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Entreprendre | Ile-de-France | 05/06
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Drancy, Vincennes, Paris… comment Sofiane Ziouche a institué la datte comme produit de luxe avec Maitre Dattier

Drancy, Vincennes, Paris… comment Sofiane Ziouche a institué la datte comme produit de luxe avec Maitre Dattier © CH

À 33 ans, Sofiane Ziouche, le fondateur de la chocolaterie Maitre Dattier, est à la tête d’un petit empire, avec huit boutiques. Originaire de Drancy, il a même pignon sur rue dans le 8ème arrondissement de Paris depuis février dernier. Formé dans des maisons prestigieuses de la capitale, cet ancien chef a tout plaqué pour inventer une friandise et transformer la datte en produit gourmet.

Reconnaissable à son béret et à sa large carrure, Sofiane Ziouche raconte avec passion. “On fait venir les meilleures dattes et on ne garde que les plus belles pour nos assortiments. Ma préférée, c’est bien sûr la Deglet Nour, qui vient d’Algérie, mais on propose aussi la Medjool, la Sukkari, la Mazafati ou la Ajwa. Goûtez, elles ont toutes leurs différences“, défend-il.

Au laboratoire de Maitre Dattier, tout est fait maison. Ce lundi, en début d’après-midi, cinq employés s’affairent aux préparations. Certains trient des dattes. Celles qui sont un peu abimées seront utilisées pour faire du miel ou du nectar de datte qui n’est pas considéré comme confiture parce qu’elle ne contient pas les 50% de sucre réglementaire. Les Deglet Nour, les seules utilisées pour la confiserie fine, défilent sur les tapis pour l’enrobage : chocolat blanc, au lait, noir, fourrées au praliné noisette, à l’amande, à la framboise, au caramel beurre salé, au beurre de cacahuète ou l’orange confite… À cela s’ajoutent une gamme de créations à base de fruits secs : amandes, noix de pécan, noisettes, pistache, torréfiés dans la cuisine séparée du laboratoire et installée à l’étage, et encore amlou (pâte à tartiner marocaine à base d’amandes torréfiée, miel et huile d’Argan), miel de Nigelle ou, plus exotique, miel rose de Russie et miel blanc Kirghizstan.

© CH
L’une des deux premières boutiques ouvertes par Maître Dattier à Vincennes

Quand on y pense, je suis parti d’un billet de 20 euros

Je cours partout. Je vais voir aussi les fournisseurs, mais je suis de moins en moins dans le laboratoire, même si je garde un œil quotidien sur la confection. En fait, c’est la création, la recherche et développement qui me passionnent. Il n’y a pas que les recettes, c’est aussi le packaging“, explique Sofiane Ziouche en dévoilant celui qu’il a créé pour la Fête des pères. Pour la Fête des mères, il a testé le bouquet de dattes en chocolat, piquées sur des tiges en bois.

Quand on y pense, je suis parti d’un billet de 20 euros“, se remémore Sofiane Ziouche. Son chiffre d’affaires qui s’est envolé ne comprend pas le résultat de toutes les boutiques. En février dernier, la société a inauguré sa septième pousse, au 111 rue de Miromesnil, à Paris 8ème, dans le quartier des ambassades et des grands hôtels comme le Sofitel ou le Bulgari avec lesquels il collabore.

Pour ce passionné des dattes, tout a commencé en mai 2019, dans sa cuisine de Drancy. Sofiane Ziouche a alors 29 ans. Après un cursus en hôtellerie-restauration, un BEP (option cuisine) suivi d’un bac pro, il s’est formé au Raphaël (75016), au Sheraton de Roissy-Charles de Gaulle et à la maison du Danemark (75008) qui a une étoile au guide Michelin , ainsi qu’au Bofinger à Bastille (75004). À l’époque, il est passionné par tous les métiers de bouche : la viande, la poissonnerie, la pâtisserie… Mais, une fois diplômé, le travail en brigade ne lui convient pas. “J’ai fait le choix de travailler dans des petites entreprises où je pouvais mettre un point d’honneur à ce que toute la carte soit faite maison. Ma satisfaction était de faire le menu du jour. Chaque jour était un challenge“, confie-t-il. À son dernier poste, il travaille comme chef au Zinc à Nation.

© Maïtre Dattier
Les dattes enrobés de chocolat de Maître Dattier

Des Schokobons à la datte de luxe

Puis, Sofiane Ziouche décide de faire une pause avec l’arrivée de son premier enfant. “Je travaillais en coupure (le matin et le soir). C’était ingérable pour moi“, raconte-t-il. Un répit qui ne durera que deux mois. “Un jour, ma belle-sœur nous ramène des dattes au chocolat d’un voyage à Dubaï. C’était fait de manière industrielle. Elles étaient vendues dans des sachets comme des “Schockobons”. Mais, j’ai adoré le concept. Je me suis mis en tête d’essayer de reproduire ça pour apporter un petit présent à la famille, chez des amis. On m’a tout de suite félicité, mais je n’avais pas l’idée d’ouvrir un business à ce moment-là “, poursuit-il.

