Société | | 11/04/2023
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Visite de la députée Clémence Guetté à des CM1 d’Orly : du tweet vite fait à la polémique nationale

Visite de la députée Clémence Guetté à des CM1 d’Orly : du tweet vite fait à la polémique nationale © C Guette

Une députée qui vient parler avec des élèves dans une école élémentaire puis publie un tweet de 171 caractères. Deux élus qui réagissent illico en vidéo sur Facebook. Une pluie de commentaires et d’interprétations. Un communiqué syndical qui s’émeut d’une “diffamation inadmissible.” Un chroniqueur qui y va de son analyse sur C News. Voilà la polémique lancée. Mais que s’est-il donc passé ce vendredi 7 avril à l’école Marchel Cachin B d’Orly ?

Ce vendredi 7 avril, la députée LFI Clémence Guetté s’est rendue dans l’école élémentaire dans le cadre du projet “Parlement des enfants” auquel participait une classe de CM2. Ce projet national, mené en lien avec la chambre des députés et le ministère de l’Éducation, nourrit le programme d’éducation civique de manière participative en invitant les élèves à écrire une proposition de loi. Après des séances d’explication sur le fonctionnement des institutions, les écoliers planchent sur une thématique, différente chaque année. Chaque rectorat sélectionne ensuite une proposition avant qu’un jury national n’en départage cinq. Les propositions finalistes sont mises en ligne sur le site du Parlement des enfants et font l’objet d’un vote par les classes participantes, après débat. Cette année, la thématique était “renforcer la participation démocratique et la confiance dans les institutions”. Un sujet particulièrement stimulant. “Les élèves ont débattu et ont réfléchi sur comment renforcer la participation des jeunes au vote. Ils ont aussi proposé le droit de vote des étrangers, sous certaines conditions”, détaille Magali Trarieux, professeure des écoles dans le CM2 de l’école Marcel Cachin B. Durant le premier semestre, ils ont reçu la visite de l’ancienne sénatrice orlysienne Odette Terrade (PCF) et de la section locale de la LDH pour bien comprendre les institutions. “Cette semaine, ils étaient un peu déçus car ce n’est pas leur proposition de loi qui a été retenue par l’Académie mais celle de Chevilly”, poursuit l’enseignante. La visite, ce vendredi, de la députée de circonscription Clémence Guetté a permis de passer à autre chose.

Un passage en CM1, pour illustrer le cours d’éducation morale et civique

Pourquoi la députée s’est-elle retrouvée en CM1 ? “J’ai prévenu les collègues de la visite de la députée au cas où cela les intéresserait dans le cadre de leur cours d’EMC (éducation morale et civique)“, explique Magali Trarieux. Une proposition qui a enthousiasmé un enseignant de CM1, lequel a anticipé cette séquence en invitant les élèves à préparer des questions. “L’un d’eux avait préparé 40 questions”, rapporte Magali Trarieux, qui n’était pas présente dans la classe de son collègue. “C’est à la fin de cette séance de questions – réponses qu’un élève a demandé à la députée pourquoi arrêter de travailler quand on est vieux”, indique l’enseignante, d’après ce qui lui a été relaté par le collègue. “Sans doute a-t-elle réagi en expliquant qu’il y avait des positions différentes, en prenant du recul, comme elle l’a fait en présentant l’Assemblée nationale lorsqu’elle a rejoint les élèves dans l’hémicycle”, poursuit-elle.

Sollicité par 94 Citoyens sur le principe des visites d’élus dans les écoles, le Rectorat de Créteil rappelle le principe du Parlement des enfants dans lequel sont régulièrement prévues des visites de parlementaires. Il rappelle aussi la possibilité de venir dans les établissements, en dehors de ce contexte. “Les élus de circonscription peuvent souhaiter se rendre dans les établissements pour voir comment cela fonctionne. Cela se prépare bien sûr”, indique l’Académie qui précise ne jamais avoir eu de remontée d’un élu profitant de cette situation. C’est bien ce qui s’est passé ce vendredi. La visite aux CM2 s’effectuait dans le cadre du Parlement des enfants, celle aux CM1 pour incarner l’éducation civique. Le rectorat rappelle aussi les visites des élus locaux dans les établissements dont ils ont la charge des infrastructures (un maire dans une école, un président de département dans un collège ou encore la présidente de région dans un lycée).

Le petit tweet qui déclenche le buzz du week-end

C’est dans ce contexte que la députée a tweeté “Je suis à l’école Marcel Cachin à Orly ! Avec une classe de CM1, on parle du mandat de députée, du fonctionnement de l’Assemblée nationale, et de la réforme des retraites !” en sortant de l’école. Un tweet de 171 caractères, espaces compris, qui ne peut resituer tout le contexte. Visionné 313 000 fois, retweeté 150 fois, celui-ci a été suivi d’un torrent de commentaires reprochant à la députée un “bourrage de crâne dès le plus jeune âge”.

