Un mois après la rentrée scolaire, de nombreux enfants en situation de handicap attendent toujours un accompagnateur ou une place dans une classe adaptée. Pour les familles comme les enseignants, le compte n’y est pas et certaines situations sont dramatiques.
“Sans AESH (Accompagnant pour élève en situation de handicap) l’école inclusive n’est qu’un slogan“, lisait-on sur les feuilles collées aux portes de l’école élémentaire Aimé Césaire à Arcueil ce lundi. En fin de journée, les parents d’élèves et quelques élus ont manifesté leur colère (photo de une). “Quatre enfants ont droit à un accompagnant, mais seulement un a pu en avoir un. Sur l’ensemble de la ville, il en manquerait 18“, explique Raphaël Bot-Gartner, parent d’élève et membre de l’association locale Gipe. “La situation est si tendue que l’inspecteur de circonscription nous demande des CV de candidats ! Le manque d’AESH pénalise les classes parce que, en fonction de l’enfant en situation de handicap, les enseignants vont plus ou moins difficilement pouvoir faire cours“.
“La situation est si tendue que l’inspecteur de circonscription nous demande des CV de candidats !“
Un directeur d’école à Rungis évoque, par exemple, un enfant avec un trouble du spectre autistique (TSA). Faute de place en IME (Institut médico-éducatif) ou en hôpital de jour, il est inscrit dans une classe spécialisée Ulis pour les troubles des fonctions cognitives et mentales (TFCM). “Concrètement, nous n’arrivons pas à le faire entrer en classe. Il reste à l’extérieur et se suspend dangereusement à des rampes, des cages de foot. Il faut être quatre pour l’en décrocher. Pendant ce temps, nous ne faisons pas classe aux élèves“. Faute de solution, l’équipe enseignante a proposé à sa mère de garder le garçon lors des récréations. “C’était inenvisageable car elle pouvait enfin chercher du travail après deux ans à s’occuper de l’enfant. C’est compréhensible, mais finalement, nous nous retrouvons à gérer d’énormes tensions“.
“Je sais que si je vais râler, ils complèteront les heure au détriment de quelqu’un d’autre“
En désespoir de cause ou par solidarité, certaines familles acceptent la mutualisation des moyens, même lorsqu’il leur est notifié un accompagnement individuel. “J’ai un fils de 11 ans qui est HPI (haut potentiel intellectuel), TSA et TDA (trouble de l’attention). Il bénéficie d’une notification pour un AESH individuel, témoigne une mère. Depuis deux ans, il ne l’a trois heures par semaines. Mais je sais que si je vais râler, ils complèteront les heure au détriment de quelqu’un d’autre.”
Sur les 97 classes Ulis du Val-de-Marne, seulement quatre sont dédiées à l’accueil d’élèves avec TSA. Les autres élèves concernés se répartissent dans les classes Ulis TFCM. Ce fonctionnement pousse vers des classes banales, des élèves qui devraient être mieux accompagnés, selon le syndicat Snudi-Fo 94, qui organisait ce lundi une réunion sur ce sujet. “Depuis le début de l’année, nos collègues nous interpellent sur des situations particulières. Nous faisons des demandes d’audience auprès de la direction académique et comptons aussi interpeller la préfecture qui peut agir au niveau médico-social“, motive Luc Bénizeau, le secrétaire général.
Déscolarisé à douze ans faute de classe adaptée au collège
L’organisation syndicale s’est faite communiquer des chiffres alarmants par les représentants locaux de l’Éducation Nationale. “En Val-de-Marne, vous avez 8 408 élèves avec une notification d’accompagnement. Ils sont 7 909 à relever de l’enseignement public. En face, vous avez 2 150 assistants. Des centaines d’enfants n’ont pas les AESH auxquels ils ont droit“, relève Samia Ait Elhadj, représentante du personnel.
Le statut des AESH a pourtant été revalorisé. Mais les accompagnants, qui avaient fait une longue grève en 2022, considèrent que leur situation n’a pas beaucoup évolué. “Aujourd’hui, ils proposent des CDI, mais le temps partiel est toujours subi et la rémunération n’est pas au rendez-vous. C’est pour ça qu’ils ne trouvent personne“, lance une AESH titularisée depuis plusieurs années.
Autre source d’inquiétude pour les équipes enseignantes : la transition avec le collège. “Tous les efforts que nous faisons avec ces enfants que nous parvenons à faire progresser n’aboutissent parfois à rien. Nous avions préparé avec la famille d’un élève son passage en sixième dans une classe spécialisée à Créteil. Tout était prêt. Il a finalement obtenu une place en classe banale dans son collège de secteur. Aujourd’hui, les parents se démènent pour trouver une Ulis qui l’accepte“, relate une enseignante. D’autres témoignages évoquent des situations similaires où l’élève, inapte à poursuivre sa scolarité en milieu ordinaire, est déscolarisé à 12 ans.
L’Éducation nationale relève des progrès
De son côté, la direction académique ne réagit pas aux chiffres avancés par Snudi-FO mais renvoie vers ceux communiqués début septembre, à savoir 7 900 au niveau académique (les trois départements de l’est parisien) pour 20 000 élèves accompagnés. Dans son dossier de presse de rentrée, l’académie de Créteil indiquait que le Val-de-Marne est le département qui ouvre en proportion le plus ses classes aux enfants notifiés d’un AESH. Ils y représentent 3,2% de la population scolaire contre 2,79% en Seine-et-Marne et 2,39% en Seine-Saint-Denis. Le département a du reste recruté 400 AESH suite à une campagne de communication, chiffrait la directrice académique départementale à la rentrée.
Mais si le pool d’AESH du rectorat n’est pas en décroissance, le nombre de notifications continue lui aussi d’être élevé. Lors de sa conférence de presse de rentrée, la rectrice, Julie Benetti, annonçait dans ce contexte un travail avec les MDPH qui prescrivent les notifications, avec l’ARS (Agence régionale de santé) pour les places en institut médico-social, et encore avec les professeurs pour favoriser l’inclusion en classe, notamment dans le cadre du pacte enseignant.
Pour maintenir ses ressources humaines à niveaux, l’académie de Créteil a renouvelé sa campagne de recrutement d’AESH. Voir la campagne de recrutement
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