Loin des salles branchées et onéreuses, une association sportive de Montfermeil s’emploie à démocratiser l’escalade, discipline olympique, dans les quartiers populaires et à devenir un vivier de champions, à l’image du football.
Avec un mur culminant à 13 m, long de 44 m et muni de 9 000 prises, la salle municipale Henri-Vidal de Montfermeil est le joyau de l’escalade en Seine-Saint-Denis. “C’est le kif, ce mur!”, se régale Ewen Clodic, 19 ans, habitant de la ville voisine de Clichy-sous-Bois, qui profite une dernière fois du gymnase, situé dans la cité des Bosquets, avant sa fermeture estivale.
La salle d’escalade, conçue pour accueillir des championnats de France, a ouvert en 2019, bénéficiant du vaste plan de rénovation urbaine après les émeutes de 2005 et la mort de deux adolescents, électrocutés dans un transformateur EDF où ils s’étaient réfugiés à l’issue d’une course-poursuite avec la police, non loin des Bosquets.
“Le quartier évolue bien”, estime Véronique Simonnot, fondue de grimpe depuis près de 15 ans. Chaque semaine, cette sage-femme-sexologue à Montfermeil retrouve sa bande de copains au “mur d’escalade magique” dans une ambiance “conviviale”.
La structure est “un atout social pour la ville. On a une population avec des gens qui sont en difficulté sociale, financière et notre association permet à des enfants de pouvoir pratiquer un sport qui va leur plaire”, explique Cyrille Bocket, fondateur du club d’escalade Vertige Montfermeil en 2017.
Le Clairefontaine de l’escalade
Avec près de 350 adhérents, dont 200 jeunes, l’école d’escalade est une référence pour les apprentis grimpeurs qui peuvent s’y initier dès l’âge de quatre ans. “Les tout-petits deviennent adolescents et en attirent d’autres. L’engouement vient comme cela, chez les jeunes”, analyse le chef d’entreprise qui, avec sa “machine de talents”, entend faire de son club le Clairefontaine de l’escalade, en référence au centre national du football de Clairefontaine.
Sa pépite, Océane Nevo, 11 ans, championne de France de vitesse U12 (11-12 ans), a ainsi débuté la discipline en catégorie “baby”. “Cela fait trois ans que je suis dans le groupe compétition”, se réjouit la jeune Montfermeilloise. “Tout me plaît dans la grimpe, c’est une addiction.” Pour elle, l’escalade est devenu “un sport à la mode”.
Le nombre de licenciés qui gonfle les rangs de la Fédération française de montagne et d’escalade (FFME) lui donne raison. En 2024, la FFME compte 119 989 adhérents, contre 55 000 vingt ans plus tôt.
“Objectif” Los Angeles 2028
“Depuis 20 ans et le développement des salles, on peut pratiquer l’escalade en ville. On n’a plus besoin de faire 200 km ou d’aller à la montagne“, explique le président de la FFME Alain Carrière. “C’est un sport accessible, toutes générations, pas genré, pas besoin d’un long apprentissage pour pouvoir grimper”, poursuit-t-il.
La France compte 1 000 clubs affiliés à des collectivités et 300 salles privées, “mais le taux de croissance est extrêmement important dans le secteur privé”, précise Alain Carrière. Les salles d’escalade dit de +blocs+, structure de faible hauteur qui se gravit sans être encordé, poussent dans les grandes métropoles. Entre deux réunions, le cadre a délaissé “son tapis de course” pour une session de grimpe, moyennant 15 à 20 euros l’heure.
“Les salles privées sont là pour gagner de l’argent, mais ils ont un atout faramineux : c’est qu’ils peuvent propager la bonne parole et faire connaître l’escalade”, affirme Cyrille Bocket, de Vertige Montfermeil, où le coût d’adhésion annuel s’élève à 190 euros. Lorsque l’amateur “voudra progresser, il va se tourner vers des associations sportives où il va apprendre les bonnes techniques, la sécurité et va pouvoir s’épanouir dans cette activité” à bas coût, assure le bénévole.
Depuis les Jeux de Tokyo en 2021, l’escalade a intégré le club sélect des disciplines olympiques et va bénéficier d’un nouveau coup de projecteur à Paris. Les épreuves combinées de bloc/difficulté et de vitesse (5-10 août) se dérouleront dans la ville populaire du Bourget, en Seine-Saint-Denis. Un mur d’escalade dernière génération y a été construit pour l’occasion, “l’héritage des Jeux”, selon la FFME, qui a accompagné la ville dans la création d’un club.
Lire : Au Bourget comme à Dugny : l’aubaine des Jeux olympiques pour équiper la ville
Pour Ewen Clodic, licencié au club Vertige Montfermeil, l“objectif”, ce sont les Jeux de Los Angeles en 2028, après avoir intégré l’équipe de France. Le jeune homme est porteur d’une malformation congénitale à la main droite et, pour la première fois, sa discipline, la para-escalade, sera intégrée au programme des Jeux paralympiques.
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