Au QG des Victoires populaires à Saint-Denis : un phoning géant pour mobiliser les électeurs de gauche

Un immeuble comme les autres à Saint-Denis. Depuis la rue, rien ne témoigne de l’agitation qui règne au premier étage, si ce n’est l’affiche du Nouveau Front Populaire qui se fond sur les murs jaunis du hall et la valse des personnes qui vont et viennent dans l’entrée. Ce 18 juin, les Victoires Populaires (transformation du mouvement de la primaire populaire qui avait tenté de faire émerger un candidat de consensus à gauche aux présidentielles de 2022) ont érigé leur QG dans les locaux de l’association Ghett’up (impliquée dans les quartiers populaires) pour lancer, avec Le Mouvement (ONG qui vise à impliquer les citoyens), une grande session de “phoning”. L’idée : mobiliser les électeurs de gauche. Objectif : 100 000 appels. Près d’un millier de bénévoles en ligne et dans les différents QG établis à Saint-Denis, Marseille, Montpellier et Lyon ont répondu à l’appel.

Dans le SAS de Saint-Denis, une petite trentaine de bénévoles. Des militants de la première heure se mêlent à d’autres, d’ordinaire plus éloignés de la politique, mais que “la perspective d’un gouvernement d’extrême droite” a effrayé. Marius, 25 ans, témoigne : “ en 2022, je ne pensais pas que le RN allait passer. Cette fois, j’ai vraiment peur. J’habite dans une “swing-circo” (les circonscriptions où le RN pourrait passer), ça m’a encouragé à me mobiliser” justifie le bénévole, qui exerce aujourd’hui son “premier acte d’engagement”. Mais certainement pas le dernier, “ça galvanise” souri-t-il.

500 appels toutes les 15 minutes

Après une rapide présentation du logiciel pour passer les appels, place à la lecture du script sur lequel les bénévoles pourront s’appuyer, puis aux conseils pratiques. : “Souriez, ça donne tout de suite l’air plus sympa !“. Les premiers coups de fil sont lancés. “On est sur une moyenne de 500 appels passés (en ligne et dans l’ensemble des QG) toutes les 15 minutes“, indique un membre de Victoires Populaires.

“On ne convainc pas les gens de voter, on fait juste un petit rappel”

Assise face à son ordinateur, Clarisse est parée. À 33 ans, la bénévole redoute “la violence et les clivages” qu’engendrerait, selon elle, l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Déjà en 2022, elle avait participé à une session de phoning avec la Primaire Populaire. “Sur le papier, je ne suis pas militante, mais si c’est prendre 20 secondes pour rappeler ou expliquer pourquoi voter, je le fais.” Ce qui lui plait dans la démarche, c’est “que l’on ne dérange pas des gens qui n’ont rien demandé et on ne les convainc pas de voter, on fait juste un petit rappel.”

La base de données des Victoires Populaires est composée de 400 000 personnes, toutes sympathisantes, qui ont accepté d’être contactées. “Le taux de mauvais appel est donc quasi nul” précise Sacha, un bénévole organisateur, membre des Victoires Populaires. Sont ciblées en priorité : les circonscriptions en danger. Les objectifs sont déclinés en trois actions : inciter les gens à voter, leur demander de prendre des procurations, et les conduire à convaincre 3 autres personnes de faire de même.

“3 000 appels à 16h, on a déjà battu la matinée !“

Dans le local, un brouhaha ambiant, ponctué par l’intervention d’un organisateur qui indique d’une voix enjouée le nombre d’appels passés : “3 000 appels à 16h, on a déjà battu la matinée !” Des applaudissements, rapidement interrompus par des ” Allo, bonjour, je suis bénévole pour faire gagner le Front Populaire… ” Les affaires reprennent.

“Plutôt que de râler dans mon coin , je me suis dit, autant donner deux heures de mon temps“

Thomas, 21 ans a passé 37 appels depuis 14h30. S’il était déjà engagé en 2022 dans la Primaire Populaire, le résultat des élections européennes a été “un réel sursaut“. “Ca fait du bien de se mobiliser ensemble” glisse-t-il. Même son de cloche du côté de Luc : “Plutôt que de râler dans mon coin , je me suis dit, autant donner deux heures de mon temps“. Le nez sur son écran de téléphone, le quinquagénaire, qui n’a jamais participé à une action comme celle-ci, confie que le résultat des élections européennes suivies de l’annonce de la dissolution l’ont plongé dans un état de sidération. Idem pour Sadeh, militante associative, qui se tient à côté : “j’étais atterrée dimanche dernier. Je ne voulais pas ne rien faire, j’étais angoissée“.

Ensemble dans l’action ? Le credo a, semble-t-il, ravi plus de personnes que prévu. “D’ordinaire le taux de chute de nos mobilisations est de 50%, aujourd’hui on était à 10%, vous êtes tous venus ! C’est de votre faute si on ne s’entendait pas” rigole Clément, l’un des organisateurs de l’événement.

Alors que la journée se termine, près de 10 000 appels ont été passés. La plupart des bénévoles entendent rempiler ces prochains jours, bien décidés à ne pas raccrocher.