Dans le cortège de ce mardi 31 janvier, les étudiants de l’université de Paris 8, venus de Saint-Denis, ont contribué à donner de la voix, et espèrent bien élargir la mobilisation au sein de leur campus. Reportage.
“On est là parce que cette réforme des retraites est aussi une attaque globale contre nos conditions de vie. La retraite est un droit social qui doit être défendu. Les jeunes sont donc tout aussi concernés que les autres“, défend Santiago, 21 ans, qui a rejoint vla manifestation avenue des Gobelins à Paris, où la foule se fait déjà compacte. Plusieurs dizaines d’étudiants de Paris 8 rejoignent ce cortège inter-universités.
“La première AG interfacs depuis 2018“
Etudiant en master, Santiago est membre du NPA. “Ce qui est bien est que la mobilisation s’organise. Lundi soir, s’est tenue la première AG [ndlr, assemblée générale] interfacs depuis 2018 !” se réjouit-il. “On était plus de 300. Il y avait des étudiants de Nanterre, Paris 1… A Paris 8, il y a un consensus entre enseignants, personnels et étudiants contre cette réforme.“
Tout l’enjeu pour les organisations étudiantes est maintenant d’élargir la mobilisation au-delà du cercle des jeunes mobilisés. Pour Romanée, en master Humanités à Paris 7, cette mobilisation reste un prétexte pour revendiquer “un autre projet de société.” “J’ai toujours été politisée, mais là, c’est la première fois que je vais aux réunions. J’étais à l’AG à Saint-Denis. Je pense qu’il y a de plus en plus d’étudiants dans ce cas. Bien sûr cette réforme est injuste et il faut être solidaire de ceux qui vont être directement impactés, mais l’enjeu n’est pas seulement les retraites. Il faut dire stop à ce gouvernement qui fait des économies sur le dos des gens et il n’y a qu’en s’unissant qu’on y arrivera“, estime l’étudiante.
Nicolas, enseignant-chercheur à Paris 8, fait partie des profs mobilisés. “La mobilisation s’organise progressivement au niveau des départements, des UFR… Mais il faut surtout éviter le blocage parce que ça va empêcher le débat“, souligne-t-il. Un appel à la grève a en revanche été lancé.
“300 étudiants conscientisés pour 22 000 à Paris 8”
“C’est réjouissant de voir les jeunes se mobiliser“, relève pour sa part Eléonore. “Mais il y a 300 étudiants conscientisés pour 22 000 à Paris 8. Dans mon service, [service d’information, d’orientation et d’insertion professionnelle], ce que je vois, ce sont des dizaines de jeunes complètement perdus, qui n’ont pas vraiment fait le choix de leurs études. Je ne sais pas quel monde on leur prépare.”
“Déliquescence du service public“
Eléonore manifeste elle-même parce qu’elle refuse de travailler deux ans de plus. “Je suis cadre, je suis plutôt bien payée, mais avec toutes les responsabilités et la pression qui vont avec. Avec cette réforme je vais rester avec moins de 1 500 euros brut avec la décote, soit moins que mon père qui a fait toute sa carrière à La Poste. Mais surtout, je refuse d’assister pendant deux ans de plus à la déliquescence du service public. On manque de tout. Dans mon service, il manque quatre postes. Et à 64 ans, comment je vais faire en continuant à travailler pour m’occuper de mes parents. En gros, on me contraint à les mettre dans un Ehpad. Je veux qu’on laisse le choix aux gens!“
Un constat que partage Céline 38 ans, orthophoniste. “A l’hôpital de Saint-Denis, tout est sous tension permanente. On manque de tout. Beaucoup de gens sont en arrêt de travail parce que les conditions de travail sont difficiles. Ça fait cinq ans que je demande à être titularisé, mais c’est refusé. On veut nous faire travailler plus longtemps soi-disant pour sauver le système des retraites. Mais sur le terrain, c’est des économies partout. Où va l’argent? Alors c’est bien qu’il y a ait du monde. Il faut que le gouvernement voit que les Français sont bien là.”
Nouvelle assemblée générale
Arrivée devant l’hôtel des Invalides, Ethan (le prénom a été modifié), un étudiant de Paris 8, fait les comptes. “On devrait être 300 environ aujourd’hui, c’est plus que la dernière fois [le 19 janvier, date de la première manifestation].
Lunes, 22 ans, termine la manifestation satisfait. “C’est important qu’il y ait du monde et que les étudiants se mobilisent plus.” Lui, n’est en revanche pas membre d’un parti politique ni d’un syndicat. Lui aussi pointe le décalage entre les objectifs de la réforme et la réalité du terrain: “Mon père est parti à la retraite à 59 ans et franchement je ne le voyais pas faire 4 ans de plus. Moi, je travaille depuis que j’ai 18 ans mais j’ai fait beaucoup de travail au black. À Saint-Denis, où je vis, c’est le cas de beaucoup de gens. C’est une réalité pour plein de raisons. Donc pour toute une partie de la population française c’est la double-peine.”
En attendant la suite, les étudiants n’entendent pas relâcher la pression. “On va voir ce que décident les syndicats, mais nous on n’attendra pas 10 jours pour agir.” Une nouvelle AG est prévue ce mercredi à 13 heures.
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