Depuis la rentrée 2022, 180 collégiens de quartiers prioritaires du Val-de-Marne, sélectionnés pour leur motivation à apprendre, bénéficient d’une semaine de cours supplémentaire pendant chaque période de vacances scolaires. Un tutorat d’excellence proposé par l’association marseillaise Institut Louis Germain, dans le cadre d’un partenariat avec le département. Reportage.
Ce jeudi 4 mai, dans le collège Simone-de-Beauvoir de Créteil, qui accueille déjà la quatrième session de ce tutorat d’excellence, les élèves commencent par de la lecture. Au programme : la tragédie Phèdre, de Jean Racine, d’ordinaire abordée au lycée. “Ce n’est pas toujours simple à comprendre parce que l’on ne s’exprime plus ainsi aujourd’hui, explique le professeur. Il faut expliquer, analyser, travailler avec des schémas d’intrigue pour mettre l’œuvre à leur portée.”
“En classe, je vais être focalisé sur le programme et gérer un effectif avec des élèves pas toujours motivés. Ici, le groupe est plus petit, nous sommes au calme et tout le monde est investi, pose un autre enseignant. Je peux approfondir et consacrer du temps à l’étymologie, l’histoire de la langue, ou même de la philosophie.”
C’est en 2014, à Marseille, que l’Institut Louis Germain (du nom de l’instituteur d’Albert Camus), a été créé par Julien Puel, entrepreneur passé par le consulting et le management dans de grandes entreprises, pour pousser les élèves de milieux défavorisés comme le feraient des familles de CSP+. Une initiative complémentaire de l’aide aux décrocheurs.
Français, littérature, culture générale, mathématiques et sciences physiques composent l’emploi du temps de ces quatre journées de cours, à raison de trois heures le matin et autant l’après-midi. Un rythme soutenu. “En général, il y a toujours des participants qui abandonnent rapidement parce qu’ils ne s’attendaient pas à cela, mais dans cette première promotion du Val-de-Marne, il n’y a pas tellement eu de déperdition“, relève le créateur de l’Institut.
C’est même le contraire qui s’est produit. Imaginé au départ pour 90 élèves et finalement 150, le dispositif en accompagne désormais 180 ! Pour ces vacances de printemps, l’Institut a recruté au pied levé un septième et un huitième professeur pour créer deux nouvelles classes. La principale du collège Simone-de-Beauvoir a, en effet, proposé aux collégiens les plus jeunes d’intégrer le dispositif et gagné 30 nouvelles recrues. Une ultime session est prévue fin août, avec une inconnue sur l’absentéisme durant cette période propice aux voyages. Les élèves sont issus des collèges de réseaux d’éducation prioritaire (Rep) de Bonneuil-sur-Marne, Choisy-le-Roi, Créteil, Valenton et Villeneuve-Saint-Georges, de différents niveaux.
“Chez moi, je n’aurais pas grand-chose à faire”
“Nous travaillons sur des exercices et notions que nous n’avons pas encore abordées, comme par exemple la la double distributivité, découverte lors du dernier campus et que nous avons étudiée en classe ce mois-ci“, indique Nadjib, élève de quatrième au collège Henri-Matisse de Choisy-le-Roi. “Comme le campus ne dure que quelques jours, tout est condensé et ce n’est pas toujours facile de suivre la cadence. Mais j’ai amélioré mon niveau et je suis plus sereine pour le brevet à la fin de l’année“, confie pour sa part Aminata, élève de troisième au collège Simone-de-Beauvoir de Créteil. Houssem, lui, apprécie de retrouver les mêmes élèves à chaque session. “Nous formons un groupe et commençons à bien nous connaître. Je préfère être ici parce que si je passais les vacances chez moi, je n’aurais pas grand-chose à faire“.
Convaincre les établissements pour étendre le dispositif
Pour le conseil départemental du Val-de-Marne, qui a répliqué l’initiative pour la première fois en Ile-de-France, se pose maintenant la question de la suite. “Grâce à ce tutorat, ces élèves méritants accèdent à des compétences dans de larges domaines et dépassent ainsi les contingences de leurs milieux. Ils peuvent voir plus haut. Nous devons réfléchir à la montée en charge et convaincre les chefs d’établissements“, estime Olivier Capitanio, président du département. “Cette première année va être un bel exemple pour les collèges qui hésitaient encore et demandaient à voir“, espère Nicolas Tryzna, vice-président en charge de l’éducation. La mise en place du tutorat ne peut, en effet, se faire sans l’accord du principal. En 2022, deux collèges avaient refusé, les chefs d’établissements considérant que le dispositif n’est pas prioritaire ou pas adapté aux besoins locaux.
L’institut Louis Germain est financé par des mécènes privés. Le département prend en charge le transport scolaire et la restauration.
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