La compagnie du Tambour des Limbes a inauguré ce mercredi soir le nouveau théâtre de Saint-Denis, rue Saint-Just. Elle succède à Jolie Môme pour faire vivre le théâtre, rebaptisé Les 3T. Son projet : devenir “une maison de l’émergence théâtrale et musicale” et “un lieu de vie” ouvert sur la ville.
Quelque cinq cents personnes étaient attendues pour la soirée d’inauguration du théâtre Les 3T dans le quartier de La Plaine. Des habitants du quartier, mais aussi de nombreux directeurs de théâtre. L’attente était grande depuis le départ, le 15 février, de la compagnie qui a occupé les lieux durant 19 ans. Non renouvelée à la tête de l’établissement, Jolie Môme a même débaptisé la Belle étoile. “La transition a été difficile“, confie Rémi Prin, le directeur artistique du Tambour des Limbes, la compagnie désignée par la mairie de Saint-Denis pour prendre la relève au terme d’un appel d’offres.
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Théâtre de genre
Place donc aux 3T, pour “théâtre du troisième type”, qui compte proposer un “théâtre de la jeune création“, en mettant l’accent sur les résidences. “Vous aurez ici des compagnies qui joueront dans dix ans au TGP [ndlr, le théâtre Gérard Philippe, centre dramatique national situé à Saint-Denis]”, espère Rémi Prin. Sans opposition au théâtre radicalement engagé à gauche de Jolie Môme, il préfère la proposition d’un “théâtre de genre, avec un lien fort avec le cinéma, ouvert sur le rêve. Je ne sais pas si on peut appeler cela populaire“, explique Rémi Prin qui signe notamment la mise en scène de Solaris, présenté en avril au théâtre de Belleville.
En grand fan de cinéma, il a choisi le nom des 3T en référence au film de Steven Spielberg “Rencontres du troisième type“. Une allusion aussi au trio qui anime le théâtre. La compagnie Le Tambour des Limbes s’est, en effet, entourée de deux partenaires pour l’épauler dans des domaines dont elle n’est pas spécialiste, explique Rémi Prin. La collectif La Bande à Léon, co-fondée par Audrey Bertrand, aura pour rôle de proposer des actions culturelles. De son côté, la société de production Compote de Prod, dirigée par Valentine Roux, s’occupera de la programmation destinée au jeune public afin, notamment, de couvrir les périodes des vacances scolaires. La véritable inauguration des 3T a, d’ailleurs, eu lieu une semaine auparavant. Trois classes de l’école Suzanne Lacore du quartier de La Plaine ont pu assister à la représentation du spectacle “A dos de chameaux” de Julie Duquenoÿ, après neuf jours de résidence aux 3T. À charge pour Compote de Prod aussi, de présenter les sorties de résidence en plus de proposer une offre de théâtre musical.
“Favoriser l’émergence et permettre un accès au plus grand nombre pour que le spectacle vivant ne soit pas réservé à une élite“, résume Mathieu Hanotin, maire (PS) de Saint-Denis, pour définir le projet confié par la ville au Tambour des Limbes. “Avec la précédente occupation, ce qui nous posait problème, c’était la faiblesse de l’ouverture d’un lieu qui est municipal. On était au bout d’une histoire. On avait quatre représentations par an. Il y a aura désormais un spectacle par semaine“, poursuit l’édile en saluant l’investissement de la compagnie pour rénover un lieu laissé à l’abandon. “Un de nos souhaits est de ne pas proposer un théâtre de spécialiste et qu’il ait donc une diversité de spectacles vivant, une sorte d’éditorialisation culturelle“, ajoute Mathieu Hanotin qui met en avant la complémentarité des 3T avec le TGP et la future Maison du peuple à Pierrefitte-sur-Seine, ces sites formant le triptyque de l’offre théâtrale de la commune nouvelle dont la création doit être votée le 30 mai prochain.
“Une auberge espagnole“
Alors que les travaux de réaménagement viennent tout juste d’être achevés, une grande terrasse doit encore être installée à l’entrée des 3T. Le théâtre a aussi vocation à devenir un lieu de vie. “On tient à ce que ce soit une maison, un endroit convivial. C’est pour cela que l’on voulait un vrai bar“, souligne Rémi Prin. Celui-ci sera ouvert du mercredi au dimanche à partir de 15h00. “Il faut que l’on soit très humble. Le théâtre peut parfois être perçu comme élitiste, comme un lieu où on a peur d’aller. On veut faire en sorte que plus d’habitants du quartier et de Dyonisiens passent tout simplement la porte pour boire un café, ce qui peut être le déclic pour aller voir ce qu’il se passe dans la grande salle“, observe-t-il. “C’est une habitude de fréquentation que l’on veut créer, en faire une sorte d’auberge espagnole où chacun peut définir ses 3T“, complète Mathieu Hanotin.
L’enjeu est aussi financier : les recettes du bar s’ajouteront à celles de la location de la salle et de l’entrepôt de stockage en sous-sol pour consolider l’équilibre économique de la structure qui s’appuie sur des coréalisations avec les compagnies invitées. En dehors d’une aide de l’association de soutien au théâtre privé (ASTP) pour financer l’équipement en LED de la salle de 140 places, les 3T ne peuvent compter pour l’heure que sur 50 000 euros de subventions de la ville de Saint-Denis. Les autres prescripteurs attendent que l’équipe ait fait ses preuves, mais les discussions sont déjà bien engagées, notamment avec le département de la Seine-Saint-Denis. Le nouveau nom du théâtre de la rue Saint-Just revêt d’ailleurs un autre sens, plus prosaïque. “Nous sommes une structure ni vraiment théâtre privé, ni vraiment théâtre subventionné. On est une sorte de troisième modèle“, explique Rémi Prin qui promet une grille tarifaire basse.
Après une représentation exceptionnelle de “Je m’appelle Adèle Bloom” de Franck Harscouët, Les 3T présenteront Moby Dick, le spectacle de sortie de résidence de Lina Lamara et Les larmes de Vénus, cabaret du Club Désamour, joué à l’occasion de la Quinzaine des Fiertés. Quelques événements ponctuels marqueront l’été avant la mise en place d’une programmation plus régulière à la rentrée de septembre “avec un spectacle par semaine sur quatre ou cinq jours. Ça ne veut pas dire que nous serons fermés les autres jours. Nous réfléchissons à des événements les lundis et mardis qui pourraient être des ateliers, des conférences“, précise Rémi Prin.
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