Quatre ans après le lancement du plan “L’Etat plus fort en Seine-Saint-Denis”, “il n’y a pas eu d’évolution notable“, estime Stéphane Peu, député (PCF) du 93, co-rapporteur du suivi de l’action du gouvernement, avec Christine Descodts, députée (Renaissance) du Nord. Leur bilan, présenté ce jeudi à l’Assemblée nationale, pointe la persistance de défaillances de l’action publique.
Malgré un plan gouvernemental adopté en 2019, la Seine-Saint-Denis reste le territoire le plus pauvre et sous-doté en matière de santé, justice, sécurité et les inégalités se creusent à l’école, indique jeudi un rapport parlementaire, qui préconise de rendre attractif l’emploi public. Ce rapport fait le bilan d’un précédent rapport parlementaire datant de 2018, intitulé “Une République à reconstruire” et plus connu sous le nom des deux anciens députés rapporteurs François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo.
Le département le plus jeune et dynamique de l’Hexagone cumule des difficultés sociales persistantes, avec 27,6% de la population (1,6 million) vivant sous le seuil de pauvreté.
Pour y remédier, 23 mesures ont été engagées s’appuyant sur le premier rapport accablant de 2018. Parmi elles figurent le recrutement de 150 policiers, des crédits supplémentaires pour les hôpitaux ou encore le renforcement des contrôles des logements insalubres.
Mais “le compte n’y est pas“, selon le président (PS) du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel. “La République revient sur la pointe des pieds“, regrette l’élu.
Education: trop d’enseignants inexpérimentés
“L’école ne tient pas sa promesse républicaine. Elle ne corrige plus les inégalités de départ mais au contraire les creuse“, affirme Stephane Peu, député de la 2ème circonscription de Seine-Saint-Denis.
En 6ème, les élèves du département sont les moins bien classés, en mathématiques et en français. Et, alors que les enfants sont en difficulté, le rapport note qu'”il y a trop de contractuels et trop d’enseignants jeunes et inexpérimentés“.
Pour y remédier, les parlementaires proposent d’expérimenter un système de formation rémunérée jusqu’au master au profit des étudiants du département se destinant au métier d’enseignant, en échange d’un engagement de dix ans.
Désert médical
Sur le plan sanitaire, le département “est le premier désert médical de France“, “inacceptable“, pour Christine Decodts (Renaissance), co-rapporteure.
Il y a 49,8 généralistes pour 100 000 habitants, contre 83,5 au niveau national. Un quart des Séquano-Dionysiens est sans médecin traitant, l’offre de soins psychiatriques et aux personnes en situation de handicap est jugée critique et le taux de places en Ehpad est le plus faible de la région parisienne.
La Seine-Saint-Denis ne dispose, par ailleurs que d’environ 1 600 places en institut médico-éducatif et 2 200 enfants sont en attente de place. Conséquence: 44% sont non scolarisés.
Le rapport préconise d'”adopter en urgence un plan sectoriel sur le handicap” et d’augmenter le nombre de places en institut.
Record de criminalité
En matière de sécurité, la Seine-Saint-Denis détient toujours le triste record du territoire le plus criminogène de France métropolitaine avec le nombre de faits de délinquance rapporté au nombre d’habitants le plus important, soit 427 actes par jour. On recense aussi 200 points de deal.
Face à ces difficultés, les effectifs de police ont augmenté de 5,29 % entre 2018 et 2022, mais la police judiciaire est encore sous dotée. Comme pour les enseignants, les policiers sont souvent inexpérimentés et le territoire reste pour beaucoup une école d’application.
Déficit de réponse judiciaire
En conséquence “de cette criminalité endémique“, le tribunal judiciaire de Bobigny, deuxième juridiction de France, se retrouve “engorgé“.
Le rapport alerte sur “un fossé béant entre l’inflation du nombre de dossiers à traiter et les effectifs alloués“. En matière pénale, entre 2019 et 2022, le nombre de dossiers reçus par le parquet de Bobigny a augmenté de 27,5%.
Pour y faire face, les chefs de juridiction ont recourt davantage à la comparution immédiate et aux mesures alternatives à l’audience et aux poursuites. Par ailleurs, le nombre de classements sans suite est lui aussi en augmentation. Le taux de réponse pénale à Bobigny est de 59,3% contre 72,9% à Paris.
La prison de Villepinte est, par exemple, défaillante avec un taux d’occupation de 183%, un record en Ile-de-France.
Si les effectifs en magistrats ont augmenté depuis 2018, les parlementaires soulignent que ceux des greffiers sont très insuffisants.
Rendre attractif l’emploi public
En conclusion, les rapporteurs appellent à la nécessité de rendre l’emploi public “beaucoup plus attractif” en consacrant “30% du contingent préfectoral de logements sociaux” aux agents affectés en Seine-Saint-Denis.
La prime de fidélisation existante, qui est actuellement de 10 000 euros et qui est “une bonne idée” selon les fonctionnaires interrogés dans le rapport, nécessiterait d’être augmentée à 15 000 euros pour les agents qui restent en poste pendant cinq ans et étendue au personnel soignant.
L’objectif du rapport n’est pas de “chercher à nommer des responsables” assurent les auteurs, mais à améliorer la situation du département.
Présenté jeudi au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, il devrait être débattu devant l’Assemblée nationale avec les ministres concernés.
Par Wafaa ESSALHI
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