Qu’elles et ils investissent l’économie circulaire, l’épicerie fine, l’éducation ou l’inclusion… les nouveaux entrepreneurs de Seine-Saint-Denis osent innover et s’engager sur le plan sociétal et environnemental. Rencontre à l’occasion de la remise des trophées du concours Réussir en Seine-Saint-Denis par la CCI 93, le 7 décembre dernier.
“Je ne pensais pas gagner parce qu’il y a beaucoup de jeunes entrepreneurs et beaucoup d’innovation en Seine-Saint-Denis. Mais je suis fière d’être parmi les lauréats, c’est une reconnaissance“, confie Marie Audoux, qui a ouvert sa fromagerie il y a à peine un an dans un ancien atelier de peintre à Aubervilliers.
“On est dans un département qui accompagne beaucoup les entrepreneurs. Il y a beaucoup de structures pour nous aider. Je ne pense pas qu’on aurait pu développer ailleurs notre projet industriel“, pointe pour sa part Marius Hamelot, qui a fondé Le Pavé, également à Aubervilliers. La startup est spécialisée dans la transformation de déchets en plaque pour le secteur du bâtiment. “On est sorti de l’école avec une idée et très vite les portes se sont ouvertes. Quatre plus tard, on a livré 11 000 sièges pour le Centre aquatique olympique et l’Arena Porte de La Chapelle. On est passé de trois à trente salariés et on ouvre une autre usine en Bourgogne. Mais au départ, on n’avait pas d’usine. On n’avait pas idée de comment on allait résoudre les enjeux industriels“, témoigne-t-il.
Histoires de passion
Quelque 38 000 entreprises sont créées chaque année en Seine-Saint-Denis, en faisant le département le plus dynamique d’Ile-de-France. Selon les chiffres de BpiFrance, le département compte 239 créations pour 10 000 habitants, la même moyenne qu’en Île-de-France. Ce ratio est de 142 en France métropolitaine, hors Ile-de-France.
Une caractéristique du 93 est toutefois la prédominance des microentrepreneurs dans les nouvelles créations (24 350 au 1er trimestre 2023). Un passage parfois obligé pour se tester avant de changer d’échelle. Comme pour Jane Bourzeix qui a créé sa pâtisserie, Jeanette Boudoir, en 2019, avec l’accompagnement notamment de La Miel (Maison de l’initiative économique Locale) après avoir obtenu un CAP Pâtisserie.
Sublimer la datte algérienne pour en faire un mets de luxe
Sofiane Ziouche a, lui aussi, commencé dans son petit appartement à Drancy en 2019. Mais, ce cuisinier de profession, qui a fait ses armes dans des enseignes renommées, a choisi de lancer sa propre marque, Maitre dattier. “Le concept est de mettre en valeur le terroir algérien“, explique-t-il. Pour cela, il se concentre sur un produit : la datte algérienne, la Deglet Nour “que l’on sublime sous toutes ses formes : enrobée de chocolat, en caramel, en confiture, en sirop et même en foie gras… On en fait un produit de luxe. On travaille maintenant avec de grands hôtels parisiens et des grandes marques“, se félicite-t-il. Sofiane Ziouche est aujourd’hui à la tête d’un laboratoire de 400 mètres carrés installé à Romainville, et de six points de vente, dont un à Vincennes (Val-de-Marne). Un septième est en cours d’ouverture dans le huitième arrondissement de Paris. Une trajectoire à grande vitesse qui lui a valu un prix Tremplin, pour son parcours, a reçu un prix Tremplin de la CCI 93.
Ateliers d’écriture
Jennifer Sousa José propose pour sa part des ateliers d’écriture. “On est dans une ère très digitalisée. On a l’impression que l’écriture est “morte”, mais pas du tout les enfants adorent ça“, souligne la présidente de Kidikonte. Sa société, créée à Rosny-sous-Bois, propose des ateliers et “kits écolo et made in France pour les petits écrivains en herbes“. Concrètement, il s’agit d’un livre blanc, que les enfants peuvent complètement personnaliser, d’une trousse complète et d’un livret explicatif pour apprendre à écrire une histoire. “Après deux ans d’activité, j’ai fait une soixantaine d’ateliers. Maintenant, je veux faire un Kidikonte pour les plus petits et un autre destiné aux ados”, se projette Jennifer Sousa José.
Des entrepreneuses et entrepreneurs engagés
Pour ces nouveaux entrepreneurs, créer sa société rime aussi avec engagement. “L’objectif c’est clairement de changer la manière de consommer. On veut proposer un produit qui interpelle“, observe Marius Hamelot, en rappelant que les chaises qui accueilleront les spectateurs des JO, sont fabriquées à partir de bouchons en plastique.
Besoin de foncier
“Nous proposons des solutions logistiques pour démocratiser cette notion de “re-commerce”, explique Guillaume Peray Du Cray, fondateur de Reekom, qui se définit comme le logisticien du re-commerce. Cette notion correspond à la récupération, la revalorisation et la remise sur le marché de produits qui ont déjà été utilisés. Le fondateur de cette activité consommatrice d’espace a profité de la remise des prix pour lancer un appel aux élus. Son entrepôt de La Courneuve n’est plus assez grand et il recherche nouveaux locaux, entre 5 000 et 10 000 mètres carrés, “pour ouvrir le plus gros entrepôt d’Europe dédié à la seconde main“.
Défendre l’inclusion
Dans un tout autre domaine, Maëva Irrilo a aussi fait d’une cause sociétale la raison d’être de son entreprise. “Aujourd’hui, une personne sur deux est victime de discrimination au travail. Notre vocation est de faire prendre conscience qu’on est tous responsables de cette société inclusive et qu’il faut intégrer l’inclusion et la lutte contre les discriminations dans les process et les environnements de travail”, résume la fondatrice et présidente d’Inclusion conseil, un cabinet de ressources humaines spécialisé sur la diversité. Pour elle, 2023 a été une “année tremplin“. “On a rayonné en Ile-de-France et l’objectif est de nous déployer à travers la France. L’inclusion est un sujet qui ne concerne pas que la région. Bien au contraire, dans le 93, elle fait partie de l’ADN des entreprises. Donc nos clients sont maintenant à Lyon ou même dans les Drom-Tom“, détaille Maëva Irrilo qui note néanmoins qu'”entreprendre dans le monde du conseil, directement à la sortie des études, c’est très compliqué, surtout quand on vient de la Seine-Saint-Denis et qu’on est noire.”
Lauréats 2023 de la CCI 93
Prix Tremplin
- Maître Dattier, Sofiane Ziouche
- Kidiconte, Jennifer Sousa José
Prix Impact
- Inclusion Conseil, Maëva Irrilo
- Reekom, Guillaume Peray du Cray
Prix JOP 2024
- Picnic Kiosque, Raphaël Brochard
- Le Pavé, Marius Hamelot
Prix spécial Coup de Cœur In Seine Saint Denis
- Les drêcheurs urbains, Benoit Cicilien
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