Economie circulaire | Val-de-Marne | 16/02/2023
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Réparer, réemployer, recycler, surcycler… petit tour de l’économie circulaire en Val-de-Marne

Réparer, réemployer, recycler, surcycler… petit tour de l’économie circulaire en Val-de-Marne © Bilum

Et si on réparait au lieu de racheter ? Et si les fabricants maintenaient leurs produits plus longtemps ? Et si on faisait circuler les objets plutôt que les jeter ? Pour limiter l’extraction de ressources et la production de déchets, la réponse tient en trois R : réduire, réutiliser, recycler. Dans le Val-de-Marne, les initiatives ne manquent pas, qui concilient écologie, plaisir, développement social et économique.

Une roue voilée ? Un câble cassé ou encore des freins usés ? Lorsque l’on n’utilise pas son vélo tous les jours, il n’en faut parfois pas plus pour le laisser prendre la poussière. “Beaucoup de vélos ne sont pas fonctionnels”, constate Chrystèle Idrissy, salariée de Cyclofficine. L’association, créée en 2010 et déclinée à Ivry-sur-Seine, Paris et Pantin, ne s’est pas résolue à cette fin prématurée alors qu’il n’est pas si compliqué de réparer une bicyclette. Ses bénévoles animent sans relâche des ateliers et des permanences pour apprendre aux cyclistes comment réparer leur vélo. “On ne fait surtout pas “à la place” des gens, on les rend autonomes”, insiste Christèle Idrissy. D’un bout à l’autre du département, les initiatives similaires se propagent, menées par des associations ou encore des villes. Et pour les réfractaires, il reste possible de faire réparer son vélo dans les magasins de cycle.

Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série consacrée à l’économie circulaire dans le Val-de-Marne, réalisée avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie du Val-de-Marne et de l’Agence de la transition écologique (Ademe).
La CCI 94 développe actuellement un accélérateur d’économie circulaire à l’attention des acteurs économiques du département. Pour plus d’informations, contacter Patricia Fouré, responsable partenariats et projets circulaire (pfoure(a)cci-paris-idf.fr)

Au-delà des vélos, ce sont désormais les machines à laver, à café, imprimantes et autres matériels de bricolage, de bureautique ou d’électroménager que l’on s’attelle à réparer. Le concept de Repair Café, lancé à Amsterdam en 2009, a essaimé partout. Rien que dans le Val-de-Marne, plusieurs Repair Café ont vu le jour, de la ressourcerie La Pagaille à Ivry-sur-Seine à Villejuif en passant par Sucy-en-Brie. Beaucoup d’autres associations s’inscrivent dans la même dynamique, lançant ici et là des cafés des bricoleurs ou des ateliers de réparation, notamment les recycleries et les ressourceries.

Réparer, réemployer : le boom des recycleries et ressourceries

C’est le cas de La Mine, déployée depuis 2016 à Arcueil, qui se définit comme un “tiers lieu de réemploi et d’innovation sociale”. Textile, linge, maroquinerie, culture, jouets, puériculture, mobilier, électroménager… Ici, on récupère tout pour fournir de tout. “Notre objectif est de proposer des biens de consommation à bas coût à la population”, explique Régis Pio, son directeur, qui estime le taux de réemploi des objets apportés à 65%. “Le reste part en recyclage auprès d’éco-organismes.”

Les apports volontaires viennent des habitants d’Arcueil mais aussi de Gentilly, Paris, Fresnes, Villejuif… “Nous organisons aussi des collectes à domicile en camion ou vélo cargo, et des collectes en pied d’immeuble”, détaille Régis Pio.

Les étapes du réemploi ? Tri, petite réparation, nettoyage, parfois détournement. “Nous lançons une gamme de produits avec le label Fait à la main à la Mine et avons organisé un premier défilé de mode festif cet automne.” Au-delà du réemploi, La Mine se revendique, en effet, comme un tiers lieu festif, créatif et événementiel. Au total, l’association, qui emploie 40 salariés dont 28 en parcours d’insertion, a récupéré 150 tonnes d’objets en 2022 et anticipe les 180 tonnes en 2023. Elle prévoit désormais de se répliquer en sept tiers lieux sur l’intégralité du territoire, sous l’égide du Grand Orly Seine Bièvre, afin de pouvoir approcher le millier de tonnes collectées chaque année.

Imaginée en 2013 et créée en 2016 à Arcueil, l’association La Mine, qui emploie 40 salariés dont 28 en parcours d’insertion, récupère plus de 150 tonnes d’objets par an. Elle porte actuellement un projet de réplication en écosystème s’appuyant sur 7 lieux, avec le territoire Grand Orly Seine Bièvre.

