Réparation de proximité des vêtements, éco-conception avec les créateurs locaux, conseils pour soigner son look sans ruiner la planète, développement de boucles d’économie circulaire locales… le projet EcoFashion 94, lancé il y a un an dans le cadre du programme européen Shared green deal, a abouti à des expérimentations locales concrètes. Explications avec Jean-Paul Grange, à l’initiative.
La surconsommation de textile : une urgence environnementale
Pour rappel du contexte, EcoFashion 94 a démarré il y a an, seul lauréat français d’un appel à projets de l’Union européenne, le Shared green deal, visant à fédérer les initiatives locales autour de huit objectifs : l’énergie propre, l’économie circulaire, la rénovation énergétique, les mobilités durables, l’alimentation durable, la biodiversité, la protection du climat et la lutte contre la pollution. Porté par l’association Val-de-Marne en transition, EcoFashion 94 a été retenu pour développer l’économie circulaire dédiée au textile en identifiant et expérimentant des initiatives concrètes pour réduire la consommation et les déchets textiles, et en établissant un guide de bonnes pratiques.
L’enjeu est de taille. “En moyenne, les Européens consomment près de 26 kg de textiles par an”, chiffre le parlement européen dans une fiche sur le sujet. Cela pose des problèmes environnementaux en amont et en aval. En amont, la production de textile consomme beaucoup d’eau douce. “La fabrication d’un seul t-shirt en coton nécessite 2 700 litres d’eau douce, soit ce qu’une personne boit en 2,5 ans”, précise l’Union européenne. Cette production contribue aussi à polluer l’eau, en raison des teintures et produits de finition. Les textiles synthétiques génèrent par ailleurs des tonnes de microplastiques au fur et à mesure des lavages. La mode est aussi responsable de 10 % des émissions mondiales de CO2, soit plus que l’ensemble des vols et transports maritimes internationaux, toujours selon les chiffres de l’Union européenne.
En aval, cela pose aussi des problèmes environnementaux. Les consommateurs européens jettent en moyenne 11Kg de textile par an, mais n’en trient que 3,4 kg. “Les vêtements usagés peuvent être exportés en dehors de l’UE, mais la plupart (87 %) sont incinérés ou mis en décharge”, et, aujourd’hui, “seulement 1% des vêtements usagés est recyclé en vêtements neufs.”
Cette consommation, loin de décroitre, a explosé ces dernières années, en raison d’un renouvellement et d’une profusion des collections de textile à bas coût et de piètre qualité. Ce phénomène d’ultra fast-fashion a conduit la fabrication de textile mondiale à doubler son tonnage entre 2000 (58 millions de tonnes) et 2020 (109 millions de tonnes). Et les prévisions de l’Agence européenne pour l’environnement sont de 145 millions de tonnes en 2030.
Une méthodologie
C’est dans ce contexte critique qu’EcoFashion 94 a démarré il y a un an. Piloté par l’association Val-de-Marne en transition, il fédère une dizaine d’acteurs (entreprises, ressourceries, recycleries, créateurs, home organiser….) et s’appuie sur trois groupes de travail : réparation, recyclage et création durable. “Nous bénéficions d’un suivi assez proche de l’Union européenne avec des discussions tous les mois, des méthodes pour identifier des solutions, comme par exemple celle des 6 chapeaux de Bono, et pour les mettre en œuvre, comme le design thinking, pour s’assurer que la proposition est vraiment en adéquation avec les attentes. Nous avons aussi du reporting à fournir”, explique Jean-Paul Grange. De quoi inciter à avancer de manière structurée et continue, en documentant chaque expérimentation pour la rendre duplicable. Le groupe de projets, qui a bénéficié d’un financement d’une vingtaine de milliers d’euros pour se structurer, est aussi connecté à deux autres lauréats européens qui planchent sur des sujets connexes, en Slovénie et au Portugal.
Réparation de proximité
Pour l’heure, une première expérimentation a été lancée par le groupe dédié à la réparation de vêtements. Elle consiste à proposer à des habitants qui veulent faire réparer un vêtement de les confier à un membre de leur réseau habitant à proximité, pour qu’il les dépose ensuite à une retoucherie partenaire. L’objectif est de simplifier au maximum la logistique pour éviter d’avoir à prendre sa voiture pour chercher une retoucherie. “Nous testons actuellement le dispositif à Sucy-en-Brie, en nous appuyant sur le réseau des membres de Sucy en transition”, explique Jean-Paul Grange. Voir le principe détaillé et les tarifs.
Inciter les créateurs à penser la réparation
Le groupe dédié à la création durable et réparable a pour sa part travaillé avec trois créatrices et créateurs locaux, Amélie Moreau qui a créé la marque de vêtements made in France Le Paul Sud, Pénéloppe Chapuis, créatrice de Binette, une marque de sacs et accessoires fabriqués à partir de tissus issus de stocks dormants, et Aymar Sidadou, fondateur de Heartcake Clothing, également made in France. “Nous avons organisé des ateliers afin de trouver des idées pour rendre leurs produits plus facilement réparables, en réfléchissant, par exemple, à l’emplacement des étiquettes ou en facilitant le remplacement d’une courroie”, détaille Jean-Paul Grange. Un travail qui donnera lieu à des fiches pratiques concrètes.
Contribuer à l’écosystème circulaire textile local
De son côté, le groupe de travail dédié au recyclage a identifié des services, ateliers et encore événements à proposer à des institutions ou entreprises pour étendre l’impact de ces structures et contribuer à leur modèle économique.
Au-delà, les groupes travaillent aussi, ensemble, à développer l’écosystème circulaire textile local. EcoFashion a ainsi intégré le projet de création d’un Écosystème coopératif territorialisé (ECT) en lien avec le Fashion green hub, l’intercommunalité Grand-Orly Seine Bièvre et l’Ademe. “Son objectif sera de travailler sur l’économie de la fonctionnalité et de la réparation.”
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Soigner son look plutôt que consommer des fringues
L’équipe souhaite aussi développer un quatrième groupe de travail dédié au relooking, pour travailler sur le conseil en l’achat permettant de soigner son look avec quelques vêtements et accessoires qui correspondent à sa personnalité, à l’allure qu’on veut donner de soi, plutôt que d’acheter plein de vêtements dont certains sont des erreurs manifestes et resteront dans la penderie avant d’être jetés. “Nous recherchons pour cela une personne qui fasse du conseil en relooking”, indique Jean-Paul Grange. “L’objectif, via cette initiative, est de remonter dans le besoin réel des gens.”
La prochaine étape, pour EcoFashion 94, sera la publication détaillée de 25 bonnes pratiques et de quelques prototypes opérationnels à partir des expérimentations en cours. L’équipe souhaite aussi poursuivre le projet dans le temps pour travailler à la marche suivante : le changement d’échelle.
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