À Champigny-sur-Marne, l’implantation d’Air Liquide, spécialiste des gaz industriels, est historique. Le groupe français, créé en 1902, s’y est installé en bord de Marne dès 1923. Même s’il y compte aujourd’hui moins de salariés, son projet de déménagement vers Charenton-le-Pont suscite l’émoi. Explications.
Au début du vingtième siècle, c’est près de 4 hectares qu’occupait le groupe, en bord de Marne. “L’entreprise a compté jusqu’à 1 500 emplois sur place, indique Laurent Jeanne, maire (Libres) de Champigny. Aujourd’hui, le site emploie 600 personnes dont 500 sur place.”
Un cadre idéal
Progressivement, le quartier s’est transformé autour. Les cuves ont disparu, les terrains qui les accueillaient ont été dépollués, et de nouveaux bâtiments ont pris place. Aujourd’hui, Air Liquide a conservé un grand immeuble de bureaux tout en courbe, donnant directement sur la Marne. Il est entouré d’un côté du Musée de la Résistance nationale et de l’autre d’IDF Habitat. Une partie de son ancien site accueille par ailleurs une future station de dépollution des eaux pluviales, laquelle contribuera à assainir le Marne. La plage de Champigny, où l’on devrait bientôt pouvoir de nouveau se baigner, est aussi située à quelques dizaines de mètres. Un cadre verdoyant donc, à proximité des guinguettes, mais aussi du futur métro Grand Paris Express.
De quoi retenir le groupe ? Apparemment pas suffisamment. Air Liquide, qui a déjà vendu son foncier campinois à la Société Tour Eiffel pour ne rester que locataire, envisage depuis plusieurs années de s’en aller. “Ils ont déjà failli partir il y a dix ans”, se souvient Laurent Jeanne, dans le cadre de projets de regroupements d’entités.
Cette fois, le processus est enclenché. Le bail arrive à échéance et l’entité campinoise du géant gazier, Air Liquide Engineering & Construction, pourrait s’installer dans l’ancien immeuble du Crédit Foncier de France, à Charenton-le-Pont, en bordure de l’autoroute A4. Les locaux y sont “plus modernes et avec une meilleure efficacité énergétique, motive le groupe dans un mail à 94 Citoyens. Ce projet de déménagement s’inscrit dans une volonté de modernisation et d’attractivité, en particulier à un moment où les équipes d’Air Liquide E&C développent des technologies liées à la transition énergétique.”
Coup de gueule du maire
Pour le maire de Champigny, ce projet de déménagement, déjà très avancé, sans échange avec la ville, est en “contradiction avec la politique de RSE (Responsabilité sociétale et environnementale) du groupe, à savoir la transparence avec les acteurs locaux.”
Concernant la rénovation thermique, l’élu note qu’Air Liquide dispose de “5 000 m2 vide” sur place à Champigny, où pourraient être transférés les salariés le temps du chantier. “Le propriétaire m’a indiqué qu’il était disposé à faire les travaux et il existe des dispositifs pour aider à se conformer au décret tertiaire.”
Le maire, qui confie avoir appris le projet de déménagement par des sources officieuses, a signifié sa colère ce mardi matin, en se rendant devant l’établissement campinois à la première heure.
“Cela m’a permis de rencontrer la directrice juridique”, rapporte l’édile qui ne compte rien lâcher. Dans l’immédiat, l’élu veut “instaurer le dialogue” et “rapprocher les parties”, à savoir Air Liquide et la foncière Tour Eiffel, en les mettant autour de la table.
Pas encore de décision ferme
Du côté d’Air Liquide, on indique que rien n’est encore acté. “Ce projet a été présenté aux instances représentatives du personnel fin janvier 2024. Aucune décision n’a été prise à ce stade. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure d’information-consultation que la direction prendra sa décision sur le projet”, détaille le groupe.
En interne, un sondage syndical auprès des salariés campinois ferait état d’une majorité de collaborateurs souhaitant rester sur place, mais tous n’y ont pas pris part.
Quid du devenir du site si Air Liquide confirme son souhait de migrer à Charenton ? “Pour l’instant, ce n’est pas le sujet”, maintient le maire, déterminé à convaincre Air Liquide des atours de son site historique.
Un enjeu en termes d’emplois locaux
Pour la ville, l’enjeu n’est plus financier, convient-il. Si “Air Liquide fut longtemps le premier contribuable”, cette période est révolue depuis que la fiscalité économique revient à l’intercommunalité. Il ne reste plus à la ville que la taxe foncière, acquittée par le propriétaire. L’enjeu reste en revanche économique sur le plan de l’emploi local. “Nous travaillons à l’attractivité économique et avons fait venir Eiffage Energie, le départ d’Air Liquide serait un mauvais signal.” L’élu est aussi conscient des difficultés actuelles du marché de l’immobilier d’entreprise, en plein repli en raison, notamment, de nouvelles habitudes comme le télétravail.
Quel avenir pour le site Air Liquide de Champigny ?
Merveilleusement situé en bord de Marne, près d’un musée, d’une future plage baignable, et du Grand Paris Express, le site pourrait aussi être converti en logements, mais cela n’irait pas dans le sens d’un rééquilibrage de l’activité économique à l’est. Au contraire, insiste Laurent Jeanne, “nous avons pérennisé la vocation économique du site dans le Plan d’urbanisme intercommunal.”
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Construire des immeubles aux dépend des entreprises (grandes, moyennes ou petites) est un sport de masse chez les industriels, et aussi chez les maires, à moins que l’argent magique sous forme de subventions permette d’augmenter le dividendes.
C’est pourquoi les trajets domicile – travail ne cessent de s’allonger, et que la spéculation immobilière fait des ravages.
C’est pour ça qu’on a inventé le télétravail …
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