Education | | 19/03
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100% de réussite au bac, “la méthode de Drancy” se dévoile au cinéma

100% de réussite au bac, “la méthode de Drancy” se dévoile au cinéma © CH

Ynès, Bilel, Ryan, Dounia, Nathan… Pendant une 1h15, le documentaire “Le monde est à eux” retrace le parcours d’une classe de terminale au lycée Eugène Delacroix de Drancy, jusqu’au bac. Pas n’importe quelle classe, celle de Jérémie Fontanieu, prof de sciences économiques qui peaufine depuis plusieurs années sa méthode de suivi pour faire réussir les élèves. Citoyens.com était à l’avant-première. Ambiance.

Ça fait bizarre de se voir à l’écran parce que ce film parle de la réussite que nous avons accomplie, des mots que l’on avait employés et qui sont en fait percutants“, réagit Ynès. “On est forcément très fiers, surtout qu’à cette époque, on avait 17-18 ans“, abonde Ryan, à la fin de la projection. Le film-documentaire de Jérémie Fontanieu a été tourné en 2019, juste avant la crise du coronavirus, dans la classe de terminale dont il est professeur principal en sciences économiques et sociales, au lycée Eugène Delacroix à Drancy.

“Au départ, l’idée de filmer en classe est née pour faire une fête de fin d’année sympa. Et cela s’est transformé en un film assez cool“, témoigne David Benoit, professeur de mathématiques, très ému.

Arrêter de souffrir

Ce lundi soir, le Christine Cinéma Club (Paris 6 arrdt) a diffusé “Le monde est à eux” en avant-première. À partir de mercredi, c’est le grand bain : il sera diffusé dans les salles de cinéma à travers toute la France. “Je pense à tous les élèves et à leur famille qui n’ont pas pu venir ce soir, parce que ce sont eux les héros du film“, confie le professeur, qui annonce une séance à Drancy lundi 25 mars “pour permettre à tous de le voir“.

C’est lui, leur prof principal de sciences éco, qui est à l’origine du projet aux côtés de David Benoit, son ancien collègue professeur de mathématiques. Tout commence en 2013-2014 lorsque les deux enseignants cherchent à mettre au point une méthode pédagogique pour faire réussir leurs élèves. “Notre but, c’est que les professeurs, mais aussi les élèves et les parents, arrêtent de souffrir face à la violence de la société et de l’institution“, défend Jérémie Fontanieu. Sur le papier, l’objectif est de passer de 70% à 100% de réussite au bac. Sur le fond, le film retrace la mue d’adolescents et l’éclosion d’un collectif classe.

Le résultat est là : tous les élèves ont obtenu leur bac. Certains ont fait une prépa aux grandes écoles. Ynès s’est réorientée, et s’épanouit désormais en alternance dans une grande entreprise. Ryan est dans une école de commerce à La Défense. Le contraste, entre les regards renfrognés au début du film, et les sourires qui remplissent l’écran au fur et à mesure de sa progression, est saisissant.

Lire aussi : Pédagogie : la méthode du prof de Drancy trace sa route au niveau national

On a tous pris une claque

Je passe pour le professeur qui fronce des sourcils“, plaisante Jérémie Fontanieu. “Dans la vie, le meilleur moyen de progresser, c’est de travailler et de fermer sa gueule“, lance-t-il. Absences, retards, oubli de la calculatrice… Lui et David Benoit ne laissent rien passer et collent à tour de bras si c’est nécessaire.

Tout se joue dès le mois de septembre. “Au début, les élèves galèrent parce que ce sont des glandeurs confirmés arrivés en terminale. Le plus dur, c’est de les remettre au travail. Le mois de septembre est très long. Certains élèves sont KO“, relate David Benoit. Alors, les profs multiplient les SMS aux parents : il faut qu’untel se couche plus tôt ; que tel autre arrête les jeux vidéos la nuit ; pourquoi votre enfant est en retard ce matin ?…

On s’est tous pris une claque“, témoigne Ynès à la fin de la projection, qui confie “en avoir voulu à Monsieur Fontanieu” à l’époque. Mais, “le projet est tellement puissant qu’on en oublie la puissance de cette claque. La manière dont on voit nos efforts nous procure une telle joie ! Je me suis dit que, j’en avais besoin, de cette claque. Car, si ce n’’est pas [à ce moment-là] que je la recevais, c’est quand ? Cette méthode m’a donné une manière d’appréhender les choses et de savoir que je suis personne, et que je suis importante“, poursuit la jeune femme. En fait, relate Adem dans le film, “on m’a transmis des valeurs et des principes qui me sont d’une grande aide“.

Casser le fatalisme”

Une main se lève après la projection. “C’est un film positif, peut-être trop positif. J’aimerais savoir où sont les failles, les moments de découragements ?“, questionne un spectateur qui n’est autre que le père de Jérémie Fontanieu.

Le choc du début d’année est assez fort. On veut casser le fatalisme chez les élèves et les parents. On dit la même chose que tous les autres profs, c’est juste que les parents étant avec nous, les élèves peuvent moins faire autre chose que ce qu’on leur dit de faire“, résume l’enseignant.

Le film raconte la mise en place et l’acceptation de cette méthode qui s’appuie essentiellement sur le rôle des parents.

Derrière la caméra, on rentre dans l’intimité, non seulement des élèves, mais aussi des familles. “Devant les élèves, on doit faire bloc. Après, on peut discuter entre nous, mais face à eux, on parle d’une même voix“, explique en substance Jérémie Fontanieu lors d’une réunion de début d’année avec les parents. “Les difficultés, c’est quand on sort de cette bulle qu’on a créée avec les parents“, constate-t-il.

Un des secrets est que le lien avec les élèves est secondaire par rapport au lien avec les familles”

Dans le film, la méthode, baptisée Réconciliations, est juste effleurée. “Le film est un appât pour donner envie aux profs de s’intéresser“, justifie Jérémie Fontanieu. “Un des secrets est que le lien avec les élèves est secondaire par rapport au lien avec les familles. C’est une rupture radicale avec la culture enseignante telle qu’elle existe et dans laquelle on a été formé“, révèle-t-il.

On a mis sept-huit ans à arriver à un tel résultat, et l’on pourrait croire que c’est presque une conclusion. Mais j’ai l’impression que c’est un nouveau début“, réagit son ancien collègue, David Benoit. “J’espère que tous les profs vivront cette expérience dans leur vie parce que c’est quelque chose que, je pense, on ne vit pas assez, en tant qu’enseignant, à savoir faire partie d’un collectif où il n’y a pas que les profs, mais aussi les parents, et les élèves“, poursuit-il.

La méthode de Drancy trace sa route en France

Aujourd’hui, Jérémie Fontanieu estime à 200 le nombre d’enseignants qui font vivre le projet “Réconciliations”, que les prof appellent entre eux la “méthode de Drancy”, dont une vingtaine en Ile-de-France. “La méthode vient de Drancy, c’est pour cela que l’on ne touche pas un euro ni sur le livre ni sur le film“, précise-t-il. “Le but est que ce collectif s’agrandisse et que l’entraide se développe. Avec l’écho médiatique, je reçois déjà régulièrement de nouvelles demandes de professeurs qui s’intéressent à la méthode“, indique-t-il.

Ce film montre que les élèves du 93 peuvent réussir, résume Ynès. En fait, que tous les élèves peuvent réussir.”

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