Incivilités, vente de cigarette à la sauvette, deal, agression… À Noisy-le-Sec, le nombre de policiers est passé de 150 à 87 entre 2006 et 2024. Face au désengagement de l’État, les habitants soutiennent la demande du maire (PCF) Olivier Sarrabeyrouse en faveur d’un commissariat de plein exercice. Certains demandent aussi un engagement plus fort de la police municipale.
“Je me suis faite agresser le 10 août, entre midi et 13h par un monsieur qui avait quelque chose de pointu dans la main. Il vit à côté de chez moi, je le vois de temps en temps. Qu’est-ce qu’on peut faire?“, témoigne une femme, la voix tremblante. “J’ai appelé le commissariat, j’ai attendu trois quarts d’heure, mais personne n’a répondu“, souffle-t-elle.
Comme elle, une soixante d’habitants ont fait le déplacement mercredi dernier à la mairie de Noisy-le-Sec pour participer à une réunion publique sur la sécurité. Une réunion pour “informer”, “écouter” et “mobiliser”, explique le maire (PCF) Olivier Sarrabeyrouse. “Souvent, j’entends “que faites-vous?”, “vous ne faites rien”“, reconnait-il en propos liminaire, tout en rappelant que les effectifs de la police nationale pour la ville sont passés de 150 à 87 policiers en 15 ans.
“On partage tous la souffrance de ne pas avoir assez de policiers“
De fait, l’insatisfaction est palpable dans la salle. “Comment la loi est-elle appliquée concernant ces vélos qui circulent à toute blinde sur les trottoirs ?“, demande un homme qui a fini avec des points de suture à la tête après été percuté juste en sortant de chez lui. Des haies mal taillées et délaissées qui deviennent des planques pour dealers. Un terrain de foot ouvert 24h sur 24 qui se transforme en lieu de tournage ou de fête sauvage la nuit. Les problèmes sont nombreux. Certains appellent des réponses précises, d’autres moins. “J’habite près du canal de l’Ourcq. Nous avons eu un campement de Roms qui s’est installé avec toutes les nuisances qui en ont découlé : des agressions, des ordures, des épidémies de galle et de rougeole”, relate à son tour une habitante du quartier du Petit Noisy. “Ils ont été évacués entre les Jeux olympiques et les paralympiques. Mais, on les a vus se réinstaller de l’autre côté. Qu’allez-vous faire ?“, interroge, pour sa part, une autre habitante. “Nous avons alerté Décathlon [aux abords duquel s’était installé le campement], la préfecture les a obligés à prendre des mesures, ce qu’ils [l’entreprise] n’ont pas fait. Nous avons affaire à des privés, donc nous sommes démunis“, se défend Olivier Sarrabeyrouse qui salue au passage la mobilisation des habitants. “Ce camp était une vraie plaie en termes de tranquillité et d’hygiène. Vous avez été exemplaires parce qu’il n’y a jamais eu d’intentions ni racistes ni d’exclusion“, ajoute-il. Quant à la situation actuelle, la mairie de Noisy-le-Sec se retrouve de nouveau confrontée un problème sur un espace foncier qui ne lui appartient pas…
“On partage tous la souffrance de ne pas avoir assez de policiers“, pointe, de son côté, un père de famille. Il attire l’attention sur “le square Lounès Matoub [qui] a été privatisé par des dealers depuis janvier. C’est dommage de ne pas pouvoir en profiter avec nos enfants. Est-ce que la police municipale ne pourrait pas, au moins, faire appliquer les règlements : ne pas fumer, ne pas écouter de la musique et peut-être aussi ne pas vendre de la drogue“, suggère-t-il. “Depuis le 1er septembre, j’appelle la police tous les soirs et je ne suis pas sûr qu’elle soit passée“, déplore-t-il. Il veut aussi savoir si la police municipale est armée.
Police municipale armée ou pas?
La question interroge, de fait, certains habitants. À Noisy-le-Sec, la police municipale compte aujourd’hui 10 agents pour 17 postes budgétés, en plus de 10 ASVP (agents de surveillance de la voie publique) et un réseau de 68 caméras de vidéo-surveillance. “On reconstitue cette police municipale, parce que l’on a connu un période creuse pendant des mois avec un seul agent“, indique Séréna Yahmi, adjointe au maire chargé de la tranquillité publique. Un agent est d’ailleurs en voie de recrutement, un ASVP en reconversion.
Aucun policier municipal n’est armé, confirme l’élue. Les policiers municipaux noiséens sont équipés “d’armes non létales : tonfa, matraque, gazeuse. Ce n’est pas une volonté de notre part de ne pas les armer. Le maire a signé toutes les autorisations, les formations sont financées par la ville au besoin. Mais le chef de la police municipale actuelle n’estime pas avoir besoin d’armes létales“, précise-t-elle, rappelant que 44% des polices municipales en France n’en sont pas équipées.
