Une entreprise éphémère de sept semaines dont la seule mission est que ses collaborateurs dénichent un emploi, ailleurs, voilà le concept expérimenté en ce moment même à la pépinière de Limeil-Brévannes. Les premiers jours sont prometteurs, avec déjà trois emplois signés. Reportage.
Imaginé par deux formateurs en entreprise, Didier Krief et Céline Garence, et déployé depuis 2017, le concept d’entreprise éphémère vise à faire coïncider les gisement d’emplois et de candidats à l’échelle d’un territoire. À faire se rencontrer ces entreprises qui peinent à recruter et des personnes parfois éloignées de l’emploi depuis longtemps.
Le principe est simple. Durant sept semaines, une cinquantaine d'”associés” éphémères, se glissent dans la peau de commerciaux, de pros du marketing, de la communication ou encore des ressources humaines. L’unique mission de la société : identifier des emplois pour ses collaborateurs. Avantages de ce fonctionnement entrepreneurial : les personnes ne sont plus isolées pour chercher un emploi, mais font cause commune, et s’appuient sur une méthodologie professionnelle, encadrées par des coachs. Cette démarche proactive permet aussi d’identifier des emplois qui ne font pas forcément l’objet d’annonces en bonne et due forme.
Comme dans une vraie entreprise
Dans le Val-de-Marne, l’entreprise éphémère a ouvert le 12 septembre au sein de la pépinière de Limeil-Brévannes, et fermera ses portes le 26 octobre. Le projet, opéré par la société “Les entreprises éphémères” et le cabinet de conseil “Le 30 Fab”, a été retenu par la direction de l’emploi (DRIEETS IDF-UD94) dans le cadre de son appel à manifestation d’intérêt « Démarches d’appui au développement de l’emploi en Val-de-Marne. Soutenu par l’intercommunalité Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA), qui regroupe 16 communes* au centre du département, il est aussi cofinancé par le groupe Sanofi dans le cadre de sa convention de revitalisation. Sur le plan opérationnel, il est accompagné par les trois agences Pôle emploi de Chennevières-sur-Marne, Créteil et Sucy-en-Brie. “Nous avons fait un long travail qui a démarré en janvier pour expliquer aux partenaires, Pôle Emploi, Apec, missions locales, Plie, ce dispositif afin de trouver des candidats“, indique Émilie Demaude, chargée de projet insertion professionnelle au sein de GPSEA.
Prospecter en équipe
Mobilier de bureau, téléphones, ordinateurs, cloisons amovibles, espace détente, salle de réunion… Rien ne distingue le plateau de 200 m² d’une entreprise classique. Les “associés“, nom attribué aux collaborateurs, à qui on demande de verser deux euros symboliques en guise de participation à leur entreprise, sont plongés dès l’entrée dans le cadre formel d’une vie professionnelle. Exit la prospection en solo depuis un coin de son salon ou de sa chambre à coucher, et l’envoi de CV et lettres de motivation sans ciblage.
Porte-à-porte, téléphone, RDV, proposition d’embauche
Alors que le temps est compté, la mission est claire. Il s’agit avant tout de prospection, pour identifier les emplois potentiels. Une vingtaine de collaborateurs arpentent ainsi les zones d’activité de l’intercommunalité. “C’est un travail de commercial. Nous demandons à rencontrer des responsables de ressources humaines. Quand il n’y en a pas, il faut trouver des managers et chercher à savoir s’ils ont des offres d’emploi à proposer“, résume Beni, un jeune homme qui a déjà eu quelques expériences professionnelles.
Dans les bureaux de la pépinière, le centre d’appel prend le relais, en programmant des rendez-vous dans ses locaux. Le service web, lui, se charge d’enrichir une plateforme où sont publiées les offres.
Les potentiels employeurs se rendent ensuite à La Pépinière pour présenter leur organisation et les postes à pourvoir, d’abord lors d’une réunion collective, puis lors d’entretiens individuels avec des candidats.
