Urbanisme | | 02/03/2023
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Valenton : le renouveau urbain de la Lutèce s’accélère mais le relogement reste un casse-tête

Valenton : le renouveau urbain de la Lutèce s’accélère mais le relogement reste un casse-tête © Atelier Rome

Attendue depuis dix ans, la mutation du quartier de la Lutèce se concrétise à Valenton, avec des premières réhabilitations puis démolitions dans les mois qui viennent. Une métamorphose de l’habitat et des continuités urbaines qui va changer la vie des habitants. Mais la question du relogement reste complexe, et sensible. Reportage.

Hormis les cris des enfants qui s’amusent dans la cour de récréation de l’école Henri-Wallon, qui fait office de centre de loisirs durant les vacances, il n’y a pas grand monde ce mardi après-midi à la Lutèce.

Contexte : le renouvellement urbain du quartier

Située à Valenton, côté Villeneuve-Saint-Georges, la cité compte 9 barres de 4 étages, 8 tours de 4 étages et une tour plus haute de 15 étages, et accueille aussi une école, un centre socio-culturel et un gymnase. L’ensemble, d’un peu plus de 700 logements, construit de 1959 à 1970, et réhabilité une première fois au début des années 1990, fait partie du quartier politique de la ville (QPV) Lutèce-Bergerie, promis à un renouvellement urbain d’ampleur dans le cadre du PNRU (ANRU 2). Ce programme national permet de contribuer à financer ces reconversions. Si les 185 logements terrasse de la Bergerie, situés à l’est de ce QPV d’un peu plus de 2 000 habitants, ne sont pas concernés par la réhabilitation, la cité de la Lutèce, elle, va être métamorphosée en plusieurs étapes, et, à terme, les deux-tiers des logements actuels seront démolis. Y seront reconstruits des logements, mixant habitat social et accession à la propriété, et des équipements. Au-delà, la rénovation prévoit de repenser les continuités urbaines de ce quartier proche du centre-ville et de plusieurs grands espaces verts mais bordé de départementales importantes.

Le protocole de rénovation urbaine signé en février 2019, englobe aussi d’autres projets à Valenton et Villeneuve-Saint-Georges. (Voir notre article au moment de la signature)

Le quartier Lutèce Bergerie à Valenton (Lutèce à gauche, Bergerie à droite)

Concrètement, seule la partie nord est de la cité, qui comprend 5 petites tours et la grande tour, sera réhabilitée, avec ses 199 logements. Le secteur ouest (240 logements) sera démoli dans un second temps. La partie sud-est sera la première à être déconstruite et les habitants de ces 296 logements ont commencé à partir. Voir le plan ci-dessous.

La partie qui sera démolie en premier, au sud-est du quartier, comprend deux barres et quatre immeubles le long de la rue Gabriel-Fauré, des barres de part et d’autre de l’allée Georges Bizet ainsi que la longue barre le long de l’allée Debussy. Le diagnostic technique a jugé ces logements irrécupérables. “Les opérations doivent démarrer entre la fin de l’année 2023 et début 2024. Les prévisions vont varier en fonction du calendrier de relogement. Si nous conservons le rythme actuel, nous tiendrons ces délais”, explique Léa Delmas, chargée du projet ANRU à la mairie de Valenton. À l’heure actuelle, deux barres du périmètre de démolition sont vides à 60%. Au global, 40% du périmètre cible a été vidé. “Un nombre important de relogement s’est effectué dans du neuf grâce au travail mené avec les bailleurs. Ce sont des parcours réussis qui rassurent les habitants sur leurs attentes“, explique-t-on au cabinet du maire.

Inquiétudes concernant les déménagements

Sur le terrain, toutefois, un certain nombre d’habitants s’inquiètent, et n’avaient pas manqué, du reste, de s’exprimer lors de la venue de Brigitte Macron au centre socio-culturel du quartier, début janvier.

Lire : Brigitte Macron face aux préoccupations des Valentonais

Sur l’allée Gabriel Fauré, ce mardi, un homme répare un véhicule, un grand-père et son fils reviennent des courses. “J’ai un voisin qui est parti la semaine dernière, confie un riverain. Ils partent dans des logements à Champigny-sur-Marne, Créteil, Charenton-le-Pont… mais il reste quand même des gens ici”, énumère-t-il. Lui réside ici depuis plus de quarante ans. “Je me souviens de mon fils jouant dans l’impasse mais je ne suis pas tellement attaché à l’endroit. Je retournerai peut-être aux Antilles”, se projette-t-il, résigné à ne plus avoir sa place dans le quartier. “Ils vont raser les bâtiments pour faire autre chose mais il ne faut pas être naïf, ce n’est pas pour nous.”

Marie, elle, ne quittera Valenton pour rien au monde, alors qu’elle peut aller travailler à pied et n’a pas de voiture. “Pour le moment je reste ici. Personne n’est venu me proposer de relogement. Ces appartements sont vraiment en mauvais état et il est évident qu’il fallait démolir, reconnaît-elle. Je ne comprends pas, en revanche, pourquoi ils nous ont augmenté les charges. Ils ont aussi fait des réparations qu’ils refusaient de faire jusqu’à présent, comme installer des lumières à détecteur de mouvement ou changer les compteurs d’eau.” Un jeune homme, qui a grandi dans le quartier et vient rendre visite à sa mère commente : “C’est du tape-à-l’œil ces travaux. Les résidents se gèlent dans les appartements. Pourtant, ils ont augmenté les charges de chauffage d’une trentaine d’euros“.