“La question de l’armement n’est pas anodine parce que chacun a remarqué que depuis trois ans les dealers de cigarettes et d’autres produits illicites a augmenté” estime Jean-Paul Lefebvre, conseiller municipal (GRS). L’élu d’opposition s’étonne que “c’est le chef de la police municipale qui décide ou non si elle doit être armée ou non alors qu’elle est sous la responsabilité exclusive du maire“. Pour lui, le non-armement de la police municipale explique, au fond, “les difficultés de recrutement de la mairie” et la “prudence des agents face à des dealers armés“.
“Que la police municipale soit armée ou pas, le changement est là parce que les parents, les mamans, les associations ont fait un travail de terrain“, estime à l’inverse un ancien habitant du quartier Boissière qui était considéré comme “sensible” lorsqu’il y a grandi. “Le fait d’être armé n’augmente pas l’efficacité de la sécurité et de la tranquillité publique“, rebondit Olivier Sarrabeyrouse. “On recrute sur les bases qui sont les nôtres. Un maire de gauche et un maire de droite, ce n’est pas la même chose. Il y en a qui vont vouloir faire gazer y compris des jeunes qui jouent au basket, et d’autres, comme nous, qui travaillent à plus de proximité“, défend-il. “Le problème de la sécurité est multifactoriel. Il y a des villes qui recrutent plus de policiers municipaux, mais qui rencontrent les mêmes difficultés“, ajoute-t-il citant, en exemple, Saint-Denis, en tête selon lui, des villes avec le plus d’insécurité en 2024.”
Une pétition pour un commissariat de plein exercice
“Il y a une augmentation de la vente sauvette. Il faut montrer à la population que l’on ne met pas la tête dans le sable et qu’on agit“, commente l’édile qui a lancé une pétition avec son homologue (DVG) de Sevran, Stéphane Blanchet, présent pour l’occasion dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville. Objectif : obtenir la création d’un commissariat de plein exercice dans les deux communes. Le commissariat de Noisy-le-Sec a, en effet, été déclassé en commissariat subdivisionnaire en 2008. (Voir la pétition)
“L’insécurité n’est pas qu’un phénomène noiséo-noiséen. En matière de vente à la sauvette, il y avait neuf points identifiés en 2019 sur l’Île-de-France. Aujourd’hui, il y a en à 80. Entre 2016 et 2023, les actes de violence physique ont augmenté de 60%. Cette dégradation est nationale“, détaille Olivier Sarrabeyrouse qui confie avoir lui-même subi deux tentatives de cambriolage en huit jours et cinq en 20 ans. “Rien que cette absence de commissariat de plein exercice pour des villes comme Noisy-le-Sec et Sevran est un symbole de rupture de l’égalité républicaine“, assène pour sa part Stéphane Peu, député (PCF) de Saint-Denis et co-rapporteur de deux rapports parlementaires sur l’action de l’État en Seine-Saint-Denis. “Nous constatons que la Seine-Saint-Denis continue d’être le département le plus criminogène et celui qui, toutes villes confondues, a le moins d’effectifs de police par habitant“. Malgré des progrès, il fait le même constat dans le domaine judiciaire. “Au tribunal de Bobigny, le deuxième le plus important de France, on a gagné quatre postes de procureur supplémentaires et six magistrats du siège, mais sans que cela ne soit suivi du nombre de greffiers nécessaires. Un magistrat qui n’a pas de greffiers, c’est un magistrat qui n’a pas de mains”, observe-t-il, soulignant que “17 000 dossiers qui courent depuis une quinzaine d’années vont être déstockés. Un scandale”.
Dans une lettre datée du 8 juillet, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a lui répondu au maire de Noisy-le-Sec que la mutualisation avec le commissariat de Bobigny permettait de dégager des moyens supplémentaires. “Ça ne marche pas comme ça, parce que c’est d’abord Bobigny qui se sert. La mutualisation n’est pas un fait aujourd’hui. Il y a simplement moins de moyens pour Noisy-le-Sec“, considère Olivier Sarrabeyrouse qui compte aller voir le nouveau ministre de l’Intérieur (LR) Bruno Retailleau. Il n’est cependant pas rigide sur l’obtention d’un “commissariat de plein exercice“. “Une ville de 46 000 habitants a besoin aujourd’hui de forces de police en nombre suffisant. Si l’on obtient 20 policiers de plus et que l’on garde notre commissariat subdivisionnaire, ce serait une bonne chose. Nous sommes à 3000 signatures [ndlr de la pétition]. Mais, nous, maires, nous ne comptons pas. Nous avons besoin des habitants“, fait-il savoir Olivier Sarrabeyrouse.
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