En paille, en feutre ou panama, avec ou sans rubans, de toutes les couleurs… à Champigny-sur-Marne, dans l’ancien atelier d’un fleuron de la gastronomie, fermé pendant la crise sanitaire, ce-sont désormais des chapeaux qui sont confectionnés. Alors que les chaînes de distribution de mode, parmi ses clients, mettent les clefs sous la porte les unes après les autres, Arhas International a su faire évoluer sa stratégie avec un temps d’avance. Ce chapelier a osé relocaliser l’essentiel de sa production et misé sur sa propre marque, Camalya. Retour sur cette aventure entrepreneuriale avec son président fondateur, Arif Hiridjee.
La mode, Arif Hiridjee vit avec depuis tout petit. “On l’a dans les gênes, confie l’entrepreneur campinois. Nos parents et nos arrières-grands parents étaient déjà dans la mode. Princesse TamTam, c’est ma cousine qui l’a créée. Hechter Studio, c’est mon cousin. Toute ma famille a baigné dans cet univers.” Ses parents à lui, étaient grossistes en accessoires de mode. Revenu des États-Unis avec un MBA, le jeune diplômé rejoint l’entreprise familiale pour l’informatiser. Très vite, il se met à son compte, en rachetant l’outil de production de l’un des fournisseurs, un chapelier, après que celui-ci lui a transmis le savoir-faire.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série de portraits d’entreprise ambassadeurs du Fabriqué en Val-de-Marne réalisés avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie, à l’initiative de ce programme. Plus d’informations
Un coup de jeune dans le monde de la chapellerie
“Avec mon épouse, nous avons loué des locaux à Villeneuve-le-Roi et commencé de zéro, en fabriquant les chapeaux nous-mêmes. À l’époque, à la fin des années 1980, il y avait encore une trentaine de chapeliers en France, mais le plus jeune des patrons avoisinait les 70 ans”, se souvient Arif Hiridjee. Dans cet univers un peu vieillissant, le jeune couple se démarque dès sa première collection, en phase avec les aspirations du moment. “Cela a tout de suite accroché. Les gens étaient habitués au classico-classique et nous proposions des chapeaux à lanières, à clous, qui étaient très tendance.” Les deux entrepreneurs commencent à démarcher les boutiques, obtiennent leurs premières commandes, puis poussent la porte des grossistes, toujours avec succès.
Délocalisation pour travailler avec les grands magasins et les chaines
Encouragés, ils contactent les grands magasins et des chaînes de magasins. “Ils étaient vraiment intéressés par nos produits, mais, cette fois les prix ne passaient plus. C’était un vrai blocage”, indique Arif Hiridjee. C’est dans ce contexte, dans le sillon de nombreux fournisseurs de l’époque, qu’Arhas international commence à délocaliser. “On a continué à gérer la création en interne mais on a noué des partenariats de production en Europe puis en Asie, en Inde, en Chine, aux Philippines. On allait se sourcer en matières premières là-bas et, en même temps, on cherchait des ateliers de fabrication.” Progressivement, l’entreprise délocalise la majorité de sa production, conservant néanmoins 10 à 15% sur place. Elle diversifie aussi son offre, passant de seuls chapeaux aux sacs, foulards, gants et autres accessoires de mode.
L’entreprise vend alors principalement ses collections en marque blanche. Elle a certes lancé sa propre griffe, Camalya, en 1995, avec “des stands dans tous les BHV”, mais ceux-ci sont rachetés par les Galeries Lafayette qui souhaite poursuivre la collaboration en marque blanche. Bref, la marque reste en veilleuse durant pas mal d’années, jusqu’à la fin des années 2010.
Le tournant de la relocalisation autour d’une marque éthique et écoresponsable
À cette date, le fils des fondateurs rejoint l’aventure, après une école de commerce et une expérience dans le Private Equity. La crise sanitaire n’a pas encore lieu mais Arhas prend doucement un nouveau tournant, sous l’impulsion de cette nouvelle génération. “Nous avons décidé de relancer notre marque, de manière éthique et écoresponsable, en bannissant le synthétique au profit des fibres naturelle, en assurant la traçabilité des matières premières, en développant une démarche RSE avec les fournisseurs”, détaille le dirigeant. La démarche s’appuie aussi sur le retour à une production locale.
