Après les violences urbaines des trois derniers jours, Yvan Loiseau craint pour la tenue de “la grande table du monde”, prévue ce dimanche entre Saint-Ouen et Saint-Denis. Cette rencontre autour d’un déjeuner géant qui se tient pour la troisième fois avait réuni plusieurs milliers de convives en septembre dernier. Rencontre avec son instigateur.
Dimanche 18 septembre, près de 10 000 personnes étaient venues s’asseoir autour d’une table hors-normes, longue de 2,560 km. Un jury du Guinness des records avait homologué le record de la plus grande table nappée du monde. Cette année pas question de dépasser le record, mais à l’avant-veille du jour J, une grosse inquiétude: avec les kermesses et fêtes de quartier qui s’annulent dans plusieurs villes, la table pourra-t-elle être dressée?
“On n’en sait rien, pour l’instant l’événement est encore autorisé“, souffle Yvan Loiseau, l’initiateur de l’événement. “Nous, on y tient, on veut raconter des histoires communes. Après, il y a un contexte, qui est profondément inégalitaire et injuste, une société et des dirigeants qui ne veulent pas écouter. Ce ne sont plus de simples difficultés, mais une vie qui devient presque impossible. Et du coup les gens pètent un câble“, estime-t-il.
Plus de 200 bénévoles
Dimanche prochain, “la plus grande table du monde” parcourra les berges de la Seine, entre Saint-Ouen et Saint-Denis, de 12h00 à 16h30. Si des restaurateurs sont présents, chacun peut venir tout simplement avec son repas.
L’événement, portée par l’association La compagnie perdus dans la baignoire, s’inscrit cette année dans le cadre de la première biennale interculturelle “Multitudes” organisée par le département de la Seine-Saint-Denis. Près 180 bénévoles de l’association viendront préparer l’événement dimanche dès 7h00 du matin, auxquels s’ajouteront une cinquantaine de personnes des associations de quartier locales.
C’est avec le concours de ces partenaires que la “plus grande table du monde” peut être préparée. Celle-ci résulte, en effet, de l’addition de “tables test” installées au cœur de différents quartiers. Depuis 2021, vingt “tables test” ont été organisées, mesurant entre 100 et 400 mètres de long, animées par des ateliers cuisine et de pratiques artistiques construits avec les habitants.
“Un cri pour retrouver du commun“
L’idée de la “plus grande table du monde” a germé pendant la crise sanitaire en 2020 à la suite de deux projets artistiques menés à Saint-Denis et Saint-Ouen. “J’étais enfermé. Je me suis dit qu’il fallait faire un truc de dingue, une œuvre qui pourrait accueillir la Terre entière, un rendez-vous fraternel et surtout que nos corps, par leur présence, fassent œuvre. Pour moi, c’est le collectif qui fait la beauté“, explique Yvan Loiseau.
Pour cet artiste de 32 ans, né aux Ulis (Essonne) et installé à Saint-Denis, “la plus grande table du monde, c’est un cri pour retrouver du commun. C’est essayer de réfléchir ensemble à comment on se réapproprie l’espace public.”
Yvan Loiseau insiste sur l’idée de partage, avec l’idée de dépasser les divisions entre classes sociales. “Autour de la table, il y a des gens qui peuvent gagner 10 000 balles qui mangent à côté de gens qui en gagne 500“, pointe-t-il.
Mais, plus qu’une fête des voisins, l’événement veut porter une forte intention politique, précise Yvan Loiseau, qui préfère parler de record d’humanité, plutôt que de longueur de table.
Le 2 juillet, d’autres “plus grandes tables du monde” seront organisées à Toulouse (Haute-Garonne), Bordeaux (Gironde) et Elfe en Bretagne.
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