Entreprendre | | 05/09
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Comment Alepia fabrique et fait rayonner le savon d’Alep depuis Santeny, en Val-de-Marne

Comment Alepia fabrique et fait rayonner le savon d’Alep depuis Santeny, en Val-de-Marne © CD

« C’est l’ancêtre de tous les savons au monde », rappelle Samir Constantini, à propos du savon d’Alep. Depuis Santeny, petite ville du plateau briard, dans le sud du Val-de-Marne, ce médecin, originaire de Damas, mais grandi en France, fabrique ce savon en respectant la recette traditionnelle avec rigueur. Dans de grands chaudrons mêlant huiles d’olive, de baie de laurier, et soude. Son entreprise, Alepia, exporte désormais cette spécialité cosmétique naturelle bien au-delà de l’hexagone. Reportage.

« C’est un savon qui est fabriqué avec uniquement de l’huile d’olive et de l’huile de baie de laurier. Donc, pas de graisse animale, pas d’huile de palme, pas de conservateur, ni de colorant, ni de parfum », défend Samir Constantini. L’huile d’olive, très majoritaire dans la composition, apporte la douceur, ajoute-t-il. Pris de passion pour le savon d’Alep, il y a une vingtaine d’années, ce médecin a décidé d’en faire profiter les autres, et a commencé par en importer directement de Syrie pour le faire connaître en France.

En guise de première mise, le fondateur d’Alepia commence par acheter un “petit container”, soit trois tonnes et demie de savon tout de même ! puis engage une agence commerciale pour distribuer les produits en France. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur. Sur les conseils de son frère, il décide alors de vendre le stock restant sur eBay. « Je les ai vendus très vite », se souvient-il. Encouragé, Samir Constantini retourne en Syrie pour acheter cette fois vingt tonnes de savon. Une nouvelle agence commerciale prend le relais et l’entreprise commence à se faire connaître dans les pharmacies et les magasins bio, ses principaux relais.

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Né en Syrie mais grandi en France, Samir Constantini, médecin, a décidé de partager sa passion pour le savon d’Alep en l’important puis le fabriquant sur place, en Val-de-Marne. Progressivement, il a ainsi créé une gamme complète de cosmétiques naturels.

Diversification cosmétique

Progressivement, l’entreprise élargit sa gamme, proposant des savons liquides, des shampoings, des crèmes, des huiles et des gels douche. « On a commencé par le savon d’Alep, puis le savon d’Alep liquide. Puis les shampoings, les crèmes, les gels douche », explique Samir Constantini. L’entreprise propose aujourd’hui plus de 100 références, incluant des huiles simples comme l’huile d’argan ou l’huile d’amande douce, mais aussi des compositions plus élaborées comme l’huile capillaire ayurvédique. La gamme s’est également étendue aux produits de soin pour hommes, notamment pour la barbe, et même à l’univers de la maison sous la marque Terre d’Ecologis.

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Progressivement, la gamme d’Alepia s’est diversifiée, jusqu’à comprendre une centaine de références

Une fabrication locale provoquée par la guerre en Syrie

La fabrication locale, elle, a démarré plus tard, en raison des circonstances géopolitiques, avec la guerre en Syrie. Impossible alors d’importer le savon. « J’avais un très grand stock parce que j’avais anticipé, mais je savais que ça allait s’arrêter. » C’est dans ce contexte que Samir Constantini a l’idée de lancer une production sur place. Pour cela, il fait venir son maître savonnier syrien, réfugié au Liban, pour superviser la fabrication locale. Alepia crée une unité de production à Santeny, selon la méthode traditionnelle “à chaud”.

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C’est dans ce grand chaudron que s’opère le processus de saponification, en mélangeant beaucoup d’huile d’olive, de la soude, et de l’huile de baie de laurier.

