Près de 300 faits de violences conjugales sont dénombrées chaque année à Pantin, sans compter les autres types de violence telles que les menaces. À travers des ateliers et des permanences juridiques, la nouvelle Maison des femmes vise à libérer la parole et permettra aussi de porter plainte.
“C’est un espace qui manquait. Souvent, les femmes qui viennent au service social de la ville, nous disent qu’elles y croisent leurs voisins ou des gens qu’elles connaissent“, souligne Hawa Touré, conseillère municipale déléguée à l’égalité femme-homme de Pantin.” À partir du 4 décembre, la Maison des femmes de Pantin ouvrira ses portes au 27 rue Pasteur. Ateliers d’accompagnement à la parentalité, café-débats, séances de sophrologie, groupe de paroles… elle se présente d’abord comme un espace d’accueil, au-delà des formalités de dépôt de plainte.
Un lieu ressource unique
“C’est une structure à destination de toutes les femmes, qui proposera une écoute, de l’information et une orientation, mais aussi un accompagnement pour les femmes majeures victimes de toute forme de violence. On pourra travailler avec l’ensemble des acteurs locaux, les associations et les autres services de la ville“, résume Alexia Lerond, responsable de la Maison des femmes et chargée de mission égalité et droits des femmes à la ville.
À l’origine de ce refuge, inauguré ce mercredi 22 novembre : le réseau de lutte contre les violences faites aux femmes, mis en place à Pantin depuis 2014.
“Les dames vont trouver toutes les ressources nécessaires en un point unique et qui garantit leur confidentialité et leur sécurité. C’est la première structure de ce genre portée par une municipalité dans le département“, se félicite Ernestine René, responsable de l’observatoire départemental des violences envers les femmes de la Seine-Saint-Denis. Pour elle, il n’existe pas encore assez d’espaces de ce genre. Dans le 93, la Maison des femmes de Saint-Denis prend en charge les femmes victimes de viols ou d’agressions sexuelles de plus de 15 ans. À Montreuil, c’est une association qui porte la Maison des Femmes Thérèse Clerc.
Des policiers en civil pour déposer plainte directement
Concrètement, ce nouvel espace accueillera deux permanences juridiques, l’une tenue par une juriste du Centre d’information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF) 93 qui apportera un accompagnement sur l’accès aux droits, et une autre proposée par un panel d’avocates pantinoises membres du barreau de Seine-Saint-Denis qui accompagnera les femmes dans le cadre de leur démarche judiciaire. Une troisième permanence sera spécialisée en psychotraumatisme. Elle sera tenue par une psychologue de l’Institut de victimologie de Paris.
Les femmes victimes de violence pourront également déposer plainte directement dans les locaux. “Dans les cas où elles repèrent des situations de violence, les professionnelles de la Maison des femmes pourront solliciter directement les policiers de la brigade locale de protection de la famille du commissariat de Pantin pour venir recueillir la parole des victimes et commencer les investigations“, précise Alexia Lerond.
“À Pantin, il n’était possible jusqu’à présent que de porter plainte au sein du commissariat. Mais les murs d’un commissariat sont souvent considérés comme une enceinte infranchissable. Lorsqu’elle entreprend cette démarche, une femme victime de violence doit d’abord passer par un accueil où se trouvent d’autres usagers. Elle doit donc déjà faire face au regard des autres, au jugement, à la peur de se retrouver face à un fonctionnaire de police“, explique Ingrid Chemith, commissaire de Pantin depuis mars 2022.
Dans la ville, un peu moins de 300 faits de violences conjugales sont dénombrés, sans compter les autres formes de violence auxquelles peuvent être confrontées les femmes. Un nombre qui est plutôt en diminution mais qui reste très élevé comme dans le reste du département de Seine-Saint-Denis, pointe la commissaire.
Libérer la parole
Dans la pratique, ce seront des policiers formés spécialement à la détection de violences qui interviendront en civil pour maintenir un lien de proximité. Surtout, ils seront complètement intégrés au dispositif et prendront part à des cafés-débats et à des réunions d’information. “Les usagers pourront identifier et connaitre nos policiers, qui pourront, quant à eux, expliquer le rôle de la police et le déroulement d’une enquête en matière de violences conjugales, pour libérer la parole au maximum“, souligne la commissaire.
“C’est une enquête qui est extrêmement intrusive, ce que les femmes ne savent pas forcément : on auditionne les enfants, on fait des enquêtes de voisinage pour savoir ce qu’il se passe, on est extrêmement précis sur les relations intimes du couple, on prend des photos des blessures, on organise des confrontations avec l’auteur des faits. Tout cela peut générer des craintes et des retours en arrière, surtout pour les femmes sous emprise“, détaille Ingrid Chemith.
Particularité de la Maison des femmes, un petit espace est aménagé pour prendre en charge les enfants. Elle dispose de sanitaires spacieux, qui peuvent le cas échéant permettre aux policiers de prendre des preuves de violences in situ. Mais, rappelle la commissaire, le dépôt n’est pas une obligation pour initier une enquête police.
La ville de Pantin a également signé des conventions avec sept bailleurs sociaux pour mettre à disposition neuf logements par an pendant trois ans pour l’hébergement des femmes victimes suivies par le service social de la ville, par la Maison des femmes et par l’intervenante sociale au commissariat.
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