“C’est vrai que ce n’est pas quelque chose qu’on prend forcément au sérieux. Même entre nous, on se vanne pour rigoler. Mais on s’est rendu compte comment le racisme blesse“, commente Zinédine, 14 ans, élève de 3ème du collège Tabarly aux Pavillons-sous-Bois.
Sur scène quelques minutes plus tôt, il campait ce mardi le rôle d’un agent de bus intervenant dans un conflit entre une femme demandant à une autre de lui céder sa place assise au prétexte qu’elle est arabe.
Affiches, mèmes, vidéos, saynètes et textes… 200 collégiens ont présenté mardi à Bondy leurs travaux contre les discriminations. Ils participaient au dispositif “Jeunes contre le racisme et l’antisémitisme”, porté par le département de la Seine-Saint-Denis, élargi à 12 classes pour cette seconde édition.
Comme lui, 200 élèves de 10 classes (une n’a pas pu faire le déplacement) de 4ème et de 3ème étaient réunis au Ciné Malraux à Bondy pour présenter leurs travaux. “On est parti du constat que les jeunes sont les plus exposés aux discriminations racistes. L’objectif est donc de les sensibiliser dès le collège, mais aussi de porter leur message à un public plus large et d’adulte. On va, par exemple, tirer de certains textes des punchline et utiliser les affiches réalisées par les élèves avec Ali Guessoum lors de la Caravane contre les discriminations qui sillonnera le département du 1er juin au 14 juillet“, explique Juliette Griffond, directrice de la mission égalité et diversité au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
“Mettre des mots justes”
Pour préparer sa saynète, Zinédine et les autres élèves des classes ayant choisi le support théâtre étaient accompagnés par la comédienne et metteuse en scène Jamila Bensaci. “Au début, elle nous a fait faire des exercice bizarres de théâtre, qu’on ne comprenait pas. Mais j’ai vraiment bien aimé l’écriture, et de jouer le rôle, surtout quand il y a un but comme celui de dénoncer le racisme“, confie-t-il.
Sukhmanpreet et Manel ont, elles, lu un texte sur le premier jour de classe d’une jeune élève arrivée de Turquie dans un prestigieux lycée parisien, et le rejet dont elle fait l’objet. “C’est pas un sujet dont on parle beaucoup. Mais après, on s’y est intéressé. Ce qu’on a aimé, c’est l’écriture“, résument-elles.
Leur collège participait pour la première fois. “Nous sommes plusieurs professeurs à avoir mené ce projet avec Mabrouck Rachedi“, indique Eliot Gravouille, leur professeur d’histoire géographie au collège René Descartes à Aulnay-sous-Bois. “Il y avait cinq ateliers. Pour les élèves, c’était une très bonne expérience du point de vue du travail en groupe, de l’entrainement à l’exercice d’expression orale en public, et bien sûr du point de vue de l’expression écrite. Sur le fond, ce projet s’inscrit pleinement dans le programme puisqu’on a abordé les discriminations en EMC [ndlr, enseignement moral et civique] au début de l’année. Cela leur a peut-être permis de s’approprier ce sujet d’une autre manière.“
Pour l’écrivain et journaliste Mabrouck Rachedi, qui anime les ateliers d’écriture pour l’association Remem’beur, “les jeunes sont très conscients des discriminations auxquels ils peuvent être exposées ou qu’ils peuvent observer.” “C’est dans leur quotidien qu’ils ont puisé pour écrire les textes que vous avez entendus. Il a juste fallu mettre les mots sur ce vécu. Ce qui amène à questionner son environnement, à déconstruire les stéréotypes qu’ils véhiculent parfois eux-mêmes.”
Au collège Paul Painlevé de Sevran, profs et élèves ont créé des mèmes (photo légendée, gif animé ou vidéos repris en masse sur internet). “Pour la réalisation de leurs travaux, les élèves ont dû construire un discours, argumenter. Ça leur montre aussi le rôle de la communication verbale tout en les éloignant de l’expression physique de la violence“, explique Mokhtaria Kebli, principale adjointe.
“L’année dernière, trois collèges ont participé à la première édition. Aujourd’hui, les élèves de dix collèges ont fait le déplacement. Ça montre tout l’intérêt de ce dispositif. Désormais, on souhaite le faire connaître au-delà de la Seine-Saint-Denis“, se projette Oriane Filhol, conseillère départementale en charge de cette délégation, qui rappelle que 25 critères de discrimination sont reconnus par la loi. “Il reste malheureusement beaucoup de travail à faire dans ce domaine.”
Pourquoi il y a t-il une femme voilée devant des collégiens ?
Parce que en France on a le droit d’être musulman et de porter un voile, sauf dans les écoles, collèges, lycées et administrations.
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