Instaurée en octobre 2020 pour fidéliser les fonctionnaires en Seine-Saint-Denis, la prime de 10 000 euros sera revalorisée à partir du 1er janvier à 12 000 euros. Elle sera également élargie à d’autres professions du service public. Objectif: renforcer l’attractivité et la pérennité des effectifs dans un département qui demeure fortement carencé.
“Agir de façon hors-norme dans un département hors-norme.” La formule de l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe, est restée dans les mémoires. Dans le plan “L’Etat plus fort en Seine-Saint-Denis” qu’il avait annoncé en octobre 2019, l’une des mesures phare est la mise en place d’une prime de 10 000 euros pour inciter les fonctionnaires à rester cinq ans à leur poste. Instaurée en octobre 2020, elle sera revalorisée à 12 000 euros à compter du 1er janvier, d’après un arrêté publié au Journal officiel samedi.
Prime élargie
Jusqu’à présent, la prime bénéficiait à quelque 40 000 fonctionnaires de certains services: Education nationale, police nationale et préfecture, agents de greffe, administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, finances publiques et protection des populations, unités de la brigade des sapeurs pompiers de Paris, agents et militaires du Groupement d’intervention régional de Seine-Saint Denis.
De nouvelles professions seront désormais concernées. Elle sera aussi versée aux agents de la direction académique de l’Éducation nationale et aux psychologues affectés dans des centres d’information et d’orientation (CIO), aux inspecteurs et délégués du permis de conduire affectés dans le département, aux agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), aux agents de la brigade de surveillance intérieure (BSI) et du bureau des douanes d’Aulnay-sous-Bois, ainsi qu’aux fonctionnaires des services départementaux agissant dans les domaines de l’économie, du logement et de l’environnement: la DRIHL, la DRIEAT, et la DRIEETS.
Versement dès la prise de poste
Les modalités de la prime ont également changé. Auparavant, celle-ci était “versée en une seule fois, au terme des cinq années de services effectifs” à calculées à compter du 1er octobre 2020. Selon les nouvelles dispositions définies dans un décret du 2 novembre, la prime sera désormais perçue en trois fois : 20% du montant à la prise de poste, 40% après trois années de services et les 40% restants à l’issue des cinq années. Les agents affectés avant le 1er janvier 2024, et toujours en poste, bénéficient du versement de la prime en tenant compte de leur ancienneté dans le service calculée à compter du 1er octobre 2020.
En revanche seuls les fonctionnaires ont droit à ce versement anticipé. Les contractuels et les agents recrutés sur un contrat de projet ne peuvent percevoir la prime qu’à l’issue d’une période continue de cinq années de service effectif. Pour les agents qui ne vont pas au bout des cinq ans, un remboursement est prévu dans certains cas, en fonction des situations.
Persistance du turnover
Dans un récent rapport parlementaire sur la Seine-Saint-Denis, le député de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu (PCF) et la députée du Nord Christine Decodts (RE) préconisaient d’aller plus loin et d’augmenter la prime à 15 000 euros pour les agents qui restent en poste pendant cinq ans et de l’étendre au personnel soignant. Pour eux, il est nécessaire de rendre l’emploi public attractif, les inégalités en Seine-Saint-Denis s’expliquant en partie par des fonctionnaires moins nombreux et moins expérimentés qu’ailleurs.
L’attractivité du service public dans le département le plus pauvre de France métropolitaine demeure, en effet, un enjeu primordial pour l’Etat. “Si l’État se veut “plus fort” dans le département, il semble voué à une certaine impuissance, les ressources humaines des services publics demeurant instables“, observent à cet égard les deux rapporteurs. Ils pointent notamment la persistance du turnover des agents. Le taux de rotation des personnels du tribunal judiciaire de Bobigny était, par exemple, de 23,40% en 2022 “avec pour conséquence une perte de la mémoire des services” et des réorganisations de services constantes. Dans l’éducation nationale, 39,1% des enseignants du 1er degré avaient moins de deux ans d’ancienneté en 2022; une proportion, certes, en baisse depuis cinq ans (49,3% en 2018).
Quatre ans après le lancement du plan “L’Etat plus fort en Seine-Saint-Denis”, le département le plus jeune et dynamique de l’Hexagone cumule toujours des difficultés sociales, avec 27,6% de la population (1,6 million) vivant sous le seuil de pauvreté. D’après leurs analyses des données existantes, les deux élus estiment que la Seine-Saint-Denis reste sous-dotée en matière de santé, justice, sécurité et que les inégalités se creusent à l’école, et ce, malgré le plan gouvernemental. “Il n’y a pas eu d’évolution notable“, considère même Stéphane Peu en se référant à un premier rapport parlementaire qui avait dénoncé en 2018 les défaillances de l’Etat dans ce département.
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