Quand les savons sont affinés comme le fromage

Depuis une dizaine d’années, c’est donc dans un petit parc d’activités de Santeny, au cœur du plateau briard, qu’une partie de la production savonnière d’Alepia voit le jour. Dans deux immenses chaudrons, l’huile d’olive est mélangée et chauffée avec de la soude pour engager le processus de saponification, complétée par l’huile de baie de laurier. La pâte de savon ainsi produite est ensuite étalée, découpée en plaquettes, marquées du sceau de la marque. Celles-ci sont ensuite affinées comme des fromages. Il faut, en effet, laisser les savons sécher longuement avant de les emballer. L’ensemble du processus est réalisé sur place, jusqu’à l’expédition des produits.

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Les savons sèchent plusieurs mois avant d’être emballés

50% de production locale

L’huile de baie de laurier est approvisionnée à partir de Turquie et l’huile d’olive du Maghreb. Alepia produit aussi du savon de Marseille, qui repose, lui, à 100% sur l’huile d’olive. Alors que l’entreprise avait lancé une production locale dans un contexte de crise géopolitique, elle en a un fait un axe majeur de son développement et fabrique désormais la moitié de ses produits elle-même. Soit environ 4 tonnes de savon chaque semaine, avec une capacité maximale de 14 tonnes en cas de besoin.

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Après le savon d’Alep, le savon de Marseille… made in Santeny

Un plan de transition écologique pour résister à la crise

Une dimension made in France très prisée à l’export, notamment en Asie, relève le fondateur. En France, cette fabrication locale a en revanche renchéri le prix du savon, en raison de coûts locaux plus importants. À l’instar de beaucoup d’entreprises, Alepia a subi le contrecoup de la crise sanitaire après celle-ci, passant brutalement d’une période de croissance à une diminution des recettes, en raison de la baisse du pouvoir d’achat.

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Un olivier, symbole de l’entreprise, pousse à la faveur d’un puits de lumière, au milieu de l’étage des bureaux d’Alepia.

Pour résister, Alepia a adapté sa production et aussi cherché des pistes d’économie, notamment d’énergie, en développant le photovoltaïque. « On a 2 000 m² de panneaux solaires sur la terrasse, indique Samir Constantini. On n’est pas loin de 40% d’économies d’énergie. » Engagée dans la transition écologique, la société récupère aussi l’eau de pluie pour le nettoyage et les toilettes, et développe par ailleurs un projet d’économie circulaire avec un partenaire, pour recycler les déchets issus des olives pour réaliser de l’engrais biologique.

Innovation, numérique et international

En termes de développement, la société continue d’innover. « On améliore la gamme existante », explique Samir Constantini. L’entreprise a, par exemple, optimisé ses shampoings alternatifs pour les rendre compatibles avec de l’eau calcaire. En parallèle, l’entreprise, qui s’appuie sur une quinzaine d’agents, investit dans la formation et le recrutement de nouveaux agents commerciaux pour renforcer sa présence en France.

Alepia développe aussi le canal internet. « On a notre propre site, et on est assez actif sur internet », explique Samir Constantini. Un vecteur qui permet de présenter l’ensemble de ses produits, des savons d’Alep aux huiles capillaires, et d’atteindre un public plus large, au-delà des pharmacies et des magasins bios. Aujourd’hui, internet représente ainsi 20% du chiffre d’affaires.

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A l’export, le symbole de la Tour Eiffel et le nom de Paris contribuent à positionner le made in France de la marque

“Les gens aiment la France”

L’autre grand axe de développement est l’international, notamment en Asie et en Europe de l’Est, où Alepia possède une filiale en Pologne. « L’export prend de plus en plus d’importance par rapport à la France », indique Samir Constantini. Alors que le marché français montre des signes de ralentissement, l’export, notamment vers l’Asie, connaît une dynamique positive. « C’est le ‘made in France’ qui marche. Les gens aiment la France. On s’en rend vraiment compte lorsque l’on fait des salons. » Aujourd’hui, l’exportation représente environ 35 % du chiffre d’affaires.

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