Éco-concevoir ses produits ou services, penser leur cycle d’usage jusqu’à une nouvelle vie… Convertir son entreprise à l’économie circulaire est à la portée de tous mais comment s’y prendre ? Retours d’expérience en Val-de-Marne.
Comment entreprendre une démarche d’économie circulaire ? Tel était le sujet de l’une des tables rondes accueillies ce jeudi 15 juin par la CCI du Val-de-Marne, à l’occasion d’une matinale thématique. L’occasion de témoigner de quelques exemples concrets dans le département et de proposer un mode d’emploi pour démarrer.
Parmi les invités, plusieurs n’avaient pas, en effet, créé leur entreprise autour de l’économie circulaire mais en ont fait progressivement un axe central. C’est le cas, par exemple, de Manon Lavergne. Fondatrice de la société Viluso à Saint-Mandé, elle a commencé par vendre des scooters électriques avant de changer de braquet. Sa société propose désormais des flottes de vélos, scooters et prochainement automobiles électriques à des partenaires (hôtels, gares…) pour leurs clients. Une transition vers l’économie de la fonctionnalité opérée après une réflexion sur son modèle économique et écologique.
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Passer de l’acquisition au partage : un “schéma compliqué à déconstruire”
“Passer du BtoC a BtoBtoC permet d’aller vers une société collaborative et de partage en remettant en question la voiture individuelle, mais c’est un schéma compliqué à déconstruire”, témoigne la cheffe d’entreprise.
“L’objectif est d’optimiser l’usage du véhicule”, motive-t-elle. Ce qui ne dispense pas d’envisager le cycle de vie de ces derniers, depuis l’éco-conception à partir de pièces “facilement changeables” jusqu’à leur recyclage grâce à des partenariats avec des associations. Sans oublier leur entretien pour allonger leur durée de vie.
De la réparation à l’upcycling
L’entretien et service après-vente, c’est justement ce qui a conduit la PMI Ambiance Lumière vers l’économie circulaire, avant même que le terme n’émerge. “Nous avons toujours réparé nos produits, puis nos clients nous ont apporté ceux des concurrents. Progressivement, nous sommes passés de la réparation à l’upcycling”, témoigne ainsi Simon Millet, président d’Ambiance Lumière. Ampoules à incandescence, à filaments, halogène, led, diode laser… D’une technologie lumineuse à l’autre, l’entreprise d’Alfortville met les luminaires à la page, évitant de les changer.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série consacrée à l’économie circulaire dans le Val-de-Marne, réalisée avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie du Val-de-Marne et de l’Agence de la transition écologique (Ademe).
La CCI 94 développe actuellement un accélérateur d’économie circulaire à l’attention des acteurs économiques du département. Pour plus d’informations, contacter Patricia Fouré, responsable partenariats et projets circulaire (pfoure(a)cci-paris-idf.fr)
Au-delà de l’écologie, l’argument économique et pratique
Une démarche écologique mais aussi économique, argument de choc pour les clients. “Cela permet de travailler en site occupé, et d’éviter une perte d’exploitation des lieux”, explique le président dont l’entreprise a rénové les spots des suites de l’hôtel Georges V. “Nous avons profité des moments où le ménage était effectué pour upcycler les luminaires existants.” Cela facilite aussi le sur mesure. Exemple dans le métro de Rouen où un escalier voyant défiler 60 000 personnes par jour a vu ses luminaires encastrés tomber en panne. Problème, leur format encastré carré n’existait plus. Impossible donc de les changer simplement de façon standard.
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“L’image du réemploi a complètement changé”
Designer, à la tête de Dod objets, Florent Blanchard a d’emblée intégré la récup dans ses créations, dessinant des luminaires à partir de chutes de bois massif. “Mais quand j’ai commencé en 2015, je ne disais pas que je faisais du réemploi car cela renvoyait aux palettes. Aujourd’hui, l’image a complètement changé. J’ai dix demandes par semaine, y compris de grandes entreprises ou administrations”, témoigne-t-il.
L’agence propose des produits en catalogue, comme ses luminaires ou bureaux en chêne, et travaille par ailleurs sur commande. “Nous avons essayé la vente aux particuliers mais c’est trop compliqué. Nous travaillons donc principalement avec des professionnels, sur commande”, indique le chef d’entreprise.
“Nous sommes trois architectes designers. Nous imaginons des solutions en fonction de la matière disponible, et collaborons avec des agences d’architecture.” Exemple de réalisation sur commande, le mobilier du rectorat de Versailles, pour lequel Dod objets a réalisé des bureaux à partir de blocs porte, des modules acoustiques avec des dalles de moquette, et a fait stocker les armoires pour les repeindre.
