Le tribunal administratif de Montreuil a suspendu vendredi les arrêtés pris par douze villes du département de Seine-Saint-Denis mettant l’État en demeure d’appliquer un “plan d’urgence” pour l’éducation, arguant que ces mesures ne relevaient pas du pouvoir d’un maire.
“Le juge des référés du tribunal suspend ces arrêtés, au motif que les mesures adoptées ne paraissent pas relever des pouvoirs de police administrative générale du maire,” a indiqué le tribunal.
Le préfet de Seine-Saint-Denis, qui avait contesté la légalité de ces arrêtés, le 24 avril, a immédiatement salué cette décision de justice. “Je me réjouis de la décision claire du tribunal administratif qui suspend l’application de décisions purement politiques de certains maires, dont la légalité et le bien-fondé sont contestables”, a déclaré Jacques Witkowski via un communiqué de presse. “En matière d’éducation dans le département de Seine-Saint Denis, je soutiens qu’aucune carence ne peut être constatée.”
D’avis diamétralement opposé, les douze maires, tous élus de gauche, ont listé avec précision les manques d’enseignants, de médecins ou psychologues scolaires et surtout d’accompagnants pour les élèves en situation de handicap (AESH) dans chacun de leur arrêté.
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Les maires à l’initiative des arrêtés
- Tony Di Martino, maire de Bagnolet
- Abdel Sadi, maire de Bobigny
- Mohamed Gnabaly, maire de L’Île-Saint-Denis
- Gilles Poux, maire de La Courneuve
- Laurent Baron, maire du Pré Saint-Gervais
- Lionel Benharous, maire des Lilas
- Patrice Bessac, maire de Montreuil
- Olivier Sarrabeyrouse, maire de Noisy-le-Sec
- Bertrand Kern, maire de Pantin
- François Dechy, maire de Romainville
- Stéphane Blanchet, maire de Sevran
- Azzédine Taïbi, maire de Stains
Par cette procédure initiée début avril, les communes ordonnaient à l’État de leur payer 500 euros par jour jusqu’à ce qu’il mette “des moyens à la hauteur des besoins éducatifs”
Les élus ont fondé leur mise en demeure sur un arrêté du Conseil d’État de 1995 sur le “respect de la dignité de la personne humaine”. À l’audience tenue mercredi, Me Louis Le Foyer de Costil, conseil de 11 des communes concernées, avait notamment alerté sur le sort “des élèves qui devraient avoir un adulte pour les accompagner, parfois pour les aider à aller au toilettes”. “Sans AESH, ça veut dire qu’un enfant reste souillé, toute la journée, avec une couche: si ça n’est pas atteinte à la dignité humaine, qu’est-ce-que c’est?”, avait-il questionné.
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Recours au Conseil d’État
Dans l’attente de l’examen au fond du dossier, qui devrait avoir lieu “dans quelques mois”, les maires vont formuler un recours devant le Conseil d’État, selon leur seconde avocate, Me Joyce Pitcher. “On va quand même chercher une jurisprudence,” sur les champs d’action des maires a-t-elle précisé. “C’est un long feuilleton juridique, il n’empêche que les combats de terrain et les autres actions judiciaires continuent,” a-t-elle ajouté. Il “faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que la situation est telle qu’elle pose un problème de dignité et d’égalité républicaine”, a pour sa part réagi le maire de Romainville, François Dechy.
“L’ordre public n’est pas que de la sécurité mais c’est aussi de la dignité humaine,” a ajouté l’élu étiqueté divers gauche.
L’initiative des 12 communes intervient dans un contexte de mobilisation, depuis fin février, pour réclamer plus de moyens pour l’école en Seine-Saint-Denis, au travers d’opérations “école déserte”, grèves, rassemblements ou encore manifestations sous les fenêtres de Matignon et au Trocadéro.
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