À partir de janvier 2024, le tri des déchets alimentaires sera obligatoire partout. La ville de Stains a déjà pris le pli depuis trois dans le quartier du Clos Lazare, et de façon originale. Elle s’appuie sur un cheval pour collecter les biodéchets. Reportage.
Il ne passe pas inaperçu dans le paysage bitumeux : Queteur, 800 kilos, arpente avec son hippomobile, deux fois par semaine, les allées de la cité de 10 000 habitants pour ramasser la dizaine de bacs joliment colorés par les enfants. “On se croit au Moyen Âge ! C’est super, on joue le jeu”, s’exclame un voisin, qui dépose ses épluchures et restes de repas avant de filer au travail.
En moyenne, 700 kilos de déchets alimentaires sont collectés par jour, explique Alexandrine Martin, responsable du site et cochère. C’est elle qui dirige le cheval entre son enclos situé dans une ferme urbaine à Saint-Denis et les points de collecte dont un groupe scolaire, un restaurant administratif et une boulangerie.
“Patience, collecte en cours”, prévient la bâche qui entoure la charrette. Discipliné, Queteur s’arrête à chaque feu rouge. Surpris, les automobilistes clignent des yeux à sa vue puis dégainent aussitôt leurs téléphones et plus beaux sourires au point de créer des embouteillages. Le cheval reste imperturbable.
C’est que le canasson de 19 ans a déjà une longue carrière derrière lui. Il travaillait dans les vignes dans le Jura, puis a participé à des spectacles équestres avant d’être racheté par Les Alchimistes, spécialistes du traitement des déchets organiques, qui pilotent l’expérimentation à Stains. “C’est un cheval de trait comtois qui est curieux. Il aime sortir, voir du monde, il a un caractère bienveillant”, décrit sa cavalière.
“On a voulu lui offrir une jolie retraite.”
La collecte à cheval “est un vecteur pédagogique efficace de sensibilisation. Elle renforce aussi le lien social dans le quartier”, assurent les Alchimistes.
“Les gens sont un peu étonnés. Ils s’arrêtent et nous filment. Ici, on a l’habitude de voir les chevaux à la TV”, raconte Mamadou Diarra, Malien de 23 ans. Il est employé comme ripeur et se charge de remplacer les bacs dans l’hippomobile.
Des centaines de kilos de déchets alimentaires
Lors de la collecte du jour, trente kilos de victuailles sont récupérés par borne et le triple pour les bacs de restauration scolaire. “On constate qu’il y a énormément de gaspillage alimentaire et c’est pour cela qu’on propose un moyen de valorisation”, témoigne Alexandrine Martin.
Les Alchimistes assurent aussi la transformation des déchets sur un micro-site industriel de production de compost à l’intérieur du quartier. Il est vendu en gros volume aux maraîchers d’Ile-de-France pour être épandu sur leurs champs et en sac de 2 ou 20 litres dans les magasins de jardinage. Le compost est également redistribué gratuitement aux habitants de Stains.
“Le tri des déchets alimentaires est un enjeu de taille quand on sait que 30% de la poubelle grise en est composé”, précise Corentin Duprey, président du Syctom, l’opérateur francilien du traitement des déchets, qui finance le projet. “Ce sont des déchets très humides avec un faible pouvoir calorifique. Mieux vaut produire du gaz et des fertilisants agricoles plutôt que de les incinérer”, estime l’élu de Saint-Denis, qui rappelle qu’à partir du 1er janvier 2024, les collectivités doivent proposer à leurs usagers une solution de valorisation des déchets alimentaires.
Et depuis trois ans à Stains, “on a vu la différence”, témoigne Alexandrine Martin. “On a augmenté les tonnages par bac. On voit aussi que la qualité de tri dans un bac est meilleure. Les gens s’investissent vraiment”, se réjouit la cheffe de projet.
Avant l’installation des bornes de déchets organiques, les équipes des Alchimistes ont effectué des interventions dans les écoles. “On leur a dit pourquoi c’était important de ne pas mettre les pots de yaourt dans les bacs, qu’il fallait faire attention au gâchis et comment les déchets allaient être valorisés, détaille Alexandrine Martin.Lles enfants sont les plus important dans ce projet car ce sont les générations futures”.
Par Wafaa Essalhi
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