“Trouver des gisements est un métier à part entière”
L’agence, qui travaillait d’abord avec des lames de bois massif, a progressivement multiplié les types de matière récupérée, sauvant ici une centaine de blocs porte de la benne, là des lames de parquet. “Nous nous sommes rendus compte que c’était un métier à part entière de trouver ces gisements”, témoigne Florent Blanchard. “Nous avons constitué une matériauthèque pour stocker car lorsque l’on fait du réemploi, si l’on n’a pas de stock sous la main, c’est plus compliqué.”
Logistique circulaire
La gestion des stocks et donc la place pour le faire conditionne, en effet, la croissance de l’économie circulaire. Impossible d’envisager de la circularité sans penser sa logistique. Directeur de l’agence Seine Amont d’Haropa-Ports de Pari, Eric Fuchs, l’a bien compris. En charge notamment du port de Bonneuil-sur-Marne, il a expliqué comment le port peut jouer un rôle central dans le cycle de vie des produits, en accueillant du tri et stockage sur place. “Veolia achemine, par exemple, par voie fluviale des encombrants depuis Paris et Saint-Denis puis les trie et les valorise sur le port de Bonneuil”, cite le directeur. “Il y a par ailleurs un gros projet avec Derichebourg, qui récupère des cumulus et des réfrigérateurs pour les emmener vers des fonderies.” C’est également sur le port de Bonneuil qu’a ouvert la première ressourcerie intercommunale de Paris Est Marne et Bois. L’enjeu : articuler la récupération avec un lieu de transports.
Comment se lancer ?
Comment intégrer l’économie circulaire dans son activité ? Comment en faire un levier de développement ? Comment répondre aux enjeux réglementaires sur le sujet ? Par quel bout commencer ? Comment élaborer sa stratégie ? La financer ? Autant de questions auxquelles il faut répondre avant de se lancer. Sur ce point, la BPI (Banque publique d’investissement) et la CCI ont mis en avant leurs outils.
Réaliser un premier diagnostic
Chargée d’affaires à la BPI, Juliette Frant a ainsi présenté le Diag Eco-Flux, réalisé par l’Ademe (Agence de transition écologique) et la BPI. Cette prestation de conseil commence par une analyse des flux et des pratiques, avec visite sur site, avant un plan d’action et un bilan.
“Ce diagnostic permet de chiffrer les économies financières à réaliser en évitant le gaspillage sur quatre grands flux : l’énergie, l’eau, la matière et les déchets”, motive Juliette Frant. Un millier de diagnostics a déjà été réalisé.
Un autre diagnostic, dédié à l’éco-conception, vise pour sa part à repenser complètement un produit ou service depuis le départ. “Cela fait parfois peur mais cela vaut le coup de se lancer. Un produit éco-conçu permet de dégager une marge de 12% supplémentaire, même si les coûts sont plus importants au départ.”
Un diagnostic Decarbon’action s’attache pour sa part à réduire son empreinte carbone, pour répondre notamment aux enjeux réglementaires. Un accélérateur décarbonation vise, lui, à aller plus loin, destiné aux entreprises qui ont un impact écologique fort et dont le chiffre d’affaires est déjà supérieur à 10 millions d’euros.
De son côté, la Chambre de commerce et d’industrie propose aussi des accompagnements sur les différents aspects du développement durable et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), et des diagnostics flash à réaliser soi-même en quelques minutes.
Voir tous les articles de la série :
Val-de-Marne circulaire # 1 : un enjeu environnemental et économique stratégique
Val-de-Marne circulaire # 2 : Réparer, réemployer, recycler, surcycler… petit tour de l’économie circulaire en Val-de-Marne
Val-de-Marne circulaire #3 : Louer au lieu de vendre : comment la startup Viluso a changé de modèle
Val-de-Marne circulaire #4 : Ambiance Lumière à Alfortville : une PMI à rebours de l’obsolescence programmée
Val-de-Marne circulaire #5 : le vrac n’est pas mort
Val-de-Marne circulaire # 6 : comment Maximum réussit l’upcycling en série à Ivry-sur-Seine
Val-de-Marne circulaire #7 : Économie circulaire en Val-de-Marne : quel modèle économique ? Quel foncier ?
Val-de-Marne circulaire #8 : Économie circulaire en Val-de-Marne : le défi de la déconstruction-reconstruction
Val-de-Marne circulaire #9 : Ta Tiny House invente la maison mobile low-tech
Val-de-Marne circulaire #10 : quel rôle pour les collectivités locales ?
Val-de-Marne circulaire #11 : verdir la culture en maintenant le rêve
Val-de-Marne circulaire #12 : Oser l’économie circulaire ? Retours d’expérience en Val-de-Marne et mode d’emploi
Val-de-Marne circulaire #13 : Financer l’économie circulaire en Val-de-Marne : un cocktail de solutions
C’est bien beau de louer mais qui paie lorsque le bien a été endommagé ?
Je préfère ne pas partager mes appareils qui sont de bonnes marques.
Par contre, il faut plus d’enseignes de réparations à travers le département et au delà avec une vue claire sur le net.
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