Flottant juste en face du Stade de France, sur le canal Saint-Denis, “la Bouteille” ne manque pas d’intriguer. À l’intérieur, l’artiste Abraham Poincheval lit, dort, observe depuis le 25 juillet… La performance qui tient du confinement extrême vient percuter pour 10 jours le rythme effréné des JO.
“Comment vous faites pour respirer ?” “Ce n’est pas trop compliqué de rester enfermé comme ça ?” “Dans quel but vous vous êtes enfermé ?” Abraham Poincheval a déjà réussi un premier défi : susciter la curiosité. Ce vendredi matin, c’est Pap et ses deux filles qui se sont arrêtés sur les quais du canal Saint-Denis. “Je trouve la démarche intéressante parce que cet homme dans cette bouteille nous oblige à réfléchir sur la place de la nature“, explique-t-il.
Imaginaire de la bouteille à la mer
Abraham Poincheval est-il un militant écologiste ? “Je ne cherche pas à proposer un message trop structuré. Au contraire, il renvoie à tout l’imaginaire de la bouteille à la mer. Chacun doit y trouver sa signification“, commente l’artiste natif d’Alençon (Orne).
La performance est en tout cas physique. Depuis jeudi 25 juillet, l’homme de 52 ans habite cette bouteille géante en plexiglas. L’espace, de 5,80 mètres de long par 1,90 mètre de diamètre, est restreint. Il n’en sortira que ce samedi. “Je suis un peu habitué à ce type d’exercices qui demandent une certaine maitrise de soi et la nécessité de réorganiser son quotidien et son espace de vie. Mais, c’est la première fois que je vais rester dix jours dans un espace comme ça“, confie-t-il. De fait, Abraham Poincheval s’est spécialisé dans le confinement : en 2017, il a même passé trois semaines à couver dix œufs au Palais de Tokyo. Il s’est enfermé dans le ventre d’un ours naturalisé et dans un rocher de 12 tonnes. Il a aussi vécu sur une plateforme pendant une semaine à gare de Lyon.
“Il y a ce corps posé là, à la vue de tous“
Dans La Bouteille, Abraham Poincheval est isolé, mais il n’est pas coupé du monde. Les passants peuvent lui parler par un tuyau et tendre l’oreille pour l’écouter. Il a aussi un téléphone qu’il recharge grâce un panneau photovoltaïque et une petite éolienne. Son équipement reste toutefois rudimentaire. Pour manger, il a un petit réchaud et de la nourriture lyophilisée. Pour satisfaire ses besoins naturels, des toilettes sèches et une sorte de poncho dont il se couvre. Pour se distraire, il n’a que la lecture et surtout la vie de l’autre côté de sa bulle temporaire. “Il y a ce corps posé là, à la vue de tous. C’est une manière de créer de l’empathie, de créer un lien avec les habitants du canal“, souligne l’artiste qui transforme la vulnérabilité de sa condition en performance d’endurance et d’adaptation.
De fait, l’expérience contraste avec la frénésie des Jeux olympiques. L’immobilité proposée par La Bouteille met en perspective l’événement même et, en quelque sorte, la notion d’exploit sportif. “En fait, elle crée comme un temps suspendu“, propose Abraham Poincheval. “Elle fait écho à l’immobilité vécue par les habitantes et les habitants de la Seine-Saint-Denis qui sont placés au cœur des jeux olympiques“, complète, pour sa part, Camille, médiatrice du Centre d’art composé, navigué, engagé, abrité, imaginé (CNEAI) qui produit l’œuvre et qui venue ce vendredi matin à la rencontre de l’artiste et des passants.
La Bouteille est une des six œuvres des Victoires, le parcours artistique créé par l’intercommunalité Plaine Commune pour valoriser le canal Saint-Denis et qui a reçu le label d’olympiade culturelle de Paris 2024.
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Il fait cela dans une bouteille en verre, Diogène le faisait dans un tonneau en bois, plus écoresponsable 🙂
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