Partir d’une idée et en faire complètement autre chose pour s’adapter au contexte, c’est la formidable leçon de réactivité d’Etic Table, créée au Kremlin-Bicêtre et aujourd’hui basée à Vincennes. Créateur d’une startup sur le tourisme à la veille du confinement, Ghali Belkhayat a réussi à changer radicalement d’activité tout en continuant à servir les mêmes clients, et à maintenir un projet avec du sens. Témoignage.
Nous sommes en 2019. Expert-comptable doté d’une dizaine d’années d’expérience dans l’audit et le contrôle, Ghali Belkhayat, la trentaine déjà entamée, se décide à quitter son Maroc natal. Son projet : créer une startup de tourisme permettant de créer facilement des liens avec les habitants sur place.
“J’adore les voyages et j’ai décidé de lancer une application pour mettre en relation les touristes avec des locaux en fonction de centres d’intérêts partagés“, témoigne-t-il. En quelques mois, le startuper réussit à recruter 200 guides potentiels à Paris ainsi qu’à constituer un réseau d’hôteliers restaurateurs indépendants. Les débuts sont prometteurs et l’aventure se concrétise, bientôt incubée à Créative Valley, au Kremlin-Bicêtre.
Des relations avec les habitants au lien restaurants-agriculteurs
Mais, début 2020, c’est la douche froide. La pandémie de Covid-19 s’abat sur la planète et le confinement stoppe tous les projets de l’entrepreneur. “Tout s’est arrêté net ! Mais, j’avais investi trop de temps, de passion et d’argent pour m’arrêter là. J’ai conservé mes contacts avec les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration pour m’intéresser à leurs besoins“, se souvient Ghali Belkhayat.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série de portraits d’entreprise du Val-de-Marne réalisés avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie. La CCI 94 accompagne Etic Table avec son programme Agroalia. Celui-ci favorise les échanges entre acteurs économiques de la filière agroalimentaire et de la #foodtech
En écoutant les problématiques des restaurateurs, il prend la mesure de leurs difficultés à s’approvisionner en produits frais dans les quantités appropriées. “Les restaurateurs ont besoin de gérer finement leurs approvisionnements. Or, souvent, les fournisseurs ont des minimums de commandes, ce qui génère des stocks difficiles à gérer“, explique-t-il. En parallèle, le chef d’entreprise observe que “de l’autre côté, des producteurs locaux n’ont pas les moyens de faire appel à des services de logistique” pour servir directement ces clients dans les quantités désirées. Pourtant, ils ont commencé à développer la vente directe pendant la pandémie. Pour que les uns puissent servir les autres, il est donc nécessaire d’organiser la mutualisation, ce que Ghali Belkhayat entreprend de faire. Il a déjà travaillé à un socle de plateforme de mise en relation et peut l’adapter à cette nouvelle activité.
Du partenariat local sur toute la chaîne
Il commence donc à aller voir les producteurs franciliens engagés dans l’agriculture durable, installés dans un rayon de 200 km autour de Paris, essentiellement en Seine-et-Marne et Essonne. Objectif : couvrir les besoins de son pool de restaurateurs. Il organise ensuite la relation entre ces deux mondes sur une plateforme en ligne, désormais baptisée EticTable. “Nous avons un algorithme qui engrange de l’information au fur et à mesure des commandes et qui améliore notre connaissance des quantités au besoin“.
Reste à organiser la logistique de stockage et de transport. Le chef d’entreprise loue d’abord un frigo au Kremlin-Bicêtre. Ce lieu set de stockage aux cagettes de produits frais expédiées par un transporteur et livrées ensuite chez les clients via des vélos cargos. “Mais, ce n’était pas satisfaisant. Nous souhaitions nous rapprocher des restaurants dans un rayon de 500 mètres pour qu’ils puissent venir chercher les cagettes à pied“.
La société développe alors des points relais à Paris, à proximité de ses clients, en s’appuyant sur les commerces de proximité. “Nous avons commencé à louer nos frigos chez des commerçants, avec des exigences d’hygiène, de lumière“. Les frigos ont une capacité de 300 à 400 litres, mais occupent peu d’espace. À l’automne 2022, le modèle est validé avec le maraîcher Maurice de Poincy, la coopérative bio d’Île-de-France et six restaurateurs.
Diversification progressive
Désormais rodé, le principe commence à se répliquer. “J’ai besoin de mettre des frigos partout dans Paris. Pour l’instant, nous sommes principalement présents rive droite, là où se trouvent nos clients historiques. Nous tentons de ne pas grandir trop vite. Aujourd’hui, nous avons une trentaine de restaurants et traiteurs, nous aimerions atteindre les 50 début 2024 et nous diversifier avec des cantines, bistrots et de la restauration rapide”.
D’abord incubée au Creative Valley du Kremlin-Bicêtre, l’entreprise est à présent installée à Vincennes, toujours dans le Val-de-Marne.
Locavorisme
En facilitant la logistique commerciale entre producteurs et restaurateurs, Ghali Belkhayat entend promouvoir le locavorisme, tout en étant conscient du chemin qu’il y a encore du pain sur la planche pour faire changer les habitudes. “Il y a eu, pendant la crise sanitaire, un grand mouvement de solidarité envers les producteurs locaux, mais encore aujourd’hui, les chiffres sont aberrants. Dans les 100 plus grandes villes de France, seulement 2% des besoins alimentaires sont couverts en production locale“.
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