Justice | Ile-de-France | 18/09/2023
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Traite de jeunes Nigérianes au bois de Vincennes : le procès reprend enfin

Traite de jeunes Nigérianes au bois de Vincennes : le procès reprend enfin © CD

Au début des années 2010, des dizaines de jeunes Nigérianes, mineures, ont été exploitées sexuellement dans le bois de Vincennes via une filière de recrutement sordide. Brutalement suspendu en janvier 2022 pour cause de Covid et de nouveau reporté en septembre 2022, le procès reprend enfin. Ce mardi 20 septembre à la Cour d’assises de Créteil.

Après plus d’un an de report, quatre Nigérians comparaîtront à partir de mardi en appel devant la cour d’assises du Val-de-Marne pour proxénétisme aggravé en bande organisée et traite d’êtres humains, accusés d’avoir fait venir en France et prostitué de force plusieurs jeunes Nigérianes. 

Un réseau de traite qui commence par le recrutement, au Nigéria

À l’origine, des micro-réseaux organisés sur place ont fait croire aux parents des victimes qu’elles auraient un travail en France, recrutant sur place, dans l’Etat d’Edo (sud-ouest du Nigeria), dans des salons de coiffure notamment.

Avant de partir, les jeunes filles devaient prêter serment lors d’un “juju”, un rite consistant à se soumettre aux passeurs sous peine de mauvais sort.

Une traversée de la Méditerranée parfois mortelle

Suivait un long périple pour rejoindre la France. Parmi les victimes qui ont saisi la justice, un groupe de neuf jeunes filles fera route ensemble, réparties dans trois zodiacs au moment de traverser la Méditerranée, “car on ne met pas toute la marchandise dans le même bateau par précaution”, relevait l’avocate de l’une d’entre elles, Catherine Delanoë Daoud (interviewée suite au report du procès en janvier 2022). Lorsqu’un des bateaux chavire, les jeunes filles ne savent pas nager. L’une d’elles se raccroche comme elle peut à une corde, par les pieds, les mains, les dents. Elle survivra, récupérée par un bateau italien. Les deux autres meurent noyées.

Un numéro d’appel une fois dans les camps de réfugiés

Une fois dans le camp de migrants, elles ont un numéro à appeler et on vient les chercher. “80% des filles nigérianes qui arrivent dans ces camps sont destinées à cette issue”, indique l’avocate. Pour d’autres filles, le périple s’est arrêté avant la traversée de la mer, vendues dans des maisons closes en Lybie.

Prostitution forcée au bois de Vincennes

Dans l’affaire qui va enfin être rejugée à Créteil, les victimes sont arrivées à bon port, aux franges de Paris. C’est là que commence le véritable esclavage sexuel, dans le bois de Vincennes. Parfois, une fille se retrouve enceinte. C’est ce qui arrive à la cliente de Catherine Delanoë Daoud. S’en suit un avortement sauvage sur la jeune fille de 14 ans.

C’est en 2015 qu’une première plainte est déposée par Grace (prénom modifié). La jeune Nigériane raconte aux enquêteurs avoir été forcée de se prostituer dans le bois de Vincennes dès son arrivée en France pour rembourser le coût de son immigration illégale établi à 35 000 euros par le réseau présumé. Elle avait alors 13 ans.

Lors du procès en première instance en juillet 2020, la cour d’assises de Paris a reconnu l’existence d’un réseau nigérian de proxénétisme en bande organisée et de traite de jeunes filles, souvent mineures. Elle avait condamné Omos Wiseborn, au “rôle central”, à 19 ans de réclusion. Sa compagne, Miriam Wiseborn, avait été condamnée par défaut à 20 ans de réclusion alors qu’elle était en fuite et visée par un mandat d’arrêt lors du procès en première instance. Également condamné, le couple Blessing Ubi et Dennis Brown avait écopé de 15 et 13 ans. Un autre protagoniste, Emmanuel Aiwansosa, avait été condamné à 10 ans de prison, notamment pour avoir pratiqué des avortements sauvages.

Raconter son calvaire : une épreuve à chaque procès

Durant les quatre premières et longues journées du procès en appel, du 4 au 7 janvier 2022, plusieurs victimes ont rassemblé leur courage pour être présentes, raconter leur calvaire. Au total, 8 jeunes femmes se sont portées parties civiles et 16 victimes ont été identifiées. Mais le lundi 10 janvier 2022, date à laquelle l’avocat général devait faire son réquisitoire, le procès a été reporté car l’un des accusés avait contracté le virus de la Covid-19. Une épreuve de plus pour les victimes car le report d’un procès lors d’une nouvelle session d’assises, avec d’autres jurés et juges, implique de tout recommencer, et prolonge d’autant l’anxiété liée au procès.

Audiencé à nouveau le 27 septembre 2022, le procès est de nouveau reporté. Cette fois, c’est l’avocate de l’un des accusés qui est malade.

Contactée, l’avocate d’Omos Wiseborn n’a pas souhaité s’exprimer avant le procès. Selon Me Catherine Delanoë Daoud, qui défend une des parties civiles, Miriam Wiseborn a pour sa part été interpellée en Allemagne “il y a un an” et est depuis incarcérée en France. Elle ne sera pas rejugée mardi. 

La jeune femme de 21 ans défendue par Me Delanoë Daoud n’est pas certaine d’assister à l’audience, souhaitant “oublier tout ça” et “tourner la page”, selon son avocate.

“On juge les hommes, les têtes pensantes”, les “organisateurs” d’un réseau, et “pas que les ‘mamas’, ces anciennes prostituées devenues proxénètes”, souligne de son côté Me Kathleen Taieb, avocate de deux autres victimes. Ses clientes, qui seront présentes malgré “la douleur”, espèrent que “les peines de première instance seront confirmées”.

Le verdict est attendu le 27 septembre.

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