Le couturier Mossi Traoré, qui présente sa collection mardi à la Fashion Week, se voit comme une ligne du “Grand Paris”: reliant, avec parfois imprévus et retards, le microcosme parisien de la mode et la banlieue restée son centre de gravité.
“L’inspiration est aussi forte quand je suis ici, au cœur de mon quartier, que quand je suis sur Paris, dans des galeries, dans des musées et autres, ou quand je voyage”, confie-t-il depuis ses ateliers à Villiers-sur-Marne, où il a ouvert en 2018 une école dédiée aux métiers de la haute couture.
“Je voulais aussi redorer l’image, le blason, de la banlieue et de mes frères”, ajoute le fondateur de la seule marque de la fashion sphère parisienne de banlieue.
Le styliste de 38 ans, tresses et chasuble noir sur un jean, vit ces grands écarts avec sérénité, sautant d’une visite d’Etat en Inde aux côtés du président de la République, Emmanuel Macron, aux célébrations de la Coupe d’Afrique des nations qui ont fait lever son quartier. Quand le lieu qui devait accueillir son défilé annuel le lâche à deux semaines de l’échéance, Mossi Traoré, qui en a vu d’autres en douze ans dans la mode, reste concentré sur les finitions de sa collection.
Au deuxième étage du centre socioculturel de sa cité des Hautes-Noues, son atelier est un “joli bordel”. Sur la table de dessin, une crêpe grise bientôt transformée en jupe, pièce-phare de son défilé parisien, qui se retrouvera ensuite dans les grands magasins de France.
Pour sa dernière collection finalement présentée au Palais de Tokyo, Mossi Traoré a travaillé le “coup de feutre”, entre graffiti urbain et calligraphie lointaine. “Ça fait deux saisons maintenant que je renoue avec ce qui me définit, ce travail sculptural, architectural, les jeux de symétrie, le travail du plissé”, dit-il en décrivant le style “Mossi” comme pensé pour une femme d’une quarantaine d’années, urbaine et consciente.
Père éboueur, mère femme de ménage
Fils d’immigrés maliens arrivés en France dans les années 1970, Mossi Traoré, deuxième d’une fratrie de sept enfants, est élevé par un père éboueur et une mère femme de ménage.
Gamin footballeur, il se pique de sape –“plutôt sportswear”- au lycée, avant d’avoir une révélation à 18 ans en visitant à Paris une exposition dédié au Japonais Yohji Yamamoto. Cette découverte fait éclore l’artiste, l’envie de créer et de se libérer du regard des autres.
Lauréat du prix Pierre-Bergé de l’Association nationale pour le développement des arts de la mode (Andam) en 2020, il connaît des débuts en dents de scie, porté sur le devant de la scène par la Fédération de la Haute couture avant d’être étrillé par la critique car pas encore à maturité. Doucement, il retombe sur ses pieds. À Villiers-sur-Marne, sans hésiter.
Créateur de l’école Les Ateliers d’Alix
Son école, Les Ateliers d’Alix, permet chaque année à une trentaine d’apprentis, dont de nombreux en réinsertion, d’apprendre le métier. Les classiques “flou” et “tailleur”, les deux jambes de la confection, comme les subtilités de la haute couture sont enseignés par d’anciens grands noms des ateliers parisiens, des “Madame” de chez Chanel ou Dior.
Mossi Traoré veut faire de cette école la “Masia” de la couture en France, du nom du centre de formation du club de football espagnol FC Barcelone, considéré comme le meilleur au monde.
“Il essaye vraiment de nous pousser dans nos retranchements et de ne pas rester dans notre petite banlieue à nous contenter de ceci ou cela”, témoigne Zouleha Mandzomana, 26 ans, penchée sur un bustier en organza, avec des rêves de rejoindre Chanel, l’une des maisons qui soutient le plus l’école.
Le couturier, qui veut voyager plus, notamment au Mali dont il veut connaître “les savoir-faire”, a aussi un rêve : un défilé de haute couture dans sa cité avec, au premier rang, la papesse de la mode Anna Wintour et le président Macron.
par Daphné ROUSSEAU
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