La préservation des terres agricoles de la pleine Montjean, voilà qui était l’un des dossiers chauds bouillants des municipales de 2020 à Rungis. Quatre ans plus tard, maraîchage, horticulture et arboriculture se sont étendus et le grignotage urbain a été stoppé. Mais le modèle économique reste fragile. Reportage.
D’ici à quelques mois, les fleurs de la plaine Montjean seront à l’honneur, qui composeront les bouquets destinés aux champions des Jeux olympiques. De quoi symboliser le renouveau agricole du site, promis, il y a encore quelques années, à une importante programmation de logements. Un objectif de l’État, à l’aube des années 2010, qui demandait la ville d’un peu plus de 5 000 habitants de programmer 2 000 nouveaux logements en dix ans. “Si je réalise 2000 logements en dix ans comme cela m’est demandé, cela va occuper toute la pleine de Montjean. Je propose un éco-quartier de 6 hectares et un maximum de 700 logements pour préserver l’urbanisme de la ville“, plaidait alors l’ancien maire, Raymond Charresson (SE), décédé l’an dernier. (Voir notre article de 2013 lors de la signature de l’accord-cadre du contrat de développement territorial du Grand-Orly)
Pour rappel géographique, la Plaine Montjean s’étend sur 230 hectares et trois villes : Fresnes, Rungis et Wissous, dont 40 hectares à Rungis. Elle est cernée par ces communes ainsi que l’aéroport d’Orly et l’A86.
C’est dans ce contexte que l’ancien édile avait programmé 700 logements en grignotant une bordure de la plaine. Encore trop pour deux des trois candidats aux municipales de 2020, dont l’actuel maire Bruno Marcillaud (SE). Alors qu’une première tranche de 250 logements était déjà programmée dans le secteur Montjean est, l’élu a fait stopper le programme de 450 logements supplémentaires dans les secteurs ouest et sud (Malouines). “Concernant les logements, nous préférons faire de la ville, pour sanctuariser les espaces naturels”, défend le maire.
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Reste que préserver la vocation agricole de ce secteur de moyenne surface, coincé entre des zones urbaines et les pistes de l’aéroport d’Orly, n’a rien d’évident. D’autant que les parcelles, longtemps exploitées par des céréaliers, sont très morcelées. Un vrai casse-tête pour identifier les propriétaires. “La ville a fait un gros travail de recensement des biens sans maitres, environ une douzaine de parcelles”, indique Bruno Marcillaud. Ces parcelles sans propriétaire sont revenues dans le giron de la ville qui les a ensuite mis à la disposition d’Ile-de-France Nature (IDFN)*. Pour le reste, “nous sommes en négociation avec les céréaliers et rachetons progressivement, avec IDFN”, précise-t-il.
💡 Ile-de-France Nature, ex Agence des espaces verts d’Ile-de-France, est un établissement public qui accompagne les collectivités pour requalifier les espaces verts et recréer des continuités entre eux, et soutient l’agriculture locale. Sa gouvernance est assurée par des élus du Conseil régional et du Conseil économique et social régional (Ceser). En savoir plus.
Ainsi préservées, les terres ont trouvé de nouvelles vocations. Une partie a été mise à disposition de la Pépinière de la ville de Paris, déjà présente sur place, pour qu’elle puisse s’agrandir. C’est là que les horticulteurs de la capitale font pousser les fleurs qui composeront les bouquets olympiques.
À proximité, la commune a aussi inauguré en septembre 2023 4 km de promenade piétonne, allée des Sénons notamment. “Il y a un an et demi, ça n’existait pas. Il fallait permettre aux gens de pouvoir marcher sur la plaine pour se l’approprier. Il y a un monde fou le week-end”, témoigne Bruno Marcillaud.
En semaine, le calme est toutefois rompu par le passage régulier de camions venant décharger leurs cargaisons à la décharge de la Chèze, propriété de Paprec, situé à cheval sur Rungis et Wissous. Les semi-remorques se croisent difficilement sur l’étroite voie. Des discussions sont en cours pour déménager cette activité ailleurs, explique le maire. La diminution du nombre de camions sur cet axe permettra, à terme, la création d’une piste cyclable.
Maraîchage : un modèle économique difficile
En dehors de l’horticulture, via la pépinière de Paris, la ville pousse aussi au développement du maraîchage. Une première micro-ferme de permaculture, la ferme du Rimarin, a vu le jour fin 2018, aujourd’hui exploitée sur 6 000 m2 et qui dessert une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne).
Depuis 2021, un autre exploitant, Constantin Chirilov a démarré une activité de maraîchage bio sur trois hectares. Mais, ce n’est pas simple. “Aujourd’hui, je ne peux cultiver qu’un tiers de la surface par manque d’eau“, explique l’ancien postier en reconversion. Constantin Chirilov vend sa production à quelques Amap et accueille plusieurs stagiaires qui viennent valider leur formation (photo de une). mais ne vit pas entièrement de son nouveau métier. En complément, il intervient aussi comme formateur sur une parcelle voisine exploitée depuis 2022 par le lycée agricole de Brie-Comte-Robert. C’est la troisième exploitation maraîchère du site : un hectare dédié à la formation pratique du lycée.
Au-delà d’une mise à disposition des terres, la ville participe à l’investissement matériel, et a fait, par exemple, l’acquisition d’un tracteur. Dans quelques semaines, la commune abattra un vieux bâtiment attenant à la ferme du Rimarin pour bâtir un hangar agricole en bois où le Massey Ferguson sera entreposé, avec les accessoires des agriculteurs.
Racheter le corps de ferme de Montjean
D’autres acquisitions restent à mener, comme celle du corps de ferme de Montjean, une vieille bâtisse dont les hangars sont occupés par un dépôt de palettes, à l’exploitant agricole Poupinel. “Ce serait l’endroit idéal pour construire des logements pour les maraîchers de la plaine, ainsi qu’un site où stocker le matériel et un magasin de vente des produits cultivés ici”, indique le maire. Mais, pour l’instant, les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord financier.
L’autre sujet porte sur le château de Montjean et son domaine boisé, propriété de Wissous. Les deux villes travaillent en commun sur le sujet et Ile-de-France Nature pourrait en reprendre la gestion.
Arrivée échelonnée des habitants de l’agroquartier
À une centaine de mètres, avec vue sur les champs, les 250 logements déjà engagés sont sortis de terre et les premiers habitants du programme immobilier Les Prairiales d’UrbanCoop sont déjà arrivés. Cette semaine, ce sont les deux résidences du bailleur social départemental Valophis qui accueilleront leurs premiers locataires.
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