Vêtus de leur uniforme beige, les agents du Recueil social de la RATP arpentent les couloirs et les quais du métro depuis 30 ans pour porter assistance aux sans-abris qui s’y réfugient, toujours plus nombreux à l’approche de l’hiver.
“On va d’abord sur la 5 ? T’avais l’air de vouloir y aller”, lance avec entrain Claude Adrassé à son collègue qui ouvre la voie au reste de l’équipe.
Au cœur de la station République, l’un des hubs les plus importants du métro parisien où cinq lignes se croisent, une poignée d’agents du début de nuit démarrent leur maraude. Le Recueil social, fondé en 1994, a fêté ses 30 ans ce mercredi 13 novembre.
“Notre travail consiste à nouer un contact avec les sans-abris, essayer de créer un lien. Parce qu’il faut se mettre à leur place et dans leurs conditions, il y a beaucoup de névroses”, poursuit Claude, six ans d’expérience.
Sur le quai de la 5, personne. Le SDF qu’on leur avait signalé a disparu. Ne reste qu’un duvet sale installé sur un muret de carrelage rouge.
“Parfois, on va approcher 10 ou 15 fois une personne pour ne serait-ce que la faire sortir du réseau”, explique Claude.
L’objectif est là. D’abord parce qu’un séjour trop long dans le métro comporte des risques en termes d’hygiène et “peut accélérer rapidement la désocialisation et la perte de repères spatiotemporels”, affirme la RATP.
Mais, aussi, car la présence de sans-abris “nourrit naturellement un sentiment d’insécurité pour les voyageurs ou le personnel”, reconnaît Claude.
70% acceptent de suivre le Recueil social
Parmi les personnes abordées, près de 70% acceptent de suivre le recueil social en dehors de la station. Pour un café, une collation, une offre de suivi social, des soins ou une possibilité de laver ses vêtements.
La maraude continue, cette fois-ci sur le quai de la 8. Un homme, visiblement en souffrance, a la jambe droite enserrée dans un épais bandage. L’odeur laisse planer un doute sur une possible infection.
Les agents de la maraude appellent le responsable de station pour solliciter une équipe de pompiers. Le contact avec l’homme, l’œil à demi fermé et peinant à s’exprimer, s’établit difficilement. Il refuse de suivre le recueil social pour obtenir une assistance en dehors de la station.
À République, environ six ou sept sans-abris dorment tous les soirs dans la station. Sur l’ensemble du réseau, “on en a en général entre 150 et 170”, rapporte Johanna Rosier, responsable du Recueil social de la RATP.
C’est moins qu’avant le Covid. On en comptait alors “entre 250 et 300” mais “malheureusement, ça remonte” après avoir drastiquement chuté pendant la pandémie, confie-t-elle.
De plus en plus de jeunes
Elle observe aussi un rajeunissement de la population. “Les gens utilisent tous les espaces de la ville pour survivre. Avant, le métro était terrifiant pour les jeunes, mais aujourd’hui il ne l’est plus”, constate Johanna Rosier.
François, 59 ans, est de ceux que les agents du recueil appellent affectueusement “un ancien”. Il dort dans la station depuis trois ou quatre ans et est à la rue depuis une dizaine d’années, selon ses dires.
Il connaît bien le Recueil social, les sollicite pour des vêtements ou des équipements qui l’aident à passer l’hiver. D’une voix étouffée, à peine audible, il regrette pourtant de les voir moins qu’avant.
“Il y a des gens qui vivent dans le réseau et attendent le Recueil pour qu’on prenne soin d’eux”, décrit Johanna Rosier.
54 places d’hébergement
L’organisation dispose de 54 places d’hébergement d’urgence tous les soirs. “À cette heure-là -il est 20H30- les gens ont encore un peu d’espoir de trouver une place avec le 115 ou d’être hébergés par une connaissance”, explique Mme Rosier.
“Mais en grande nuit, on est un peu le dernier espoir. Et en hiver, c’est plus de la moitié qu’on ne va pas pouvoir prendre en charge”, déplore-t-elle.
À l’extérieur de la station, le bus affrété par le Recueil social embarque déjà une dizaine de personnes rencontrées à République. Direction Châtelet pour une nouvelle maraude. L’homme à la jambe blessée a finalement accepté de les suivre. Quand la soirée se terminera, le bus sera plein, jurent les agents du recueil.
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