Elle est entrepreneure et habitante d’Epinay-sur-Seine. Lui est élu d’opposition à Drancy : Manela Vesaphong et Hacène Chibane incarneront la liste des Écologistes – Europe écologie-Les Verts, lors des élections européennes, le 9 juin 2024. Après avoir démarré leur campagne au marché de Drancy, puis de Montreuil, ils veulent sensibiliser sur les enjeux locaux du scrutin européen.
Leurs profils sont très différents. D’un côté, Manela Vesaphong, 42 ans, mère de trois enfants. Photographe autodidacte, elle a créé sa société de communication, tout en cumulant les petits boulots. “J’ai beaucoup galéré dans ma life“, confie-t-elle, avant de préciser, non sans fierté, avoir tout juste repris des études de droit à Villetaneuse. Elle se lance en politique un peu par hasard sur une liste écologiste citoyenne, lors des élections municipales en 2020 à Épinay-sur-Seine où elle a grandi. “À l’origine, je rendais service à une amie. Je ne m’étais jamais intéressée à la politique. Gauche-droite : je ne savais pas ce que cela voulait dire. Mais, je me suis rendu compte que j’étais sensible à l’écologie. Et lorsqu’on a commencé à faire des meetings, j’ai réalisé que j’étais à ma place.” Peu à peu, elle prend des responsabilités et intègre le bureau exécutif des Écologistes de Seine-Saint-Denis. Repérée par l’Académie des futurs leaders, elle suit une formation politique de six mois.
De l’autre côté, Hacène Chibane a, en revanche, déjà acquis une solide expérience politique. Et ce n’est pas un hasard si les Ecologistes ont choisi de démarrer sur ses terres la campagne de terrain. À 48 ans, ce responsable commercial dans l’aéronautique est élu d’opposition dans la commune depuis 2014. D’abord sous la bannière socialiste, avant de se représenter, sans étiquette, lors des élections municipales de 2020, à la tête d’une liste citoyenne. “C’est moi qui a fait condamner Jean-Christophe Lagarde [ndlr, maire de Drancy de 2001 à 2017, auquel a succédé son épouse Aude Lagarde] pour l’emploi fictif de sa belle-mère. Sur quatre condamnations prononcées contre lui par la justice, je suis à l’origine de trois“, rappelle-t-il. “J’ai rejoint Europe écologie-Les Verts depuis deux ans pour leur grande expertise du dérèglement climatique, et, aussi, pour les questions internationales, notamment l’Ukraine et Gaza. C’est, à mon sens, le parti qui prend le plus explicitement position, tout en reconnaissant le caractère terroriste du Hamas“, pointe-t-il.
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Combat contre l’extrême-droite
Le choix de Drancy pour lancer la campagne est aussi d’ordre symbolique. “On a commencé à Drancy parce que c’est un lieu très représentatif. C’est de là où partaient les déportés pour Auschwitz“, indique Manela Vesaphong. “Le combat contre la montée de l’extrême-droite est un axe fondamental de l’engagement des Écologistes. En Seine-Saint-Denis, c’est un phénomène qui reste marginal, mais qui est bien concret à l’échelle européenne“,estime-t-elle.
“Je suis particulièrement concerné parce que Jordan Bardella [ndlr, président et tête de liste du Rassemblement national] est né à Drancy. Eric Zemmour [ndlr, président de Reconquête] a vécu à Drancy. Or, l’histoire de la ville est marquée par le camp de déportation et par l’horrible massacre qu’il a permis de perpétrer. Ces raisons sont aussi à la source de mon engagement dans ce scrutin.” Marie Toussaint, la tête de liste des Écologistes, devrait d’ailleurs faire le déplacement à Drancy, pour rappeler l’anniversaire du second tour Chirac-Le Pen en 2002.
“Municipaliser les élections européennes”
Pour Hacène Chibane, il ne faut pas non plus perdre de vue les inégalités sociales. “La crise climatique est de plus en plus concrète. C’est une réalité pour tous, en particulier dans le 93, où, parallèlement, le signe extérieur de richesse n’est plus la voiture, mais le caddie. Les caddies des plus pauvres, sont ceux où la nourriture est la plus transformée. Les conséquences en termes de santé sont dramatiques. Le facteur malbouffe peut porter l’écart d’espérance de vie à sept ans. On explose, ici plus qu’ailleurs, les scores en termes d’obésité“, énumère-t-il.
Dans ce contexte, Hacène Chibane dénonce une “kébabisation de la société” en référence à l’arrivée du distributeur alimentaire à bas coût Atacadao à Aulnay-sous-Bois, synonyme également pour lui de détérioration des conditions de travail. “Il faut municipaliser les élections européennes pour intéresser les gens. Ne faisons pas de l’Europe un Drancy en grand“, assène-t-il, estimant que les conditions de vie dans sa ville se sont dégradées en vingt ans.
“Génération climat“
“Tout se joue en Europe. Mais comme l’Europe est éloignée des préoccupations des gens, il faut faire un travail de pédagogie“, résume, pour sa part, Manela Vesaphong face à ces constats. “Je veux m’adresser en particulier aux jeunes et aux étudiants parce que cette génération climat est sensible à l’écologie. Mais tous les sujets d’inégalités sociales, de droits humains, d’économie… sont, en fait, transversaux. C’est qu’a rendu évident la guerre en Ukraine en nous mettant face à des enjeux de sécurité et de souveraineté alimentaire et économique qui dépasse le cadre national.”
Le défi est vaste dans un département où l’abstention avait atteint 60,59%, le plus port taux d’abstention du pays en 2019. “Il faut aussi composer avec la défiance des électeurs vis-à-vis des politiques“, ajoute Hacène Chibane.
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