Pour quelques heures au moins, la traversée de la flamme olympique en Seine-Saint-Denis a fait oublier le climat politique et les problèmes du quotidien. Elle a même transformé l’attente, pour beaucoup indifférente, de cet événement, en une véritable fête populaire. Entre guinguette et chasse aux stars, l’engouement a vraiment pris à Aubervilliers et Saint-Denis.
“J’en reviens, on va aller voir la cérémonie d’ouverture des JO, on va voir Aya [Nakamura] et Céline Dion !“, s’exclame Inès, 15 ans, à côté de sa sœur. Sa mère vient de leur annoncer la bonne nouvelle par téléphone. Toutes les deux attendaient ce vendredi le passage de la flamme olympique sur l’avenue du président Wilson, qui enjambe le canal Saint-Denis. Des élus se mêlent aux passants. Peu à peu, la haie d’honneur improvisée sur le trottoir, derrière une barrière invisible, s’étoffe. Malgré le temps couvert, plusieurs dizaines, puis plusieurs centaines de personnes, sont bien au rendez-vous de cet avant-dernier relai avant le début des Jeux, les portables prêts à saisir l’instant.
“C’est du délire!“
Comme tout au long du parcours de la torche depuis Marseille, ce sont les camions des partenaires qui ouvrent le bal. Puis déboule le rappeur MC Solar brandissant le précieux flambeau. Les 200 mètres sont vite parcourus. Christophe Tiozo, enfant de Saint-Denis et champion de boxe super moyen en 1990, le recueille à son tour et repart à petites foulées. Soudain, la foule, jusque-là bien sage, lui emboite le pas. “C’est du délire!“, lance Shainez qui prend de l’avance au pas de course. Ghada Hatem-Gantzer (la fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis), l’humoriste et comédien Bouder, l’escrimeuse Anita Blaze (licenciée à l’Aubervilliers escrime club), le perchiste ukrainien Serguei Bubka… Le feu, qui symbolise l’olympisme, passe de main et main. À chaque fois, c’est le même rituel : les relayeurs l’exposent, posent en photo escortés par la sécurité de Paris 2024 et des policiers. “C’est un peu le bordel aujourd’hui“, glisse d’ailleurs l’un d’eux.
“Je suis venue pour Snoop !“, confie Sam, 19 ans, en arrivant devant le stade de France. Le célèbre rappeur américain est, en effet, la Guest star la plus attendue. Tout un symbole puisque c’est Los Angeles qui sera la prochaine ville hôte des JO en 2028. Pour beaucoup, il faudra beaucoup courir pour ne l’apercevoir que de loin et que quelques instants. Pas pour Christophe, 35 ans, venu de Paris, qui a eu le nez fin et attendait devant la passerelle de l’Écluse, qui mène au Stade de France. “J’étais à quelques mètres de lui. Même en concert, je ne l’aurai pas vu de si près“, lance-t-il.
“Ça parle à tout le monde, c’est populaire“
“On vit un moment magique“, résume Thierry, 54 ans, qui lui aussi s’est faufilé aux premières loges grâce à son vélo. “Snoop Dogg c’est un symbole du relai Paris-Los Angeles, mais aussi de la culture hip-hop. Dans une ville comme Saint-Denis, où on a grandi avec NTM, où I Am s’est fait connaître, c’est du lourd. Il n’y avait pas mieux pour faire venir du monde. Snoop c’est international. Ça parle à tout le monde, c’est populaire : les vieux comme moi qui le connaissent depuis toujours et les plus jeunes“, estime-t-il. La séquence revêt aussi une importance particulière pour ce dionysien. “La flamme a fait le tour du Stade de France, mais elle est aussi passée devant la gare Pleyel. J’ai participé à la construction de ces deux ouvrages qui font de Saint-Denis une grande ville“, explique avec fierté cet ancien cadre de l’événementiel reconverti dans le BTP.
“Il faut que ça dure“
“Peut-être que je vais m’intéresser aux jeux olympiques, mais c’est clair que je suis là pour voir des stars. Il faut en profiter parce que, après, toute cette énergie va retomber, comme après la coupe du monde de 98 et on va retrouver les problèmes du quotidien“, analyse Maryse, 47 ans, un drapeau bleu-blanc-rouge dessiné sur la pommette.
Cette parenthèse JO a aussi largement marqué les esprits, la veille, jeudi, à Aubervilliers. “Regardez tous ces gens qui dansent ensemble. Ce sont des moments rares“, souligne Akim, son fils sur les épaules, qui agite un petit fanion aux couleurs de Jeux. Face à une scène installée au pied de l’hôtel de ville, Sofia et ses deux filles s’appliquent à suivre la chorégraphie de Naïla, qui met l’ambiance au son du reggeaton. “C’est historique, je suis très heureuse, je n’ai jamais vu Aubervilliers comme ça. Les JO nous ont apporté la piscine [olympique Camille Muffat, qui ouvrira au public en octobre] et maintenant cette fête !“, se félicite la maire de la commune, Karine Franclet, la voix encore éraillée et émue. “Il faut que ça dure“, espère Rénel qui compte aller au parc Georges Valbon pour continuer à fêter les jeux.
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