Mobilisés depuis plusieurs mois pour obtenir un “plan d’urgence pour l’éducation”, les représentants de l’intersyndicale FSU-CGT-SUD de Seine-Saint-Denis ont été reçus par la ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, ce lundi 15 avril. La rencontre n’a toutefois pas calmé le jeu. Les syndicats enseignants appellent à la grève dès le lundi de la rentrée, le 22 avril. Explications.
“Après 2 mois de mobilisation et 5 audiences, un zéro pointé en guise de moyens : il n’y aura pas de rentrée le 22 avril en Seine-Saint-Denis !”, tel est le verdict du dernier communiqué de l’intersyndicale FSU, CGT, SUD et CNT, à l’issue de la réunion.
Le ministère a publié un communiqué à l’issue de la réunion, pour détailler ses engagements dans le département, rappelant que “plus de 200 millions d’euros supplémentaires sont investis chaque année depuis 2022 pour l’éducation prioritaire en Seine-Saint-Denis” et que “les efforts seraient poursuivis, avec une attention spécifique donnée au renforcement de la vie scolaire et de l’attractivité.”
Dans le détail, le ministère liste le “plan pour un état fort en Seine-Saint-Denis”, qui prévoie une prime individuelle de fidélisation versée aux personnels des premier et second degrés au bout de cinq ans d’ancienneté dans le département, revalorisée à 12 000 euros au 1er janvier, rappelle avoir développé le recrutement post-bac, créé des groupes d’appui éducatif localisé (GAEL) pour améliorer le climat scolaire.
Le ministère estime que cela porte ses fruits. “Dans le premier degré, le nombre moyen d’élèves par classe est passé de 23,3 en 2017 à 19,79 en 2023 (contre 22,9 sur la France entière)”, chiffre l’État, rapelant le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1, dans les quartiers prioritaires. La rue de Grenelle liste aussi le développement de trois internats d’excellence et encore des cités éducatives (projets partenariaux entre villes et éducation nationale) dans 12 communes, moyennant 17,5 millions d’euros de subvention.
Concrètement, le ministère propose de mieux compter les élèves allophones pour ajuster les moyens, de renforcer les moyens en vie scolaire, et encore de travailler sur le long terme, sur “l’attractivité du métier de professeur et du territoire.”
Les syndicats, eux, réclamaient des moyens plus massifs, pour combler les postes non pourvus d’enseignants remplaçants, de psychologues, d’enseignants spécialisés pour les réseaux d’aide aux élèves en difficulté, d’assistants aux élèves porteurs de handicap, d’assistants d’éducation… Une demande relayée précisément, ville par ville, par plusieurs maires du département.
“Dans notre établissement, on a 17 élèves qui ont besoin d’accompagnants, il n’y en a que 6 qui en ont réellement, aucun n’en a un à temps complet“, témoigne Luc, professeur au lycée Fabien de Saint-Denis affilié à FO, croisé lors de la manifestation du 2 avril. “On a en général 24 élèves par classe, à cela il faut ajouter les élèves non-francophones et tous ceux qui sont en inclusion. On n’a pas les moyens de fonctionner à 26, mais c’est ça qu’on nous propose”, témoigne encore Nicolas, du collège Gisèle Halimi d’Aubervilliers, présent à ce rassemblement avant les vacances.
“Concernant l’exigence de 5 000 postes d’enseignant·es, la ministre répond : «Je n’ai pas les moyens» !”, regrette l’intersyndicale. “Les seules pistes de réflexion ne concerneraient que les collèges, mais rien n’est envisagé pour les écoles et les lycées.” “Le gouvernement était prévenu : de nouveau il n’y aura pas de rentrée le 22 avril prochain dans les écoles et les établissements de la Seine-Saint-Denis ! Nous appelons les personnels à poursuivre la grève, à participer massivement à la manifestation et à l’assemblée générale qui suivra, et à décider de la poursuite de la mobilisation pour le plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis, contre le « choc des savoirs »”, conclut le communiqué intersyndical.
Groupes de niveaux
Au-delà des moyens supplémentaires réclamés, les enseignants du département sont aussi vent debout contre la réforme visant à créer des groupes de niveaux au collège. “J’ai choisi de faire ce métier pour le contraire de ces réformes, pour que chaque gamin puisse avoir la chance d’arriver quelque part et de s’émanciper, certainement pas pour aller plomber ceux qui sont déjà les plus mal partis“, lâche ainsi Isabelle, professeure venue manifester le 2 avril à Paris.
Rénovation des bâtiments
L’état des écoles, collèges et lycées ajoute à la colère. “Il y a pas mal d’établissements dans le 93 qui ont des gros problèmes au niveau des bâtiments, des salles avec des fenêtres qui ne ferment pas, des chauffages qui ne fonctionnent pas, des plafonds qui s’effondrent donc c’est assez inquiétant”, résume Carl, professeur au lycée Jean Renoir de Bondy, lors de la manifestation du 2 avril. “Je vous invite à aller voir ma classe, vous allez halluciner“, enjoint Isabelle. En mars, une vidéo d’élèves et enseignants du lycée Blaise Cendrars de Sevran, pointant la vétusté de l’établissement, avait fait des millions de vue sur TikTok et provoqué la convocation de quatre professeurs au rectorat. Sur ce sujet, le ministère rappelle, dans son communiqué, que “depuis la rentrée 2020, deux millions d’euros par an sont investis pendant 10 ans pour améliorer le bâti scolaire, en soutien de l’action des collectivités, compétentes en la matière.”
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