Un juge d’instruction a ordonné le renvoi de cinq policiers de Seine-Saint-Denis devant une cour criminelle pour l’interpellation violente d’un jeune homme en 2019 et la falsification d’un procès-verbal.
Cette affaire s’inscrit dans le vaste scandale qui touche la Compagnie de sécurisation et d’intervention de ce département (CSI 93), une unité aux méthodes controversées. Promise à la dissolution par le préfet de police de l’époque Didier Lallement, la compagnie a finalement été réorganisée et replacée sous l’autorité de la CSI de Paris.
L’un des avocats des fonctionnaires de police, Me Estelle Camus, a annoncé avoir fait appel de la décision et n’a pas souhaité commenter l’affaire.
Selon cette ordonnance, les cinq fonctionnaires de la CSI 93 sont renvoyés pour des violences volontaires sur Thierry L., âgé à l’époque de 20 ans, à Saint-Ouen le 9 août 2019. Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux avaient montré un fonctionnaire en civil asséner plusieurs coups au visage du jeune homme immobilisé par deux policiers. Sur le procès-verbal du policier qui accuse la victime d’être “un dealer”, il a affirmé avoir porté son brassard de police lors de l’interpellation dans le cadre d’un “coup d’achat”, où le fonctionnaire effectuait une fausse transaction de drogue. La victime avait porté plainte pour actes de torture, assurant avoir reçu plusieurs coups de pistolet à impulsion électrique (taser) sur ses organes génitaux dans le fourgon de police.
Prison ferme
Lors de son audition à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), Thierry L. a aussi déclaré avoir été “étranglé”, “reçu des coups de pied sur la tête”. Une fois arrivé au commissariat de police de Saint-Ouen, la victime dénonce une nouvelle salve de coups dont “un sur les parties génitales”.
Selon son rapport médical que l’AFP a pu consulter, il a subi des blessures au ventre, à la cuisse, au visage, sur le cuir chevelu, au niveau des cervicales. Des plaies superficielles étaient aussi visibles au niveau du dos, des genoux et des poignets. Deux jours d’incapacité totale de travail (ITT) lui seront prescrits. L’analyse du taser va confirmer que trois impulsions électriques ont été déclenchées dans la même minute.
Dans un premier temps, cette affaire devait être jugée devant le tribunal correctionnel de Bobigny le 5 novembre 2020. Mais le tribunal a fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par la partie civile, remarquant que le faux en écriture publique commis par une personne dépositaire de l’autorité publique est un crime qui relève d’une cour criminelle. “Les misérables manœuvres du parquet de Bobigny ont échoué. Je salue la décision courageuse du juge d’instruction. Il est dommage que ce type de décision soit exceptionnelle”, a déclaré à l’AFP l’avocat de la victime, Me Yassine Bouzrou.
Lors de leur placement en garde à vue, les policiers ont nié “les violences illégitimes”. L’un d’eux a reconnu “quelques erreurs, imprécisions ou omissions” lors de la rédaction du PV.
Début juin, deux policiers de cette même compagnie avaient été condamnés à sept et neuf mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Bobigny pour des violences et faux procès-verbaux lors d’une opération policière à Saint-Ouen en mai 2019.
Cette intervention, qui dérape, est captée par les caméras de surveillance d’une épicerie et va contredire les déclarations des policiers.
Généralisée en 2023, la cour criminelle, composée de juges professionnels et sans jurés populaires, juge les crimes punis entre 15 et 20 ans de prison.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.