L’équipementier MA France, dernière usine automobile de Seine-Saint-Denis, employant 280 personnes à Aulnay-sous-Bois, vit ses dernières heures après la décision lundi du tribunal de commerce de Bobigny de placer le sous-traitant du géant de l’automobile Stellantis en liquidation judiciaire.
Les activités de l’entreprise ne sont pas maintenues en attendant sa liquidation par des mandataires, selon la décision du tribunal consultée par l’AFP.
Peu après l’annonce, plus d’une centaine d’employés de MA France ont convergé lundi après-midi devant le tribunal judiciaire de Bobigny pour demander au procureur de faire appel. Une délégation syndicale de l’équipementier, accompagnée des députées LFI Aurélie Trouvé et Nadège Abomangoli, a été reçue par le procureur de Bobigny, Eric Mathais. “Le procureur ne ferme pas la porte à un appel”, a déclaré le secrétaire général de l’Union départementale CGT 93, Kamel Brahmi, à l’issue du rendez-vous.
“Ce qui est en train de se passer est très violent. En un mois, on perd nos emplois”, a déploré Franck Ermagan, ouvrier âgé de 45 ans, chez MA France depuis 17 ans. “On nous jette à la porte comme des malpropres, sans négocier nos droits, sans prime. On n’a même pas le temps de se retourner pour chercher un emploi”, s’est désolé ce pontier, dédié au déplacement de charges lourdes.
En grève depuis le 17 avril, les salariés de MA France, propriété du groupe italien CLN (7 000 salariés, chiffre d’affaires d’un milliard d’euros), avaient lancé cette mobilisation pour sauver leurs emplois dans cette entreprise, qui emboutit des pièces essentielles de carrosserie pour les petits utilitaires Peugeot ou Citroën et aussi pour Renault.
Délocalisation
La mobilisation des ouvriers a mis à l’arrêt trois usines de Stellantis pendant plusieurs semaines. Plus de 90% des pièces sortant de MA France sont destinées au groupe automobile franco-italo-américain. CLN a demandé à son principal client une réévaluation des prix de 12% au titre de l’inflation des coûts de production, mais Stellantis a refusé, obligeant son fournisseur à mettre la clé sous la porte.
“Face à cette situation difficile”, le ministre de l’Industrie Roland Lescure a demandé à Stellantis et Renault d’accompagner les salariés de MA France. D’après Stellantis, MA France “rencontre des difficultés structurelles de compétitivité qui le handicapent dans l’acquisition de nouveau marchés. Le contexte inflationniste (matière, main-d’oeuvre, énergie) impacte d’autre part sa rentabilité”.
Les syndicats ont critiqué de leur côté le choix du géant de l’automobile de se délocaliser. Stellantis assure que ses utilitaires continueront à être produits en Europe, mais aussi en Turquie, tout comme l’emboutissage, repris en majorité par ses propres usines, a précisé un porte-parole du groupe. Alors que 180 patrons étrangers étaient réunis lundi à Versailles pour célébrer l’attractivité de la France, les suppressions de postes s’enchaînent dans l’automobile. Le géant Forvia (sièges, phares) a annoncé en février un plan de réduction de ses effectifs en Europe pouvant toucher jusqu’à 10 000 personnes d’ici à 2028. De grands équipementiers allemands, comme le N°1 mondial Bosch, ZF et Continental, ou français, comme Michelin, ont aussi annoncé ou envisagé des délocalisations, suppressions de postes et fermetures de sites.
En France, la verrerie centenaire Holophane, qui produisait des verres de phares de voiture, a été liquidée en 2023, avec 250 salariés sur le carreau. L’équipementier Magneti Marelli a fermé son site de 167 salariés à Argentan (Orne), la production devant être reprise par une usine en Slovaquie. “Les donneurs d’ordre (constructeurs et grands équipementiers) se servent de tous les prétextes pour délocaliser les productions”, a regretté auprès de l’AFP Denis Bréant de la CGT Métallurgie. “Ils ont un droit de vie ou de mort sur les sous-traitants.” Stellantis a repris dans son usine de Rennes une partie de la production de MA France, à destination de trois de ses usines restées fermées faute de pièces de carrosserie. Plus largement, la CGT craint “une attaque sans précédent sur la filière industrielle de l’automobile”, notamment après les élections européennes. La transition vers le véhicule électriques est souvent pointée du doigt, mais elle ne concerne que les pièces propres aux modèles thermiques, comme les pièces de moteur ou l’échappement.
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