À Villejuif, l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud lance un festival culturel pour faire de la prévention autrement sur la santé mentale

Quand elle pense aux débuts du projet de festival, Claire Alexandre évoque un jour de novembre 2022. “C’était un jour où la file d’attente de l’hôpital ne désemplissait pas, on manquait de soignants et de lits” raconte la psychiatre. “On était en pleine affaire Lola et je suis tombée sur la Une du journal Marianne. Il titrait : les fous sont dans les rues. J’ai trouvé ça très stigmatisant.”  Alors, la psychiatre décide de prendre le contre-pied de la situation. Dans son esprit, germe l’idée d’ouvrir en grand les portes de l’hôpital pour “déstigmatiser les troubles psy” et “démystifier les lieux de soin”.

“Quand on entend hôpital psychiatrique, on pense à la contention, à l’enfermement, ou à des patients zombifiés

Pour mener à bien son projet, elle s’est associée à Ariane Mimoun, médecin généraliste à l’hôpital Paul Guiraud. “Au départ, j’ai eu un peu peur”, admet-elle en souriant. “Mais j’ai été très vite convaincue. J’aime l’idée d’ouvrir l’hôpital. Il y a un mystère autour du secteur de la psychiatrie. On se demande souvent ce qu’on y fait.” Claire Alexandre abonde : “Quand on entend hôpital psychiatrique, on pense à la contention, à l’enfermement ou à des patients zombifiés. Du côté des soignants, c’est l’image d’un Freud qui vient en tête en premier. On pense à un vieux papi froid ou à un Hannibal Lecter.” raille-t-elle. Un imaginaire lugubre renforcé par l’organisation spatiale du lieu. “L’hôpital Paul Guiraud est une grande enceinte close avec des hauts murs.” Une architecture qui témoignage d’une époque où les malades étaient retirés du regard de la société.

Faire comprendre que l’hôpital psychiatrique est un lieu de soins et non pas d’enfermement est justement au cœur de la démarche du Psy Art Festival. “L’hôpital doit rester un lieu de passage et ne pas se transformer en asile, c’est-à-dire un lieu de marginalisation“, insiste Claire Alexandre. La particularité d’un service de psychiatrie est d’être au plus près de la psyché des malades.“La souffrance du patient est visible au quotidien. Tous les jours, notre but est de les faire se sentir un peu mieux. Notre technicité est la relation humaine”, explique la psychiatre. La prise en charge passe par “une approche globale du patient”, il s’agit de le soigner dans “un système, une famille, une vie sociale.“ La tâche consiste à travailler à “la réinsertion” du malade dans ses différents cercles sociaux.

“Plus on en parle, plus on a des chances de détecter les maladies mentales tôt”

Avant ce festival, l’hôpital a déjà développé des thérapies par l’art. L’établissement a accueilli des artistes, monté des ateliers de musique et de théâtre et même créé un fanzine avec les résidents de l’hôpital.

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L’art est un moyen d’action sur la santé des patients, motivent les deux médecins. Si l’art thérapie n’a pas encore prouvé ses effets thérapeutiques, il s’agit, pour Claire Alexandre, d’un moyen de travailler à la réinsertion des malades. “Les maladies psychiatriques portent atteinte aux fonctions cognitives et une des plus grandes difficultés est la perte de contrôle. Avoir un projet artistique permet de faire travailler ces fonctions cognitives, et aussi d’améliorer l’image de soi et de reprendre confiance.”

Au-delà des patients actuels, l’ouverture de l’hôpital est aussi un acte de prévention des maladies psychiatriques. “Plus on en parle, plus on a de chance de détecter les maladies mentales tôt” explique la psychiatre. “La prévention est primordiale quand on voit que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans.” La santé mentale est un enjeu sanitaire pour cette classe d’âge. Selon les chiffres de Santé Publique France, l’augmentation la plus importante des épisodes dépressifs caractérisés dans l’année était observée chez les 18-24 ans (+ 9,1 points) avec une prévalence passant de 11,7 % en 2017 à 20,8 % en 2021.

“La voix des psychiatres n’est pas très audible, contrairement à celle des artistes”

Entre un atelier de Yoga et un concert de jazz, le Psy art festival comptera sur la présence de nombreux artistes. Parmi eux : le groupe de musique PERCUJAM formé d’adultes autistes et de leurs éducateurs, Delphine de Vigan, autrice de best-seller et lauréate du prix Renaudot 2015, ou encore l’humoriste Mamari.

Ces collaborations sont nées d’un constat : “La voix des psychiatres n’est pas très audible, contrairement à celle des artistes. Beaucoup d’artistes parlent aujourd’hui de leurs maladies psychiatriques tout en montrant qu’ils arrivent à mener une vie riche.” Le choix d’organiser un festival culturel n’est donc pas anodin : “On est trop souvent à côté de la société, le but est de faire venir la société et l’art aux patients”, développe Ariane Mimoun.

Première édition du 6 au 8 juin 2024

Cette première édition se tiendra du 6 au 8 juin 2024 avec des activités entre et hors les murs de l’hôpital. La soirée d’ouverture aura lieu le 6 juin à 20h au cinéma la Tournelle à l’Haÿ-les-Roses avec une projection du film Sur L’Adamant de Nicolas Philibert, suivie d’un débat. Le vendredi 7 juin sera une journée hors les murs, avec Batucada dans la cour de l’hôpital en début d’après-midi, suivie de standup, docu-débat et théâtre débat à la Maison pour tous de Villejuif, avant un cocktail dînatoire. Samedi 8 juin, retour dans les murs de Paul Guiraud avec un village des talents de 14 stands, permettant à différentes associations d’aidants de venir se présenter. Suivront concerts, spectacles, atelier yoga adapté, parcours sportif, danse et encore ateliers de premiers secours en santé mentale.

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