Si les initiatives de récupération-réemploi se sont multipliées ces dernières années dans le Val-de-Marne, les pionniers demeurent, à l’instar des communautés Emmaüs. La toute première a été créée par l’Abbé Pierre en 1949 dans le département voisin, à Neuilly-Plaisance. Leur vocation : l’accueil inconditionnel des personnes mais aussi la récupération, le tri et la vente à bas coût de toutes sortes d’objets du quotidien. En Val-de-Marne, deux communautés sont implantées. Dès 1954, a été créée la première communauté de femmes au Plessis-Trévise. Du côté ouest du département, Emmaüs Liberté a vu le jour en 1972 et est déployée sur quatre sites (Ivry, Charenton, Maisons-Alfort et Champigny). D’autres associations caritatives ne sont pas en reste comme le Secours catholique qui dispose d’une boutique solidaire à Saint-Maur-des-Fossés, et le Secours populaire qui propose des permanences de vente dans de nombreuses communes. Depuis, des ressourceries et recycleries ont essaimé, à commencer par l’association Approche, créée dès 1992 à Saint-Maur-des-Fossés, qui récupère chaque année plusieurs centaines de tonnes de dons. Cette nouvelle génération passe aussi par des tiers-lieux qui mixent les activités, comme La Mine mais aussi La Pagaille à Ivry-sur-Seine, ou encore La Cour Cyclette, à Ivry et Alfortville, qui propose à la fois de la réparation et revente de vélos, mais est aussi dédiée à l’alimentation en circuit court avec des paniers bio et une partie cantine et épicerie. Dans les projets à venir, une ressourcerie territoriale s’apprête à ouvrir sur le port de Bonneuil, portée par le territoire Paris Est Marne et Bois, à côté de la déchetterie.

Des fabricants qui maintiennent leurs produits

Pour prolonger la durée de vie des objets, la balle n’est pas que dans le camp des associations et des usagers bien sûr. Les fabricants ont aussi un rôle à jouer, au-delà du temps de garantie. La pression des consommateurs et l’évolution règlementaire, avec l’indice de durabilité, poussent en ce sens. Négligée pendant des dizaines d’années, cette capacité à entretenir a pourtant réussi à ceux qui l’ont toujours cultivée. Exemple chez Ambiance et lumière, à Alfortville. Cette PME familiale qui conçoit de l’éclairage depuis 1979, “fait de l’économie circulaire sans le savoir depuis son origine”, s’amuse son président, Simon Millet. Alors que le marché de l’éclairage a fortement évolué en termes de technologies, depuis les ampoules à incandescence jusqu’aux LED, la mise à jour matérielle des luminaires à ces nouvelles technologies a toujours été proposée par l’entreprise, comme le prolongement d’un service après-vente. Un savoir-faire repéré au-delà des clients de la PMI. Au point que l’entreprise est aujourd’hui sollicitée pour mettre à niveau des parcs de luminaires qu’elle n’avait pas installés à l’origine, et qu’elle a étendu cette diversification en proposant du reconditionné.

Pionnière des pionnières, l’ancienne usine Renault de Choisy-le-Roi a pour sa part remis dans le circuit des dizaines de milliers de moteurs, boites de vitesse, pompes à injection… chaque année pendant 70 ans, employant 300 personnes à cet effet. Transférée sur le site de Flins (Yvelines), cette activité constitue désormais l’un des quatre pôles du projet circulaire Refactory du constructeur automobile.

Autre précurseur dans le département : la société Leasecom. Alors que son métier n’est pas de fabriquer, cette entreprise de leasing a pensé dès sa création, en 1984, la fin de cycle des produits qu’elle finançait. “Nous avons toujours internalisé ce traitement avec nos propres salariés, techniciens, labos de tests, explique Frédéric Ben Nouioua, directeur du centre de reconditionnement, installé à Fresnes depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, nous sommes présents sur une vingtaine de marchés de matériel professionnel, des équipements informatiques au BTP électroportatif comme les perceuses, en passant par les fours de boulangers. Globalement, nous arrivons à reconditionner 82% des produits.” Ce qui est trop abimé, revient trop cher à réparer ou est trop dépassé technologiquement, est envoyé à une entreprise adaptée de recyclage, Loxy, en Val d’Oise, qui démantèle, broie et réinjecte dans le circuit industriel.

