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Justice | | 11/02/2023
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Règlement de comptes mortel entre influenceurs en direct sur internet : 19 ans de prison

Règlement de comptes mortel entre influenceurs en direct sur internet : 19 ans de prison © cesare ferrari

Pour ne pas perdre sa réputation de “clasheur” sur les réseaux sociaux, il a ôté la vie. La cour d’assises de Seine-Saint-Denis a condamné vendredi un influenceur à 19 ans de réclusion pour le meurtre d’un autre internaute après une dispute en ligne.

Fils de l’actrice Firmine Richard chez laquelle il vivait encore, Keneff Leauva, 40 ans, a poignardé à mort en avril 2021 Mamadi T., alias “Moussa VR6”. Un homicide glaçant diffusé en direct sur internet.

La victime s’était présentée à 06H00 du matin au domicile de la comédienne à Pantin pour s’expliquer après une altercation devant 500 spectateurs sur l’application de vidéo en direct Bigo Live, dont la communauté se délecte des “clashs” et “affichages” en tous genres.

Après à peine heure et demie de délibération, la cour d’assises a retenu une peine en-deçà des 25 années de réclusion criminelle requis par le parquet. Le jury a considéré que Keneff Leauva n’a pas prémédité son geste, écartant donc le chef d’assassinat.

Avec de nombreux internautes appelés à la barre pour témoigner, ce procès d’une semaine a mis en lumière comment la radicalisation individuelle d’un homme s’est inscrite dans une dérive collective en ligne, au point de brouiller les frontières du réel et du virtuel.

“Petit à petit, il y a eu des embrouilles, des clashs, des affichages qui sont montés d’escalade en escalade”

De toute la France, de tous milieux et tous âges, une kyrielle d’utilisateurs a plongé la cour dans l’atmosphère toxique du microcosme du live-streaming, née avec l’application Periscope en 2015-2016. Après des débuts relativement insouciants, “petit à petit, il y a eu des embrouilles, des clashs, des affichages qui sont montés d’escalade en escalade”, a relaté l’une.

Dans ce panier de crabes, on s’invective dans des “rooms à clash” très populaires, on intrigue sans arrêt, on médit sur les “amis” d’hier, on se monte les uns contre les autres… Le harcèlement y est poussé à l’extrême, pouvant aller d’appels téléphoniques malveillants à la publication de vidéos pornographiques en représailles (“revenge porn”).

S’étant fait initialement connaître dans ce petit milieu en documentant son quotidien de chauffeur de VTC, Keneff Leauva y a gagné en notoriété en adoptant une posture virulente et agressive.

L’agressivité, c’est plus vendeur sur les réseaux sociaux

“Il a compris un truc, c’est que sur l’application, si je me filme en train de chanter, de jardiner, je vais avoir dix personnes qui vont voir mon live. Mais si je suis dans les bagarres, les insultes, les déplacements pour aller taper des gens, je sais que je vais avoir toute une communauté”, a résumé un autre internaute.

Cette réputation en ligne, Keneff Leauva n’hésite pas à la défendre hors ligne en traversant la France pour se castagner avec un contradicteur. Cet engrenage de la violence lui a déjà coûté une phalange arrachée dans une bagarre et un séjour de quelques mois en prison.

Lorsque Mamadi T. se présente à son domicile au petit matin en compagnie d’une autre internaute, Keneff Leauva est donc persuadé que son adversaire vient pour le frapper et diffuser son humiliation sur Bigo Live.

“Après, les gens en auraient ri: -c’est la deuxième fois que Keneff le bagarreur se mange une branlée sur les réseaux !”, a-t-il grincé dans le box des accusés.

Dans la bagarre qui s’ensuit entre les deux hommes, Keneff Leauva, qui s’est saisi d’un couteau de cuisine sur l’égouttoir en sortant, en met trois coups au thorax de son adversaire. Sa défense et lui-même ont soutenu qu’il n’avait toutefois pas l’intention de tuer.

“Je pensais pas que c’étaient des coups fatals, je pensais que c’étaient des poinçons. J’me disais -j’ai mis des piques, il va se faire recoudre”, s’est-il justifié à l’audience.

Rentré chez lui, Keneff Leauva débriefe le match sur Snapchat avec une amie virtuelle avant que les policiers ne viennent l’arrêter. “Crois-moi, il va plus chanter sur internet lui”, se vante-t-il.

par Alexandre MARCHAND

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