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Justice | Seine-Saint-Denis | 06/04/2023
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Violences policières à Saint-Ouen : 4 policiers de la CSI 93 jugés à Bobigny

Violences policières à Saint-Ouen : 4 policiers de la CSI 93 jugés à Bobigny © Neydt

Interpellés violemment et arbitrairement par des policiers de la Compagnie de sécurisation et d’intervention de Seine-Saint-Denis (CSI 93), au printemps 2019, deux habitants de Saint-Ouen n’ont dû leur salut judiciaire qu’à la caméra vidéo d’une épicerie voisine. Ce jeudi matin, le tribunal correctionnel de Bobigny juge quatre policiers de cette compagnie controversée, qui fait l’objet d’une quinzaine de plaintes en cours.

Saint-Ouen, le 30 mai 2019. Un équipage de la CSI 93 interrompt une séance de sport improvisée entre jeunes et moins jeunes du quartier Emile Cordon dans le centre-ville, pour effectuer des contrôles d’identité. Jonathan se prête aux vérifications sans animosité. Mais, sans que le jeune homme s’en rende compte, le brigadier-chef Riahd, a discrètement posé un sac plastique contenant des sachets d’herbe à proximité pour “justifier” le contrôle, selon son témoignage auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Jonathan conteste la méthode et se voit saisi par les chevilles,t plaqué violemment au sol puis frappé au visage à coups de poing. C’est lui qui sera interpellé pour outrage, rébellion et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique et placé en garde à vue pendant près de 16 heures. Le chauffeur poids lourd se verra ensuite octroyer 10 jours d’incapacité totale de travail (ITT).

Louqmane, lui, a été témoin de la scène. Voyant l’agent déposer le sac de drogue, il a sorti son téléphone pour filmer mais a été pris à partie par le brigadier Loïc, lequel a confisqué le téléphone et l’a mis dans sa poche. Alors que Louqmane réclame son mobile, il se retrouve à son tour contrôlé puis interpellé pour menace de mort et violence. Le jeune homme reçoit même une décharge de taser qui permet aux policiers de le maîtriser. Son téléphone et ses écouteurs s’évaporeront.

Sauvés par la caméra d’une petite épicerie

Sur leur procès-verbal, les policiers accablent les interpellés. Heureusement pour les victimes, d’autres caméras permettent de rétablir la vérité. “Des vidéos sauvent les deux victimes”, confie une source judiciaire, qui confirme le contrôle de police “arbitraire” et “violent”. Depuis l’épicerie d’à côté, une caméra a capté toute l’intervention policière, et confirme la version des deux victimes de violences policières.

L’enquête de l’IGPN démontrera ensuite que “le contrôle d’identité et l’interpellation n’étaient aucunement justifiés et qu’au moment du contrôle ils étaient parfaitement calmes à l’arrivée des policiers”.

“S’ils n’avaient pas eu la chance que les faits dont ils ont été victimes se produisent sous l’oeil de la caméra d’un commerce, ils auraient été probablement poursuivis, condamnés, voire incarcérés, à tort”, déplore Me Raffaëlle Guy, avocate des deux hommes. “Il est terrifiant de se dire que pendant des années, des fonctionnaires de police ont pu mentir, truquer, insulter, falsifier, voler et violenter en tout impunité!” Pour l’avocate, “ces pratiques, qui n’étaient manifestement pas isolées au sein de la CSI 93, ont contribué à tromper l’institution judiciaire, qui a ainsi pu condamner des justiciables innocents”. 

Sollicités par l’AFP, les avocats des quatre prévenus n’ont pas souhaité faire de commentaire.

Agés de 35 à 43 ans, les policiers seront jugés devant la 14e chambre correctionnelle de Bobigny à partir de 10h00. Placés sous contrôle judiciaire qui leur interdit d’exercer leur fonction de policier, ils sont depuis juillet 2020 sous le coup d’une mesure de privation de leur traitement, selon la préfecture de police de Paris.   

L’ancien patron de la CSI 93 à la tête de la BRAV-M

Cette affaire s’inscrit dans le vaste scandale qui touche la CSI 93, unité aux méthodes controversées visée par une quinzaine d’enquêtes depuis 2019 et deux procès à venir. “La difficulté dans ces dossiers, c’est que les victimes ne parlent pas”, a indiqué à l’AFP Loïc Pageot, procureur-adjoint de Bobigny, en charge des dossiers impliquant les policiers de la Seine-Saint-Denis.

Promise à la dissolution par le préfet de police de l’époque, Didier Lallement, la compagnie a été finalement réorganisée et replacée sous l’autorité de la CSI de Paris. Son ancien patron, lui, a pris le commandement du service spécialisé du maintien de l’ordre circulant à moto, la BRAV-M.

par Wafaa ESSALHI

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