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Agorha Galeries à Sevran : deux entrepreneuses préparent un concept-store d'”utilité sociale”

Agorha Galeries à Sevran : deux entrepreneuses préparent un concept-store d'”utilité sociale”

Ancienne cadre du groupe Printemps, chez le styliste britannique Paul Smith et le bijoutier danois Pandora, Fatimata Bah a pris un virage à 180 degrés. À 46 ans, elle lance un concept store d’économie sociale et solidaire (ESS). Rencontre.

Les travaux s’achèvent à peine dans le local de 70 mètres carrés au 16 place Gaston Buissière. Fatimata Bah ouvre avec un peu de mal, à cause du froid, la porte de sa future boutique, en plein centre-ville de Sevran. “Si on m’avait dit il y a dix ans, que j’ouvrirai un concept-store, je n’y aurais pas cru“, confie-t-elle. Maman de deux adolescents, elle s’est lancée dans l’aventure avec sa cousine, Bidja Doucouré. Les rayons d’Agorha Galeries ne sont pas encore installés, mais décrit-elle, on y trouvera des vêtements, dont leur propre marque, Mussoya Lee, des t-shirts, des sacs-à-dos Cabaïa, d’un autre entrepreneur local Bastien Valensi, des objets déco comme des mugs 24bootles, des chocolats bio, des biscuits, de la papeterie… “Une offre assez large. L’idée, en entrant ici, c’est de se faire plaisir“, lance-t-elle en souriant. 

Lever ce sentiment “de ne pas avoir le droit à”

Pour faire du lèche-vitrine, il faudra encore patienter jusqu’au 7 avril. Mais la nouvelle boutique suscite déjà de fortes attentes. “Il y a plein d’activités à faire à Sevran, la ville fait beaucoup de choses, mais il manque une diversité d’offre commerciale. Il n’y a pas d’endroit où faire du shopping de qualité. C’est ce que l’on veut apporter aux habitants. Je pense que ça peut contribuer à redonner confiance, à lever ce sentiment “de ne pas avoir le droit à” que beaucoup de gens ont parce qu’ils vivent en banlieue. Changer le paysage urbain, c’est aussi une manière de lutter contre ces discriminations“, considère Fatimata Bah qui vit à Sevran depuis sept ans. Pour la municipalité, l’enjeu est de combler le vide laissé par la liquidation judiciaire de la chocolaterie l’Otarie gourmande en 2019. En reprenant le bail commercial, elle a lancé un appel à projet pour trouver un repreneur qui contribue à redynamiser le centre-ville.

À ce moment là, je venais de m’associer avec ma cousine pour lancer notre propre marque de prêt-à-porter, Mussoya Lee. On faisait alors des salons et plein de choses pour se faire connaitre. On a eu l’opportunité d’occuper une boutique éphémère à Tremblay-en-France pendant une semaine“, relate-t-elle. À cette occasion, elles embarquent avec elles huit autres créatrices qui ont en commun de créer des produits à impact social fort, comme le soutien à une maternité ou un orphelinat au Mali. Elles testent leur concept de boutique multimarques. “On veut bien sûr vendre, mais aussi essayer d’amener les gens à contribuer à des histoires positives. On a été surpris par l’enthousiasme des habitants“, observe Fatimata Bah.

C’était très intense, on n’a pas beaucoup dormi, mais on a pris beaucoup de plaisir

Après avoir remporté l’appel à projet de la mairie en février 2023, elles fondent Agorha Galeries. “On a ensuite passé une année à rechercher des fonds“, commente Fatimata Bah. Le tandem d’entrepreneuses investit 25 000 euros en fonds propres, lève plus de 10 000 euros sur la plateforme de crowdfunding Ulule, décroche un prêt d’honneur de 20 000 euros auprès du fonds Sens de la fondation Mozaïk et Time2start, un autre auprès du Réseau Entreprendre 93 et obtient le soutien de l’appel à projet Agir du département de la Seine-Saint-Denis ainsi que celui de l’intercommunalité, Paris Terre d’Envol. Au total, elles rassemblent près de 100 000 euros, principalement pour financer les travaux. “C’était très intense, on n’a pas beaucoup dormi, mais on a pris beaucoup de plaisir et on a quand même pris soin de présever l’équilibre de nos vies personnelles“, souligne-t-elle.

Pour aller au bout de leur logique de concept-store d’utilité sociale, Fatimata Bah et Bidja Doucouré adoptent le label d’entreprise à mission et le statut ESS (économie sociale et solidaire). “Je pense que c’est l’avenir dans un monde où les problèmes liés au réchauffement climatique et les inégalités ont tendance à s’accroître. C’est un cadre juridique qui donne un sens à un projet d’entreprise, parce qu’il fait primer la contribution à l’intérêt général sur la seule notion de profit et qu’il repose sur une gouvernance démocratique. Ce sont les piliers d’un développement durable. Il n’y a pas d’actionnaires, une partie des dividendes sont reversés…” 

“Acheter moins mais mieux

“On veut amener les gens à consommer autrement. On prône le “acheter moins mais mieux“, résume la future commerçante. Selon ces pré-requis, les entreprises qui seront dans le catalogue d’Agorha Galeries devront répondre à une charte d’engagements environnementaux et sociétaux, prévient Fatimata Bah. “On veille à ce que leur production soit éthique et éco-responsable, qu’elles aient des politiques d’inclusion et de bien-être des salariés, on regarde si elles soutiennent des associations. Finalement, on s’aperçoit qu’elles sont nombreuses“, souligne-t-elle. Elle cite notamment Fago “qui à chaque pièce produite plante un arbre en France“, ou Panafrica, dont les sneakers sont “conçus en Afrique par des artisans“.

Au programme également  : des ateliers pour sensibiliser les clients sur des sujets qui résonnent avec les causes défendues par les marques, comme la déforestations, l’égalité femme-homme, les discriminations. L’idée est aussi de faire intervenir des associations locales comme Sunshine sur la précarité menstruelle.  Et aussi des séminaires aux entreprises sur le développement des politiques RSE pour “les faire venir en banlieue.” En même temps, l’entrepreneuse ne compte pas renoncer aux produits de luxe, et compte bien leur faire passer le périph. “En démarchant les marques pour notre boutique, j’ai été surprise de voir qu’elles sont partantes. Surtout, j’ai aussi compris que, pour elles, le fait d’être présentes dans notre point de vente booste leurs engagements RSE. Il y a maintenant de plus en plus de lois et de règlements qui les poussent dans ce sens.”

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