Une stratégie qui correspond exactement au regain d’attente de proximité intervenu pendant la crise sanitaire. “Nous avions un train d’avance”, note Arif Hiridjee. La relocalisation s’accélère ensuite à la faveur du plan de relance. “Avant le Covid, 65% à 70% de notre production venait de Chine, aujourd’hui nous sommes à moins de 20%”, témoigne le patron. La PME, qui s’est installée à Champigny après son démarrage à Villeneuve-le-Roi, est un peu à l’étroit et investit le grand atelier qu”un traiteur de luxe a quitté au moment de la crise sanitaire. De quoi y installer tout le matériel de production, dont une partie a été rachetée à des chapeliers qui ont arrêté leur activité au fur et à mesure des années. “Nous étions une trentaine à notre démarrage, aujourd’hui, on se compte sur les doigts d’une main.”
Dans ces locaux qui étaient dévolus à de la production alimentaire, Arhas International a recomposé les espaces, transformant par exemple un frigo géant en bureau de style ou espace de stockage… Une autre partie reste louée à un traiteur.
La qualité et le fabriqué local : remèdes à la concurrence ultra low-cost
En parallèle, la marque Camalya s’installe et prend sa part dans le chiffre d’affaires de l’entreprise, avec des show-rooms à Milan, Barcelone, Madrid, Berlin, Bruxelles et Paris. Elle s’appuie désormais sur 400 revendeurs, dont des concepts-stores et des grands magasins. Une diversification salvatrice alors que les chaînes de distribution de mode mass market subissent de plein fouet la concurrence de l’ultra fast-fashion ultra low-cost. Autant de clients représentant des centaines de boutiques qui disparaissent du carnet de commandes, parfois même en laissant des ardoises. “Aujourd’hui, il faut travailler trois ou quatre fois plus pour maintenir le même chiffre d’affaires, constate Arif Hiridjee. Si on n’avait pas transformé notre marque, on aurait mis la clef sous la porte.” Avec des produits plus qualitatifs, la marge n’est pas forcément plus importante, mais il n’y a pas besoin d’en vendre autant pour arriver à la même recette, et pas besoin d’en fabriquer autant. “Et puis, on est fier de notre produit !”
Convaincu du bien-fondé de la fabrication locale, Arif Hiridjee fait partie des premiers ambassadeurs du Fabriqué en Val-de-Marne, et a aussi été désigné comme ambassadeur de la relance par la préfecture de région. “De plus en plus de clients, même des chaînes de magasins avec qui nous travaillons en marque blanche, nous demandent du made in France. Et je crois que ce sont celles qui s’en sortiront.” Le président d’Arhas International est aussi président du club local Entreprises dynamiques à Champigny (EDC), créé il y a six ans.
Le défi RH
Aujourd’hui, Arhas International s’appuie sur une dizaine de salariés, commerciaux, styliste, couturières… “Mais on est polyvalent, et, lorsqu’il y a un coup de bourre, on peut tous se mettre à la production”, rappelle Arif Hiridjee. “Si nous sommes là aujourd’hui, c’est grâce aux salariés qui aiment ce qu’ils font et tirent en permanence l’entreprise vers le haut”, insiste l’entrepreneur, reconnaissant au passage la grosse difficulté de recruter. Un défi que l’entreprise surmonte en multipliant les partenariats avec les institutions et associations locales, et les écoles de formation, même s’il faut ensuite apprendre les spécificités du métier sur place.
Développement du e-commerce et de l’export
Prochains défis pour la PMI : le développement de la vente en ligne et la poursuite de l’export. Concernant la vente en ligne, la marque Camalya vient de lancer son propre portail e-commerce BtoC, en parallèle des market-places. Côté export, Arhas International, qui vend déjà à 50% à l’étranger, entend se concentrer sur les États-Unis puis sur l’Asie, étant déjà bien présente en Europe.
Concernant la diversification produits, l’entreprise campinoise annonce d’ores et déjà une nouvelle collection surprise, “qui colle à nos valeurs d’écoresponsabilité”, à découvrir en 2025.
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