Des clichés cultissimes, comme le petit Parisien courant gaiement sa baguette sous le bras, aux émouvantes images de son épouse âgée au parc des artistes, le musée intercommunal de Nogent-sur-Marne présente une sélection choisie des œuvres de Willy Ronis. L’occasion de plonger dans le Val-de-Marne de l’après-guerre, des guinguettes des bords de Marne aux studios de cinéma de Saint-Maurice, Joinville et Fontenay. Tout en élargissant la focale sur le parcours de ce photographe du 20e siècle, parmi les monuments de la photographie humaniste.
La “photographie humaniste”, voilà un courant qui n’était pas nommé, lorsque Willy Ronis a commencé à croquer la société. “Moi j’aimais photographier les gens”, résume-t-il simplement dans le documentaire de Virginie Chardin et Vladimir Vasak, proposé en visionnage dans l’exposition. Né en 1910 au pied de Montmartre, Willy Ronis, fils d’un artisan photographe de studio et d’une pianiste, réfugiés d’Ukraine et de Lituanie, voulut d’abord être compositeur de musique avant de se dédier entièrement au reportage photo, après la mort de son père en 1935. Il vend ses premiers clichés à l’aube du Front Populaire répondant à des commandes et publiant également dans la revue Regards. C’est à cette époque qu’il découvre les bords de Marne. Sa première photographie sur place date de 1938. Elle montre des jeunes gens transportant une barque, dans un décor parfaitement champêtre (voir ci-dessous).
Après la guerre, c’est l’insouciance retrouvée qui conduit de nouveau Willy Ronis dans les guinguettes des bords de Marne, pour Le Figaro. “C’est l’euphorie de l’après-guerre. Ronis est épris « de l’atmosphère bon enfant des bords de Marne, de la joie de ces gens qui viennent se laver des fatigues de la semaine ». Mais il trouve un peu factice cette gaîté obligée”, développe le musée. Parmi ces clichés de guinguettes, l’un de ses plus célèbres représente un homme faisant virevolter deux jeunes femmes. Plusieurs prises sont présentées dans l’expo, en parallèle d’une explication du contexte dans lequel Ronis a saisi l’instant, fait signe au danseur de se rapprocher, ajusté la composition, montant sur une table.
Car si Ronis saisit les expressions des gens, il soigne aussi le cadrage, l’ombre et la lumière. Il a été à bonne école. Sa section préférée lorsqu’il allait au musée du Louvre, enfant : celle des peintres flamands, confie-t-il dans le documentaire. Il découvre avec fascination les personnages populaires qui peuplent les toiles d’un Brueghel, et aussi la maitrise du clair-obscur d’un Rembrandt.
L’exposition rend compte de cette double quête de l’expression spontanée et de la composition esthétique, décrite dans plusieurs clichés, comme celui de la pause de midi sur le parvis de La Défense, ou celui de l’avenue Simon Bolivar, pris du haut d’un escalier-rue parisien, qui raconte à lui-seul une histoire.
Dans le Val-de-Marne, Willy Ronis va aussi immortaliser les studios de cinéma, non seulement ceux de Joinville-le-Pont et de Saint-Maurice, mais aussi l’atelier de Ladislas Starevitch, pionnier du cinéma d’animation en stop motion, inspirateur de Tim Burton, à Fontenay-sous-Bois. L’exposition met du reste en scène les marionnettes colorées du réalisateur, en fil de fer et bois recouvertes de peau de chamois, prêtées par ses descendants.
Dans les années 1960, le monde de la photographie change, “l’activité de Ronis ralentit. Il connaît une période dépressive. La photographie humaniste n‘a plus la cote. Elle est jugée sentimentale, petite-bourgeoise. Son idéalisme et son optimisme est en décalage avec une jeunesse révoltée qui veut des réponses et non des messages d’espoir”, explique le musée. Ce sont les Rencontres internationales de la photographie d’Arles, lancées en 1970, qui font redécouvrir ce mouvement. Willy Ronis connait la consécration internationale, exposé partout.
La dernière période en Val-de-Marne, proposée dans l’exposition, est la plus émouvante, qui montre les promenades avec son épouse, Anne-Marie Lansiaux, atteinte d’Alzheimer et pensionnaire de la Maison des artistes à Nogent, des bords de rivière au Café Le Petit Pont, à Joinville. En particulier, un cliché qui la montre sur un banc, détail minuscule dans la végétation foisonnante du parc des artistes.
Willy Ronis s’est éteint le 12 septembre 2009, à 99 ans.
L’exposition, à l’initiative du musée intercommunal Paris Est Marne et Bois, de Nogent-sur-Marne, est réalisée en partenariat avec la Médiathèque du Patrimoine et la Photographie (MPP), affectataire de l’œuvre du photographe depuis 2016 et qui conserve pas moins de 108 000 négatifs, 19 000 tirages et 9 000 diapositives couleurs, en plus de ses albums commentés.
À voir jusqu’au 31 juillet 2025
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