J’ai pensé : je ne suis pas chocolatier de formation, je n’ai pas de laboratoire et encore moins de quoi ouvrir une boutique. J’étais comme la plupart des gens qui ont peur de se lancer. Pour moi, c’était impossible“, se remémore-t-il. Mais un ami lui conseille d’utiliser les réseaux sociaux et de travailler de chez lui. “Les jours passent, je réfléchis et un jour je prends 20 euros et je dis à ma femme : “Je vais faire des dattes au chocolat. À partir d’aujourd’hui, appelle-moi Maître Dattier. C’est sorti instinctivement. C’était un jeu de mot avec maître chocolatier. Avec les 20 euros, j’ai acheté un kilo de dattes, du chocolat, un peu d’amandes et une dizaine de boites en plexi. Je crée un groupe WhatsApp avec des amis à qui je propose la boîte à 6,50 euros. Avec 20 euros, j’ai fait 10 boites. J’ai tout vendu le soir même. J’ai gagné 65 euros que j’ai réinvestis pour faire 30 boites. Et, petit à petit, c’est monté crescendo“, relate-t-il. Une amie d’un ami, connue sur les réseaux sociaux, lui fait une publicité décisive, alors qu’on est en plein ramadan : les dattes sont un mets par excellence de la rupture du jeûne. Trois cents commandes fusent. Suit un trou d’air. Les commandes chutent. “Ça m’a bien calmé, j’ai fait une petite dépression. J’ai tenu le coup grâce aux retours clients qui me remerciaient de mettre ce produit en avant“, relativise-t-il avec le recul. Par la suite, il se forme à la chocolaterie, chez Lenôtre.

Après une période de production dans une boulangerie proche de chez lui, à Drancy, dont il louait un espace de travail, il s’installe à partir juillet 2020 dans un local de 200 mètres carrés, dans la zone industrielle de Romainville, rue de la Fraternité. Les travaux d’aménagement s’achèvent en janvier 2021. Maître Dattier n’a pas encore boutique. Toutes les ventes se font en ligne. Les clients viennent sur place retirer leurs commandes. La petite affaire se développe. La boutique de la rue Oberkampf ouvre à l’automne 2021, celles de Vincennes en février 2022.

Tout s’accélère alors. Lors salon du chocolat d’Aulnay-sous-Bois, en février 2023, la directrice de O’Parinor s’avère conquise par ses produits et lui propose d’ouvrir un stand au centre commercial. Malgré la crainte de ne pas pouvoir assumer, il y prend pied à l’automne suivant. Suivent en quelques mois des points de vente dans les centres commerciaux du Qwartz à Villeneuve-La Garenne (Hauts-de-Seine), Belle-Épine à Thiais et Créteil Soleil dans le Val-de-Marne. Début 2024, il double la surface de son laboratoire. La consécration arrive en février avec la boutique de la rue de Miromesnil, dans le huitième arrondissement parisien “Cette idée d’ouvrir une adresse dans des endroits luxueux était déjà là dès le départ. L’histoire a fait que l’on a commencé par s’installer dans des lieux plus populaires, mais c’est très bien parce que l’on n’oublie pas d’où l’on vient“, opine Sofiane Ziouche.

© Maître Dattier
La Deglet Nour, variété de datte la plus produite en Algérie

La deglet nour, le bonbon du Sahara algérien

En trois ans, Maître Dattier a ainsi créé un nouveau segment de marché. Des concurrents tentent toutefois un peu comme lui, à leur compte, de commercialiser des dattes enrobées et, aux Émirats arabes unis, une grosse entreprise comme Bateel domine le secteur. Mais, aucun n’utilise la Deglet Nour, insiste Sofiane Ziouche. Cette variété de datte ne pousse que dans le nord-est de l’Algérie, à Tolga, dans la région de Biskra. “Il faut savoir qu’il y a plusieurs centaines de variétés de dattes dans le monde. Entre deux variétés, c’est le jour et la nuit : le goût, la texture… La Deglet Nour est la moins sucrée, ce qui permet un mariage très équilibré avec le chocolat. Cela est plus difficile avec la Medjoule qui est plus sucrée et plus charnue. Son goût est doux, contrairement à celui de la Sukkarie, par exemple, qui est beaucoup plus prononcé. Elle est aussi très moelleuse. Bref, c’est un vrai bonbon“, détaille Sofiane Ziouche qui a comme projet de sourcer les autres variétés algériennes.

Après les chocolats, les glaces, le foie gras, les pâtisseries…

Revers de la médaille, la gestion de la croissance n’est pas toujours évidente, en trésorerie comme en management. “Ça veut dire plus de charges, mais le plus dur reste la gestion du personnel et de faire face à l’imprévu.” Pas question pour autant de ralentir. Pour le maître dattier, l’heure est venue de se diversifier. Après des cônes glacés maison et un foie gras aux dattes, Sofiane Ziouche réfléchit à des pâtisseries à base de datte. “L’idée reste pour moi de fusionner l’Orient et l’Occident. Faire des pâtisseries orientales ne m’intéresse pas. En revanche, j’ai des idées de mille-feuille ou d’éclair à la datte, de gâteaux comme le financier, des cookies…”

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