Accueillir les employeurs sur place
Pour accueillir les visiteurs, une équipe de communication, également composée de participants, a préparé un panneau de présentation. “L’idée est de pouvoir faire découvrir les talents qui sont ici, et nos valeurs : l’ambition et la bienveillance“, décrit Patrick. Ce dernier a fait les Beaux-arts et des études d’histoire de l’art. “J’avais du mal à former mon projet professionnel, j’ai traversé des périodes difficiles. J’ai multiplié les expériences avec des stages en marketing, en vente, dans la direction de projets”, confie-t-il.
Complétant l’organisation, un pôle dédié aux ressources humaines assure l’interface entre les employeurs et leurs futures recrues.
Ce jeudi, c’est l’Assurance Maladie du Val-de-Marne (CPAM 94) qui a poussé la porte. Cinq responsables exposent les offres sur un PowerPoint : gestionnaire de paye, gestionnaire administratif, et téléconseiller. Les questions fusent sur les conditions de travail, la rémunération, la titularisation. Plusieurs candidats passent ensuite des entretiens individuels.
“Ça change tout de se sentir utile”
Juliane, par exemple, a postulé pour la gestion de paye : “J’ai terminé ma formation en comptabilité pendant la crise sanitaire et je n’ai pas pu commencer à travailler. Ce que j’aime dans cette expérience d’entreprise éphémère, c’est que cela me remet dans le rythme. Ça change tout de se sentir utile !”
Si la composition de l’équipe est hétérogène, tant du point de vue de l’âge, de 19 à 63 ans, que des parcours, la cohésion est forte. “Mon état d’esprit c’est que je viens au bureau pour bosser. Il y a une bonne ambiance, nous sommes tous très à l’aise, je n’y vois que du positif“, estime Regina, parmi les seniors de la promotion.
Plusieurs grandes entreprises de transport, de service à la personne, et des industriels ont également programmé leur visite. La promotion de La Pépinière prévoit par ailleurs de se rendre sur le forum Booste ton avenir à Créteil le 27 septembre prochain.
Déjà trois emplois signés
Une organisation bien rodée, qui a déjà commencé à porter ses fruits. En quelques jours d’ouverture, trois associés ont déjà fait sonner la cloche de la victoire. Un cérémonial du gong qui fête chaque emploi (re)trouvé. Pour ces premiers contrats, il s’agit de services à la personne et d’un poste en Ehpad. Les autres poursuivent leur quête, à raison de quatre jours de travail par semaine.
“En moyenne, 35% à 45% des participants retrouvent un emploi pendant le programme et 60 % à 70 % dans les mois qui suivent, parce que nous ne les lâchons pas à la fin des sept semaines“, explique Christine Beaupel, consultante à l’agence “Le 30Fab” et coach sur ce programme.
“Y a une vingtaine d’années, j’ai assisté à des réunions d’information organisées par le Pôle Emploi où les gens venaient pour ne pas perdre leurs droits, confie Boris, associé éphémère investi dans le service communication. Ici ce n’est pas du tout le cas, les participants ont choisi d’être là. Certains d’entre nous sont dans la recherche d’emploi depuis de longues années. Avec l’entreprise éphémère, nous pouvons enfin nous immerger.”
* Les 16 communes du territoire Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA): Alfortville, Boissy-Saint-Léger, Bonneuil-sur-Marne, Chennevières-sur-Marne, Créteil, La Queue-en-Brie, Le Plessis-Trévise, Limeil-Brévannes, Mandres-les-Roses, Marolles-en-Brie, Noiseau, Ormesson-sur-Marne, Périgny-sur-Yerres, Santeny, Sucy-en-Brie, Villecresnes.
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Très belle initiative en effet ; à féliciter et à encourager ; à développer ailleurs aussi !
Formidable. A démultiplier dans tous les territoires. A quand sur Paris Est Marne et Bois? Visemploi 94 est prêt à s’impliquer dans une telle initiative !
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