Finances locales | Seine-Saint-Denis | 07/10
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Fusion Pierrefitte-Saint-Denis : les opposants veulent suspendre le projet coûte que coûte

Fusion Pierrefitte-Saint-Denis : les opposants veulent suspendre le projet coûte que coûte © CH

Pétitions, mobilisation, votation citoyenne : rien ne semble pouvoir entraver la fusion décriée par une partie des habitants de Saint-Denis et de Pierrefitte. Alors, les opposants au projet se tournent vers la justice et brandissent le dernier rapport de la cour de comptes sur Saint-Denis, débattu au conseil municipal du 16 septembre dernier.

Annoncée en avril 2023, la fusion entre Saint-Denis, 115 000 habitants, et Pierrefitte-sur-Seine, 33 000 habitants, est entrée dans sa dernière ligne droite. Le 13 juin dernier, le préfet de Seine-Saint-Denis a signé l’arrêté marquant la naissance officielle de la “commune nouvelle” au 1er janvier 2025. Plus que trois mois, donc, avant la célébration du mariage.

Lire : Fusion Pierrefitte-Saint-Denis : le préfet signe l’arrêté créant officiellement la commune nouvelle

Référé-suspension

De quoi irriter certains habitants, comme Claudie Gilot Dumoutier, Dyonisienne et vice-présidente de l’association Stop fusion, qui fustige “une décision qui se fait dans le dos des habitants, sans débat contradictoire“. Le collectif, qui a organisé une votation citoyenne, s’est donc tourné vers la justice en déposant un recours auprès du tribunal administratif de Montreuil à la mi-août. Mais, il veut maintenant accélérer la procédure en sollicitant le juge des référés. “Au départ, on a fondé notre contestation du projet en faisant valoir le défaut d’information et son inutilité parce que toutes les mutualisations proposées sont tout à fait faisables en dehors de la fusion. Maintenant que l’on a le rapport de la cour des comptes [de Saint-Denis], on peut même dire que la fusion est contreproductive. Or, ce rapport, on aurait dû l’avoir le 30 mai, le jour où a été votée la fusion par les deux conseils municipaux“, explique Romain Potel, élu d’opposition (sans étiquette) à Pierrefitte-sur-Seine.

Lire : Pierrefitte et Saint-Denis actent leur union après 7 heures de débats

Des “problèmes de fiabilité des comptes

Remis le 6 mai, le rapport de la cour régionale des comptes (CRC) a, en effet, été communiqué aux élus dyonisiens lors du conseil municipal du 16 septembre. Il souligne “une situation financière satisfaisante, avec une performance de gestion préservée, malgré une conjoncture défavorable“. Mais, il pointe aussi la persistance des problèmes de fiabilité des comptes relevés lors du précédent rapport (de 2017). “Même si des travaux ont été engagés, ils sont encore insuffisants pour réduire les désordres comptables qui avaient été constatés. Certains se sont même aggravés“, est-il indiqué. Une des recommandations de la CRC rappelle ainsi “la nécessité d’apurer les comptes d’immobilisations en cours, conformément à l’instruction budgétaire et comptable en vigueur et d’adapter les amortissements aux immobilisations ainsi réévaluées.”

Une fusion pas si avantageuse ?

Des “problèmes de fiabilité des comptes” qui impactent la perspective de la fusion. “L’état de l’actif et l’inventaire ne concordent pas, aucun de ces deux documents n’étant fiables. De ce fait, les comptes de la commune appellent de nombreuses réserves, qui sont préoccupantes compte-tenu du passage au compte financier unique, et de la création d’une commune nouvelle avec Pierrefitte-sur-Seine“, indique le rapport.

La CRC émet aussi de sérieux doutes sur les fameux gains de la fusion“, observe Romain Potel. “L’hypothèse de la création d’une commune nouvelle avec Pierrefitte-sur-Seine permettant d’engranger des recettes supplémentaires doit être envisagée avec prudence. En effet, même si les communes nouvelles bénéficient d’une DGF bonifiée, le coût de la création et les éventuelles économies liées à la mutualisation ne se vérifieront éventuellement que dans un deuxième temps, à moyen ou long terme. Dans l’immédiat, cette création de commune nouvelle constituera davantage un coût supplémentaire (études, mise en œuvre, harmonisation) qu’une économie“, note ainsi la CRC. Pour rappel, grâce à un amendement de la loi de finances 2024, les villes de Saint-Denis et de Pierrefitte ont obtenu le maintien leur dotation de solidarité urbaine au même niveau (16 millions d’euros chacune) et un bonus de 2,2 millions d’euros, soit 15 euros par habitants au lieu de 6, sur trois ans au titre de l’aide l’État aux regroupements de collectivités.

Selon Sofia Boutrih, conseillère municipale d’opposition (PCF) à Saint-Denis, “la fusion entrainera 4,1 millions d’euros de pertes fiscales par an dès 2025 notamment en raison de l’alignement des taux d’imposition” et “la dotation d’amorçage ne suffira jamais à compenser les pertes fiscales.” “Comment avez-vous pu faire des projections budgétaires sincères quand la cour des comptes nous dit elle-même que les documents comptables ne sont pas fiables ? Comment les Dyonisiens peuvent vous faire confiance sur les projections budgétaires que vous avez présenté lors du conseil municipal sur la commune nouvelle alors que vous savez que la fusion est risquée ?“, s’est emportée l’élue lors du débat municipal sur le rapport de la CRC.

On peut essayer de faire dire tout et n’importe quoi. Le rôle de la chambre n’est pas de juger l’avenir, mais de regarder ce qu’il s’est passé“, rétorque Mathieu Hanotin, le maire (PS) de Saint-Denis qui se félicite d’un rapport “qui reconnait de large améliorations et une gestion assainie des finances de la collectivité“. La CRC a fait “un certain nombre de recommandations de “prudence”. Les problèmes comptables qui nous sont reprochés sont réels, je les ai reconnus. Ils concernent la gestion des actifs et l’identification de notre patrimoine. Mais, en aucun cas, ils ne menacent la sincérité des documents [comptables] pour l’avenir“, estime-t-il.

La sincérité de la fusion remise en question

En attendant, Romain Potel s’étonne que dans sa réponse au recours devant le tribunal administratif de Montreuil, le préfet de la Seine-Saint-Denis conteste la demande d’annulation de son arrêté du 13 juin en estimant notamment qu’il n’ait pas à qualifier d'”intéret public majeur” le projet de fusion. “C’est contraire selon lui à l’esprit du droit administratif“, estime-t-il. L’association Stop fusion veut d’ailleurs démontrer l’insincérité du projet dans sa demande de référé-suspension. “Pour nous, les deux maires font cette fusion pour des raisons autres que l’intérêt général. Sinon pourquoi un calendrier si serré ?“, interroge Romain Potel. L’élu d’opposition pierrefittois compte désormais sur le changement de gouvernement et le vote de la prochaine loi de finance pour entraver le regroupement des deux communes.

Lire aussi : Les finances municipales de Pierrefitte au crible de la Chambre régionale des comptes

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