Politique | | 05/05
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Fusillade mortelle à Sevran : “Nous ne sommes pas face à un fait divers local sordide, mais face à un phénomène national, voire international d’ampleur”, alerte le maire, Stéphane Blanchet

Fusillade mortelle à Sevran : “Nous ne sommes pas face à un fait divers local sordide, mais face à un phénomène national, voire international d’ampleur”, alerte le maire, Stéphane Blanchet © Twitter S Blanchet

Règlement de compte mortel sur un parking du quartier Beaudottes à Sevran ce vendredi 3 mai. Un homme est mort sur place et d’autres ont été hospitalisés. En toile de fond : la guerre des gangs pour se réapproprier les territoires du deal après la dernière opération place nette. Aux manettes de la ville depuis la démission de son prédécesseur, écœuré par l’insuffisante prise en considération des problèmes de la banlieue, le maire DVG, Stéphane Blanchet, fustige le “fléau insupportable” du narcotrafic dans un communiqué.

Il était environ 23h45, dans le quartier des Beaudottes à Sevran, quand a éclaté la fusillade mortelle. À l’arrivée des forces de l’ordre, cinq personnes blessées se trouvaient à terre, selon une source policière. Malgré l’intervention des secours, un homme de 28 ans, touché à la gorge et à la tête, est décédé sur place. Les quatre autres, des hommes âgés de 22 à 29 ans, ont été évacués vers différents hôpitaux.
Selon cette même source, le pronostic vital de l’un d’eux a été engagé : âgé de 24 ans, le jeune homme a été touché par deux balles au thorax, une troisième au genou et une quatrième au niveau des fesses. Dans la nuit, trois autres blessés par balles ont été admis au centre hospitalier d’Aulnay-sous-Bois, dont un en est reparti aussitôt.

25 douilles de Kalachnikov retrouvées au sol

La fusillade s’est produite quand deux personnes sont arrivées sur un parking à bord d’une Peugeot 5008. Le passager est sorti du véhicule puis a tiré à plusieurs reprises avant de prendre la fuite, a indiqué une source policière. De même source, 25 douilles de 7.62, un calibre notamment utilisé pour les armes de type Kalachnikov, ont été retrouvées au sol.

Aucune trace de la fusillade n’était visible samedi matin sur le parking du centre culturel Micro-Folie où se sont produits les faits, a constaté une journaliste de l’AFP. Un homme d’une quarantaine d’années, habitant de la cité des Beaudottes, indique avoir “entendu des tirs un peu avant minuit”, pointant le parking du doigt pour en préciser la provenance, “mais je ne suis pas descendu de chez moi”, ajoute-t-il.

Sur place, un employé du service technique de la mairie conseille aux journalistes présents de ne pas s’éterniser sur les lieux car “les jeunes vont bientôt descendre”. “C’est chaud”, commente-t-il.

Plusieurs unités de forces mobiles ont été envoyées samedi dans le secteur pour renforcer un dispositif de sécurisation comprenant déjà des policiers locaux et de brigades anti-criminalité (BAC), a indiqué la préfecture de police à l’AFP. Au moins cinq fourgons de gendarmerie étaient visibles en fin d’après-midi, selon une journaliste de l’AFP. Des gendarmes mobiles patrouillaient à pied dans la cité et contrôlaient l’identité de jeunes du quartier. Des agents de la police nationale étaient également présents.
La CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, devait être déployée à Sevran dans la soirée, a indiqué à l’AFP une source policière.

Une enquête a été ouverte pour homicide volontaire en bande organisée et tentatives d’homicides volontaires en bande organisée, a indiqué le parquet de Bobigny à l’AFP. Elle a été confiée à la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne. Aucune personne n’avait été interpellée samedi en fin d’après-midi.

“L’argent sale de l’économie de la drogue : une économie de mort qui pourrit nos villes”

“On ne va pas se voiler la face : c’est forcément un règlement de comptes lié au trafic de stupéfiants”, a réagi auprès de l’AFP Stéphane Blanchet, maire DVG de cette ville de 52 000 habitants depuis 2018. “Il y a besoin de mettre de l’ordre et d’intervenir profondément pour éradiquer le trafic.”

Dans un communiqué publié samedi, l’édile rappelle que d’autres tirs avaient eu lieu les semaines précédentes, “probablement liés aux trafics, dans un quartier proche d’une ville voisine”.

“Le déchaînement inouï de cette violence ne se produit pas par hasard. C’est le trafic, l’argent sale de l’économie de la drogue qui est responsable. Cette économie parallèle s’est organisée avec ses petits patrons, ses petites mains, ses salariés et ses structures de blanchiment de l’argent sale, entachées de sang et de mort”, regrette l’édile. Cette économie de la drogue s’est développée partout en France, particulièrement dans les bassins de vie et d’activité et au carrefour des transports. Elle est un fléau insupportable pour les habitants qui subissent sa violence et la terreur qu’elle pratique de manière systématique.”

“Il ne s’agit pas de violences urbaines (…) il s’agit de crime en bande organisée”

“Nous ne sommes pas face à un fait divers local sordide, mais bien face à un phénomène national, voire international d’ampleur. Il faut le dire : il ne s’agit pas de violences urbaines, pas de casse de mobilier urbain ou de rixe, il s’agit de crime en bande organisée qui terrorise pour prospérer. Il n’y a aujourd’hui qu’une solution : doter les services de police, d’investigation, de justice de moyens considérables pour démanteler cette économie de mort qui pourrit nos villes. Ce n’est pas d’une seule opération de l’ordre dont nous avons besoin, mais bien d’une action et d’un engagement déterminés de l’État, à long terme, dans nos villes, avec des moyens financiers et humains à la hauteur de l’enjeu”, ajoute le maire, rappelant être prêt à travailler avec l’État pour mettre fin à cette violence.

Un trafic qui prospère de longue date

À la tête de la ville depuis 2018, Stéphane Blanchet a succédé à Stéphane Gatignon suite à la démission de ce dernier pour protester contre l’insuffisance de la réponse politique aux problèmes des banlieues. “Quand je suis arrivé en 2001, j’avais 113 effectifs de police. Aujourd’hui, j’en ai 80, et une seule voiture de la BAC après 23 heures pour Aulnay et Sevran, deux plaques tournantes de la drogue. Lorsque, en 2011, j’ai appelé de mes vœux l’intervention de « forces d’interposition », j’avais enterré huit personnes en un an et demi à cause du trafic de stupéfiants qui gangrenait la ville”, avait alors confié l’ancien maire au journal Le Monde.

“Guerres de territoire pour se réapproprier les points démantelés”

Après Marseille, Sevran avait fait l’objet d’une opération anti-drogue “place nette XXL” le 25 mars dans l’objectif de porter un coup d’arrêt aux trafics. Dans cette ville, le point de deal de la cité Rougemont avait été “éradiqué”, a indiqué samedi la préfecture de police. Selon cette source, “il est évident que ces opérations déstabilisent le trafic et suscitent des guerres de territoire pour se réapproprier les points démantelés”.

Un total de 315 faits d’homicides ou tentatives d’homicide liés au trafic de stupéfiants ont été comptabilisés en France entre janvier et novembre 2023 en zone police, soit une hausse de 57% sur un an, selon la police nationale.

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