D’ici au mois de mars, les douches publiques rouvriront à Saint-Denis, à l’attention des personnes sans abri, mais aussi des mal logées. Une mesure demandée de longue date par les associations humanitaires.
Décidée au conseil municipal de Saint-Denis du 15 décembre, la réouverture de douches publiques et sans condition d’accès devrait se concrétiser d’ici au mois de mars. Objectif : offrir un accès à l’hygiène à des personnes sans abri, mais aussi à des habitants mal logés. Selon une étude de 2019 de l’Insee, plus de 3 900 logements de la ville n’ont ni douche ni salles de bains. Dès janvier, une halte de nuit devrait aussi ouvrir sur le même site. “Pour nous c’est l’aboutissement de deux ans de combat. Accéder à une douche constitue un droit humain fondamental indispensable au quotidien“, se félicite Samuel Bargas, co-président de la Ligue des droits de l’homme (LDH) de Saint-Denis Plaine Commune.
12 cabines de douches
Dix-sept ans après la fermeture des bains-douches de la rue Saint-Just, c’est dans ce même quartier de La Plaine, que la mairie de Saint-Denis est en train d’aménager 12 cabines de douche publiques et sans condition d’accès.
A l’origine, la section locale de la LDH avait lancé un appel aux pouvoirs publics pour la recréation de douches publiques sans conditions d’accès dans la commune après le fermeture en novembre 2020 d’un campement de migrants installé au pied du stade de France, sous le viaduc de l’autoroute A1. “En juin, on est alors passé en seulement quelques semaines de quelques dizaines de tentes à plus de 800. On était en pleine crise covid et il n’y avait aucun accès à l’eau. On a donc lancé un recours en justice et on a obtenu dix points d’eau. Une fois le campement brutalement évacué, ils ont été supprimés. Mais le besoin d’un accès permanent à l’eau est resté. On a donc créé un collectif* et lancé un plaidoyer pour la multiplication des douches publiques.”
Si la création de cet équipement ne figurait dans le programme de la majorité municipale PS élue en 2020, la ville de Saint-Denis s’est saisie de la revendication à la faveur de sa participation à la Nuit métropolitaine de la solidarité organisée pour la première fois en janvier 2022. “On a voulu aller plus loin que notre participation à cette campagne de recensement des personnes sans abris en réfléchissant à leurs besoins”, explique Oriane Filhol, adjointe au maire en charge des solidarités. “On s’est alors rendu compte de l’absence de douches publiques d’accès inconditionnel pas seulement à Saint-Denis, mais aussi sur le territoire de Plaine Commune [ndlr, l’intercommunalité] et dans l’ensemble des communes de petite et de grande couronne. En fait en Ile-de-France aujourd’hui, les personnes en errance qui veulent se doucher ne peuvent le faire qu’à Paris.”
A Saint-Denis, comme dans d’autres communes franciliennes, il existe bien des structures où l’on peut se doucher. Mais le public est restreint. La Maison des solidarités dispose de quatre douches (plus une pour les personnes à mobilité réduite) accessibles sur orientation du CCAS (Centre communal d’action sociale). Le Caarud (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues) en compte deux qui accueillent essentiellement des toxicomanes et des exilés. Trois douches sont réservées au femmes en errance à l’Amicale du nid. L’association Depaul France maraude par ailleurs tous les mardis matin dans la ville avec une douche itinéraire.
Sans-abri et habitat précaire
La nouvelle structure qui sera gérée par Hotel 93 du groupe Abri accueillera donc les femmes et les hommes qui le souhaitent “de manière anonyme“, souligne Oriane Filhol. “Elle est destinée aux personnes en errance mais aussi aux personnes qui n’ont pas d’équipement pour se laver chez elles. L’habitat indigne est une réalité notamment à Saint-Denis“, précise-t-elle.
Dans cette commune de Seine-Saint-Denis, le dernier recensement de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) sur le logement datant de 2019 établit qu’un peu plus de 3 900 logements sont dépourvus de douche ou de bain. Un besoin étayé par les conclusions d’une enquête de 2017 s’appuyant sur les réponses recueillies auprès de 1 088 usagers des bains-douches parisiens. “L’idée de bains-douches fréquentés majoritairement par des personnes sans domicile, voire sans abri, doit être largement nuancée”, pointe-t-elle. “Si 35 % des enquêtés se déclarent privés de tout logement, un quart sont hébergés (par un tiers ou en centre d’hébergement), et un tiers habitent un logement ordinaire en tant que locataire ou propriétaire. Des conditions de logement dégradées et des difficultés d’accès à l’eau viennent pour partie expliquer le recours à ces équipements : 67 % n’ont pas de douche, et 38 % n’ont pas de lavabo sur leur lieu d’habitation.”
Urgence sociale
“C’est un premier pas“, considère Samuel Bargas “mais 12 cabines, c’est insuffisant. On parle d’une ville de 115 000 habitants qui comme d’autres doit aussi faire face crise de l’accueil [ndlr, de migrants]. Il garder à l’esprit le modèle parisien qui propose 17 bains-douches soit environ 500 cabines.” Le militant de la LDH se dit également vigilant sur l’amplitude horaire de l’équipement qui doit ouvrir de 8h à midi. Un horaire qui pourrait évoluer en fonction des usages, assure la mairie.
Pour Oriane Filhol “Saint-Denis ne peut porter seule le combat de la solidarité. Nous sommes déjà la ville qui compte le plus de places d’hébergements d’urgence. Tout le monde doit jouer le jeu.” Soit plus de 4 000. Mathieu Hanotin, le maire de la commune, porte d’ailleurs une loi “SHU” (solidarité et hébergement d’urgence) sur le modele de la loi SRU (solidarité et renouvellemnt urbain) qui imposerait des quotas de résidences sociales à chaque ville, rappelle l’élue.
Pour répondre à l’urgence sociale, les nouvelles douches publiques de Saint-Denis s’accompagneront de l’ouverture fin janvier d’une halte de nuit avec 23 places pour les hommes et 12 pour les femmes. Au total, la nouvelle structure dont le nom n’est pas encore connu, représente un investissement global de 800 000 euros (soutenu notamment par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), dont une part de 200 000 euros engagée par la ville de Saint-Denis qui prévoit une enveloppe de 60 000 euros de fonctionnement par an.
*Le collectif pour la multiplication des douches publiques est composé de la LDH, Secours populaire français, CCFD-Terre Solidaire, le collectif Romeurope, Utopia 56, Solidarité Migrants Wilson, l’Armée du Salut, le MRAP, Coordination Eau Île de France et Femmes Solidaires 93.
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