Alors que les déchets de textile seront concernés l’obligation de tri dès janvier 2025 et que l’ultra fast-fashion ne ralentit pas, le défi s’annonce colossal. Parmi les initiatives qui montrent la voie, petit tour à Fontenay-sous-Bois où Caroline Pluvinage a ouvert une recyclerie textile en avril 2023, déménagée ce printemps 2024 dans le nouveau tiers-lieu Les Bains douches.
Passionnée de mode, Caroline Pluvinage a changé sa manière de voir les choses après avoir visionné des documentaires et plongé dans les chiffres de la gabegie textile. “L’impact de cette industrie m’a donné la nausée. Je me suis dit : ça va être ça mon combat. J’adore les fringues, j’adore la mode, j’adore m’habiller. Mais, je ne peux plus le faire comme avant. Une fois qu’on a pris conscience de l’impact de cette industrie, on ne peut plus consommer de la même manière.” Selon l’Ademe (agence de la transition écologique), l’industrie textile représente quatre milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an, soit plus que l’impact des vols internationaux et le trafic maritime réunis. Or, insiste Caroline Pluvinage, le recyclage textile n’existe pas vraiment. “On parle de recyclage de textile et de recyclerie textile, mais le textile, ça ne se recycle pas. Tu ne fais pas de vêtements à partir d’un pull qui a été détricoté, refilé et qui refait un vêtement. C’est 1% du recyclage du textile.” Ne restent donc que deux solutions pour freiner l’embolie de la production textile. “Donc soit tu consommes à 100 % de la seconde main et là tu es dans une démarche un peu plus vertueuse, soit tu arrêtes totalement de consommer.”
Le volume de la surconsommation, Caroline Pluvinage l’a mesuré physiquement en ouvrant la recyclerie, voyant les dons affluer jusqu’à la submersion. “Parfois, je vois tellement de vêtements que j’en ai le tournis. Certains ont encore leurs étiquettes ! Au début, on était content d’avoir des produits neufs. Aujourd’hui, on essaie de faire un peu de pédagogie.”
Les vêtements qui ne trouvent pas d’acheteurs finissent dans un circuit de recyclage annexe ou dans les conteneurs Relais, très présents dans la ville. De même pour les dons trop abimés pour intégrer les étagères de la recyclerie. “On n’a que 26% de rebut, ce qui signifie qu’on a beaucoup de dons de qualité.” Une situation de plus en plus rare. “Maintenant, les vêtements de qualité sont vendus sur Vinted. Et, comme la majorité est de l’achat fast fashion, la matière première est périssable et s’abîme au point de ne plus être revendable”.
Utiliser les codes du neuf
Pensé comme un magasin classique, plus qu’une friperie, Habitudes est tiré à quatre épingles. La nouvelle boutique a pris place aux Bains Douche, un grand local repris par la ville et mis à disposition d’entreprises, associations, artistes et artisans à des prix modérés. “Quand on trie les vêtements, on les classe par homme, femme, enfant, accessoire. Puis, par saison, par type de vêtement, par taille. On s’y retrouve donc ça donne envie. En utilisant les codes du neuf, on va convaincre le maximum de personnes d’adopter la seconde main”, développe Caroline Pluvinage. Avec un prix moyen de 6 euros par pièce, la recyclerie cible toutes les bourses. “En tant qu’association, on gère un problème public. On collecte parce qu’il y a un problème de gestion des déchets, de surconsommation, de surproduction et un gros problème de recyclage.”
Ateliers pour sensibiliser
De manière marginale, certaines pièces passent entre les mains des couturières bénévoles de l’association. “Quand c’est une pièce de qualité : belle matière, une marque connue ou un vêtement dans l’air du temps, on va la customiser.” Mais cela ne représente que 10% des pièces à cause du temps et de la place que cela nécessite.
Pour encourager cette pratique, la recyclerie organise des ateliers pour apprendre à prolonger la durée de vie des vêtements. “En customisant, tu peux complètement transformer un vêtement et le rendre un peu unique. Que ce soit avec de la peinture, de la colle à tissu, ou juste avec un coup de fil et une aiguille.”
La recyclerie organise aussi des ateliers de sensibilisation dans les collèges et lycées de Fontenay-sous-Bois. Le but : enlever “les œillères” du consommateur et expliquer les conséquences négatives qu’un achat peut avoir sur la planète. “J’aimerais qu’il y ait une prise de conscience majeure de chaque individu, mais je sais qu’aujourd’hui, il n’y en aura pas. C’est pour ça que je trouve intéressant d’aller dans les collèges et lycées au contact de ces nouveaux consommateurs. ”
BISOU : les 5 questions à se poser avant d’acheter
Parmi les techniques transmises à son auditoire : la technique BISOU. Un acronyme invitant à se poser cinq questions avant d’acheter. B : En ai-je besoin ? I : Ce besoin est-il immédiat ? S : n’en ai-je pas un semblable chez moi ? O : Quelle est l’origine de cet objet ? U : me sera-t-il utile ? “Avant d’acheter, assure Caroline Pluvinage, si tu repasses cette méthode au crible, dès le B, tu n’achètes pas !”
La recyclerie Habitudes est située au 1 avenue du Maréchal Joffre à Fontenay-sous-Bois
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