Deux élus postent des vidéos d’interpellation

À Orly, deux élus municipaux n’ont pas non plus tardé à réagir. “J’ai été interpellé par des SMS et sur WhatsApp par cinq parents d’élèves”, témoigne Philippe Bouriachi, élu écologiste (ex EELV) qui indique que deux des parents auraient leurs enfants dans la classe en question. 94 Citoyens a proposé d’interviewer les parents en question mais ces derniers n’ont pas donné suite à ce stade.

Christophe Di Cicco, conseiller d’opposition (majorité présidentielle), indique également avoir été interpellé par des parent, non pas directement par des parents ayant des enfants dans la classe, mais par des parents ayant eu connaissance de la visite.

Rapidement, les deux élus réagissent, chacun dans une vidéo sur Facebook.”Faire venir une députée dans une classe de CM1 pour parler de la réforme des retraites, c’est juste scandaleux”, interpelle ce dernier, en s’adressant à la maire de la ville, Imène Souid-Ben Cheikh, émoji “je me sens furieux” à l’appui. (Pour rappel, la maire d’Orly n’a pas de rapport avec ce projet qui relève principalement de l’Éducation nationale et de l’Assemblée)

“Je trouve cela scandaleux de prendre des scolaires à partie pour parler de sujets de réforme, sans débat contradictoire. Je suis prêt à aller jusqu’au ministre pour encadrer et protéger les enfants. Je voudrais que ce type d’intervention soit encadré”, détaille l’élu à 94 Citoyens.

Philippe Bouriachi n’est pas en reste pour analyser le tweet de la députée, qu’il qualifie au passage de “touriste électorale” par son parcours politique initialement non val-de-marnais. Il exige de savoir qui a donné cette autorisation ? “avec la bénédiction de qui” et quelle a été “la teneur des propos” échangés.

“À neuf ans, vous êtes une éponge. On n’a pas à politiser des enfants. Leur principale préoccupation n’est pas la réforme des retraites, c’est plutôt leur prochain cadeau d’anniversaire”, motive le député.

Le syndicat enseignant réagit

Sur Facebook, la vidéo du conseiller régional est aussi suivie d’un déluge de commentaires. Du côté des enseignants, un délégué du Snuipp fait remarquer que “l’intervention d’un.e deputé.e dans une école est tout à fait banale”. Et le professeur d’ajouter : “Évidemment, personne ne doit profiter de sa position pour faire du bourrage de crâne ou de la propagande. Par contre expliquer le débat autour de la réforme, ses enjeux, les positions des un.e.s et des autres, rien que de très normal. À moins que vous ayez des éléments probants indiquant que ce n’est pas le cas, il n’y a pas de sujet, et vous faites de la mousse au détriment de personnes bien réelles qui pourraient avoir à faire face aux conséquences de vos accusations sans fondements. Quand bien même cela serait le cas, les réseaux sociaux ce n’est pas le lieu, il y a des institutions dans ce pays. Je vous rappelle S. Paty, et je vous laisse méditer là dessus.”

Choqué par les échanges, le syndicat publie un communiqué dénonçant une “accusation calomnieuse très grave”. “Sur quels faits ou propos précis se base cet élu local ? Aucun ! Il ne propage que des accusations gratuites : il s’interroge d’ailleurs lui-même dans sa vidéo sur « les échanges et les teneurs, euh… la tenue des propos qui ont été faits pendant ce moment là », poursuit le communiqué de la FSU SNUIpp. “Rappelons que c’est le même type de mise en cause sans fondement d’un enseignant quant à son devoir de neutralité qui a débouché sur le meurtre de Samuel Paty, drame encore très vif dans nos esprits”, insiste le syndicat.

Des réseaux sociaux à la justice

Une accusation qui ulcère Philippe Bouriachi qui réagit cette fois au communiqué dans un live, toujours sur Facebook. “Pour avoir posé des questions sur une intervention d’une députée, me voilà calomnié, diffamé, apparenté à l’extrême droite et un parallèle honteux avec la mort de Samuel Paty. Ceci ne pourra en rester là”, indique-t-il. “J’attends le retour de mes avocats mais rien n’arrêtera ma détermination”, nous prévient-il.

Côté SNUIpp, des enseignants ont demandé la protection fonctionnelle et envisagent de porter plainte.

De quoi nourrir une chronique sur CNews

Ce lundi 10 avril, le chroniqueur souverainiste Mathieu Bock-Côté y a été de son analyse sur Cnews, dans l’émission Face à l’info, dans une séquence sous-titrée “Quand une députée insoumise fait la classe”, se basant toujours sur “le” tweet de la députée. Et le chroniqueur de considérer qu’il y a un “silence” face à un cet événement, se demandant s’il en serait de même si un élu RN venait en classe et évoquait l’immigration.

Sollicité par l’intermédiaire de sa collègue, l’enseignant concerné n’a pas souhaité s’exprimer dans ce contexte de buzz éprouvant. Clémence Guetté a également été sollicitée et sa réaction complètera l’article si elle donne suite.

Mise à jour le 12 avril (ajout demande de protection fonctionnelle des enseignants)

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