice de [leur] avenir”.
Noëmie étudie en classe de première générale et est vice-présidente de la FIDL du Val-de-Marne. Elle rapproche l’allongement des carrières de l’emploi des jeunes. “Si l’on maintient les employés plus longtemps en activité, les jeunes, déjà durement touchés par le chômage, vont devoir attendre plus longtemps avant de pouvoir entrer sur le marché du travail“. À Alfortville aussi, les participants regrettent le peu d’intérêt manifesté par la plupart de leurs camarades. “Le dernier blocus ici remonte à 2019, ils sont dépolitisés. C’est dommage parce que les motifs de protestation sont nombreux. Au-delà de la réforme des retraites, nous avons des problématiques locales comme la vétusté des salles de classe où l’eau de pluie s’infiltre, les rapports compliqués avec l’administration, le bien-être moral des élèves de ce lycée est dans les chaussettes“, résume Badou, élu au conseil de vie lycéenne. Le groupe s’est ensuite rendu à la gare pour rejoindre la Place de la République.
A l’hôtel de ville de Vitry-sur-Seine, les syndicalistes et sympathisants de l’union locale CGT et du syndicat des agents municipaux se tiennent au chaud dans la salle du conseil municipal. Les premiers cars doivent partir vers 12h30 en direction de Paris. Plusieurs responsables se succèdent à la tribune pour partager leur grille d’analyse. “Il faut attendre les annonces de l’intersyndicale mais les assemblées générales sont souveraines. Il faut les réunir rapidement pour décider de la suite à donner à ce mouvement. C’est notre capacité à l’inscrire dans la durée qui va déterminer nos chances de faire échec au projet gouvernemental”. Une participante confie ses craintes. “Déjà le passage de 60 à 62 ans il m’est resté en travers de la gorge. La retraite par point, ils y ont renoncé, mais il faut y rester attentif. Ils s’attaquent aux acquis de haute lutte du conseil national de la résistance : la sécurité sociale, la retraite,… les gouvernements successifs et le patronat en ont rêvé, Emmanuel Macron le fait“. Les premiers cars, essentiellement remplis de retraités, finissent par prendre la route. Un homme a plaqué sa pancarte contre la vitre. “Pépé, mémé au chômdu, les jeunes aussi. Non merci, référendum !”. Un autre tente une explication. “Premièrement, les retraités ne sont pas des nantis. Nos pensions sont grignotées par l’inflation, c’est de plus en plus dur. Ensuite, nous nous battons pour les générations futures. L’argent pour équilibrer le système, on peut le trouver ailleurs avec une meilleure répartition des richesses”.Arrivé sur le boulevard Beaumarchais, le car décharge les manifestants. Des gendarmes contrôlent les sacs de tous ceux qui veulent rejoindre la Place de la République, point de départ de la manifestation à 14 heures. “Ben dis donc, on leur fait sacrément peur. Regardez ce déploiement de force”, lance une dame devant deux hommes armés qui jaugent les groupes du regard.
Sur la place de la République, chacun se range derrière son cortège. Franck patiente devant un snack ambulant pour acheter un sandwich. Il sort de son sac une feuille A4 où est tracé un tableau représentant les effets de la réforme sur sa carrière. “Je suis né en 1965 et j’ai commencé à travailler à vingt-deux ans mais je n’ai pas eu une carrière linéaire. Il va falloir que je tire jusqu’à 66 ans pour avoir la retraite à taux plein. Sans la réforme, je peux profiter de mes petits-enfants et m’accorder un peu de repos 9 mois de plus. Ce n’est pas anecdotique. Je ne sais pas de quoi demain sera fait”, explique le magasinier. Samira est aide-soignante dans une maison de retraite. “Ils parlent de reculer l’âge à 64 ans mais honnêtement, qui pourra se permettre de partir à cet âge-là ? Qui aura le bon nombre de trimestres ? J’ai eu mes grossesses, les accidents de la vie, la pénibilité du travail avec le port des résidents. Si mon corps dit stop avant, je ne vois pas comment je m’en sortirai”. Sofia travaille comme auxiliaire de puériculture dans une collectivité. “Je pense qu’il y a un raz-le-bol général qui s’exprime. D’habitude, c’est surtout la fonction publique qui se mobilise mais cette fois-ci, le privé s’est beaucoup mobilisé aussi. J’espère que nous serons aussi nombreux lors des prochaines manifestations car nous ne pouvons pas en rester là”.
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