Installé à Fresnes, le centre de reconditionnement de Leasecom passe au crible fin quelque 35 000 machines chaque année et en remet 82% dans le circuit en les revendant. La société de leasing a également lancé cette année une offre de leasing reconditionné, Reconnect.

“Avant, le réemploi était un gros mot

Pour le directeur du centre, le reconditionnement est promis à un bel avenir. “Avant, le réemploi était un gros mot. Depuis deux ans, la situation a réellement évolué. L’essor du télétravail y a contribué en obligeant les entreprises à équiper leurs salariés en ordinateur portable de manière assez rapide. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus de demandes des entreprises. Certaines ne veulent même que du reconditionné.” Au-delà de l’empreinte environnementale, cette option permet aussi d’accéder à du matériel plus haut de gamme, de 30 à 40% moins cher, en acceptant de faire l’impasse sur la toute dernière version.

La demande est telle que Leasecom, qui d’ordinaire écoule ses produits reconditionnés auprès de distributeurs spécialisés, vient de lancer une offre de leasing de produits reconditionnés ce début 2023, sous le label Reconnect. Et l’emploi suit. Le centre fresnois, qui compte 15 personnes, s’apprête à en accueillir 4 supplémentaires. Au total, environ 35 000 machines sont traitées à Fresnes chaque année.

Une nouvelle génération sensible à la cause environnementale

Un engouement pour le réemploi qui se retrouve dans tous les univers de consommation, comme le constate Ludovic Vasseur, directeur d’Emmaüs – La Friperie solidaire. Créée en 2002, l’association revend des vêtements dans quatre boutiques à Choisy-le-Roi, Alfortville, Villejuif et Paris 12. “Il y a dix ans, nous avions à la une fois clientèle populaire et des personnes qui cherchaient des pépites. Ces deux catégories existent toujours mais sont complétées d’une nouvelle génération qui recherche les bons plans abordables et veut aussi participer à une économie circulaire et solidaire. Nous observons particulièrement cette tendance depuis cinq-six ans”, constate-t-il. “Entre la pandémie, la crise énergétique, le dérèglement climatique et l’écoanxiété que cela suscite, il y a une conjonction de facteurs qui accélère la prise de conscience du côté des citoyens comme des entreprises”, confirme Patricia Fouré, responsable partenariats et projets circulaires à la CCI du Val-de-Marne.

© Chloé Bergeret

Une évolution moins favorable, en revanche, est celle de la qualité des dons, qui s’est dégradée depuis sept-huit ans, alerte le directeur, sous l’effet d’une fast-fashion dont le rythme infernal repose sur des coûts au plancher et une piètre qualité. “Il y a 7-8 ans, on remettait en magasin 60 % du volume, nous sommes descendus à 40 %”, regrette Ludovic Vasseur. Ce qui n’est pas récupérable est emmené par l’unes communautés Emmaüs, laquelle récupère les fibres de textile pour les utiliser comme isolant dans le BTP. “Mais il reste toujours une partie non recyclable, non textile, qui finit à la déchetterie.” Au total, l’association récupère environ 300 tonnes de vêtements chaque année, pour alimenter les trois magasins du Val-de-Marne et celui de Paris.

Surcycler

Depuis quelques années, Emmaüs La Friperie solidaire a aussi développé une activité de surcyling. En parallèle de la revente de vêtements, elle récupère des rouleaux de tissu non utilisés de marques et fabrique ses propres modèles sous l’étiquette Le labo de l’Abbé. “Cette activité représente moins de 5% du chiffre d’affaires mais elle permet de maintenir un savoir-faire couturier et d’utiliser aussi cette sorte de rebut”, explique Ludovic Vasseur.

L’association Renaissance, créée à Villejuif et prochainement déménagée à Fontenay-sous-Bois, invente, elle, des créations haute couture à partir de vêtements. Fin janvier, elle a donné à voir ses créations en lançant le premier salon couture en upcycling à Paris.

En créant complètement autre chose, le surcyclage (ou upcyling) permet d’apporter une nouvelle valeur ajoutée, en recréant un objet. Parmi les premières à avoir développé cette démarche dans le département, Hélène de la Moureyre, fondatrice de Bilum, a ainsi eu l’idée de recycler des bâches publicitaires géantes depuis déjà 18 ans. “Au début, on m’a prise pour une originale”, se souvient-elle. Aujourd’hui, ce n’est pas une mais vingt matières qu’elle transforme, des bâches d’exposition aux toiles de store ou de montgolfière, en passant par les gilets de sauvetage, drapeaux, tissus d’ameublement, housses de siège, uniformes, et même les airbags ! Avec une toile publicitaire de 150 m2, elle créé 171 pièces uniques comme par exemple des sacs (voir ci-dessous). En associant airbag et ceinture de sécurité, elle dessine un cabas. La société, toujours installée à Choisy-le-Roi, emploie 8 salariés et travaille avec 9 ateliers partenaires. De 2005 à fin 2022, la PME a transformé 23 tonnes de matière en 350 000 pièces confectionnées en France.