Ausenda, qui habite dans la cité depuis 21 ans, souhaite aussi rester à Valenton. “J’ai mes enfants ici”, motive-t-elle, tout en s’inquiétant d’une éventuelle augmentation des loyers, d’autant plus difficile à payer depuis qu’elle est veuve.

L’embellissement du quartier va démarrer

La situation est d’autant plus frustrante pour les habitants des barres à démolir qu’ailleurs dans le quartier, sur la partie nord est, seule à ne pas être vouée à la démolition, des travaux d’embellissement démarreront début 2024. La réhabilitation concernera le carré délimité par les allées Michel Delalande, Darius Milhau, Vincent Scotto et l’avenue Salvador Allende où se dressent la grande tour du quartier et six autres bâtiments plus petits (cinq à six étages). Au programme : amélioration thermique des bâtiments, résidentialisation, équipements sportifs en accès libre, végétalisation des toits, amélioration des loggias existantes et création de nouvelles. “Il faut insister sur les chiffres significatifs consacrés à cette réhabilitation. D’ordinaire, il tourne autour de 60 000 euros par logement et là, nous sommes à 84 000 euros. C’est un niveau exceptionnellement élevé dû à la mobilisation de la municipalité et de l’ANRU“, se félicite Mathias Ott, préfet délégué à l’égalité des chances.

La tour futurement réhabilitée. Vue de l’atelier Rome, architecte retenu pour cet embellissement.

Parallèlement à la réhabilitation du secteur nord, le chantier du futur espace éducatif et culturel dans le sud du quartier va être lancé. Ce complexe de 3 000 m2 abritera une salle de spectacle de 300 places, un studio de musiques actuelles, des espaces pour les associations et les services municipaux, ainsi qu’un espace microfolie. Le projet, conçu par l’Atelier Novembre pour le compte de la mairie de Valenton, sera complété d’un grand mail planté. Les espaces verts dont le parc du Champs-Saint-Julien, seront aussi requalifiés. Pour éviter la consommation de terre, les nouvelles places de stationnement seront, elles, aménagées en sous-sol.

Le futur espace culturel. Vue de l’atelier Ferret Architecture

Par ailleurs, le groupe scolaire Henri-Wallon, déjà le plus grand groupe scolaire de la ville mais aujourd’hui sous-dimensionné, sera complètement restructuré. La maternelle sera démolie et reconstruite pour accueillir 8 classes tandis que l’école élémentaire sera réhabilitée pour en accueillir 16. De nouveaux équipements achèveront le groupe avec des locaux périscolaires, un bâtiment de restauration et un gymnase. Une crèche est également programmée à proximité.

Renouvellement social pour créer de la mixité

À la place des 296 logements démolis, 357 logements neufs verront le jour, mixant logements sociaux et accession à la propriété. “Je n’ai aujourd’hui à Valenton que 22% de ménages contribuables. Il n’y a pas de mixité sociale dans ce quartier. Pour tirer la ville vers le haut, nous devons profiter de cette opération pour attirer d’autres profils, proposer autre chose que du tout locatif social”, défend le maire de Valenton, Metin Yavuz.

La démolition du secteur ouest suivra, dans un second temps. Si les 240 logements répartis en quatre barres et quatre bâtiments, ne sont pas en mailleur état que ceux qui seront démolis en premier, il n’était pas possible de programmer leur déconstruction en même temps, pour des raisons de relogement. Seqens, le bailleur, a donc effectué “des travaux provisoires”, pour prolonger la vie des bâtiments considérés dans les diagnostics comme “non-réhabilitables“.

“Il est difficile de dire à des gens qui vivent dans un quartier depuis de nombreuses années de quitter leur logement, parfois pour des loyers très chers

Mi-février, le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est rendu à la maison du projet de Valenton pour faire le point sur ce projet, emblématique de la rénovation urbaine. “J’étais avec Jean-Louis Borloo quand il a créé l’ANRU. Une impulsion majeure a été donnée après les émeutes à Vaulx-en-Velin pour faire quelque chose de positif dans ces quartiers. Je ne veux pas que nous enterrions cette ambition dans la complexité. Que peut faire le législateur pour aller plus loin dans le renouvellement urbain ?”, a questionné le sénateur LR.

Il y a des enjeux d’ingénierie. Ce sont des projets complexes qui nécessitent pour les élus de s’entourer de collaborateurs compétents et cela a un coût pour les collectivités. Le deuxième enjeu est celui du relogement, a pointé le préfet délégué, Mathias Ott. Les choses se passent plutôt bien à Valenton mais, de façon générale, il est difficile de dire à des gens qui vivent dans un quartier depuis de nombreuses années de quitter leur logement, parfois pour des loyers très chers. Le troisième point est la reconstitution de l’offre. Il faut reconstruire autant de logements que ceux que l’on a détruit. On peut reconstruire sur site mais la plupart du temps, c’est hors quartier politique de la ville et hors de la ville d’origine. Il y a un défi de solidarité à l’échelle de l’intercommunalité pour reconstruire du logement social dans les autres communes“, a rappelé le représentant de l’Etat.

Sur le plan des engagements financiers, Olivier Capitanio, président du conseil départemental du Val-de-Marne, et aussi du territoire Paris Est Marne et Bois, a rappelé le problème institutionnel propre au Grand-Paris. Si les territoires métropolitains sont compétents en matière d’aménagement, ils n’ont pas de fiscalité propre, ce qui fragilise leur participation dans des tours de table pour boucler les opérations ANRU.

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