Le mobilier, qui fait déjà partie des produits les plus volontiers réemployés, chiné dans les brocantes, se prête aussi volontiers à l’upcycling dans sa conception même. Depuis plusieurs années, par exemple, les palettes font salon et bien autre chose, au grand dam du reste des entrepôts qui se font régulièrement voler des stocks alors que les palettes ont déjà une vocation circulaire logistique. À Ivry-sur-Seine, la société Maximum a décidé d’aller au-delà de ces réalisations un peu élémentaires. Elle développe des meubles dessinés par ses designers à partir de matériels récupérés chez des partenaires. De la matière première qui va des échafaudages de chantier aux barrières de police, en passant par les planchers carbone d’industriels de l’aéronautique. “L’important pour nous est de pouvoir récupérer ces matériaux de manière récurrente pour penser notre mobilier en série, et non en pièces uniques”, explique Armand Bernoud, président de l’entreprise. Parmi les dernières créations, par exemple, la table de bureau Bupo est créée à partir d’une porte standard, “et une seule porte”, insiste l’entreprise. Pour optimiser les ressources, un système de courbure a été imaginé pour proposer trois dimensions différentes sans pour autant créer des chutes. Les pieds, eux, sont extraits du cadre en bois massif. Objectif : ne rien utiliser d’autre qu’une porte par bureau.

Le bureau Bupo imaginé par la société ivryenne Maximum à partir de une et une seule porte standard

Même préoccupation esthétique pour Florent Blanchard, également artisan à Ivry-sur-Seine. À la tête de Dod objet, il transforme les chutes de bois en luminaires, patères, bureaux ou encore signalétiques. Au-delà de la récup et du design, le créateur joue avec la modularité et imaginé un luminaire à assembler soi-même à partir de plusieurs combinaisons possibles.

Pour encourager l’approvisionnement en matériaux recyclés, des outils se mettent en place, comme la plate-forme de mise en relation entre entreprises développée par le territoire Grand Paris Sud Est Avenir, qui permet par exemple aux parquettistes de ne pas jeter les lames en surplus.

Le luminaire modulable imaginé par Dod Objet à partir de chutes de bois

Pour porter cette économie circulaire, qui implique du stockage et du travail sur les produits, se posent néanmoins la question du foncier, cruciale en proche couronne, mais aussi de la main d’œuvre locale, et plus globalement du modèle économique de cette économie du durable. Ces questions seront abordées dans les prochains articles de cette série. À venir aussi : des portraits d’entreprises de l’économie circulaire et des focus sur quelques problématiques comme la gestion de l’emballage, le développement de boucles circulaires thématiques locales, le rôle des collectivités dans cette économie de proximité et les enjeux d’un accélérateur.

Voir tous les articles de la série :
Val-de-Marne circulaire # 1 : un enjeu environnemental et économique stratégique
Val-de-Marne circulaire # 2 : Réparer, réemployer, recycler, surcycler… petit tour de l’économie circulaire en Val-de-Marne
Val-de-Marne circulaire #3 : Louer au lieu de vendre : comment la startup Viluso a changé de modèle
Val-de-Marne circulaire #4 : Ambiance Lumière à Alfortville : une PMI à rebours de l’obsolescence programmée
Val-de-Marne circulaire #5 : le vrac n’est pas mort
Val-de-Marne circulaire # 6 : comment Maximum réussit l’upcycling en série à Ivry-sur-Seine
Val-de-Marne circulaire #7 : Économie circulaire en Val-de-Marne : quel modèle économique ? Quel foncier ?
Val-de-Marne circulaire #8 : Économie circulaire en Val-de-Marne : le défi de la déconstruction-reconstruction
Val-de-Marne circulaire #9 : Ta Tiny House invente la maison mobile low-tech
Val-de-Marne circulaire #10 : quel rôle pour les collectivités locales ?
Val-de-Marne circulaire #11  : verdir la culture en maintenant le rêve
Val-de-Marne circulaire #12 : Oser l’économie circulaire ? Retours d’expérience en Val-de-Marne et mode d’emploi
Val-de-Marne circulaire #13 : Financer l’économie circulaire en Val-de-Marne : un cocktail de solutions

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