Loisirs | Val-de-Marne | 21/06
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Guinguettes en bord de Marne d’hier à aujourd’hui : le sens de la fête

Guinguettes en bord de Marne d’hier à aujourd’hui : le sens de la fête

Du cabaret où l’on venait boire du vin à deux sous et manger de la matelote avant de danser la musette, aux paillotes d’aujourd’hui où l’on savoure sa bière IPA avec de la fusion food pendant un DJ set, la guinguette des bords de Marne a su se réinventer. L’esprit demeure : le sens de la fête.

En bord de Marne, les premières guinguettes apparaissent au mi-temps du 19e siècle. Plusieurs facteurs expliquent leur essor. D’une part, Paris s’agrandit en absorbant plusieurs villes de banlieue comme Belleville, La Villette ou Bercy. Le périmètre à l’intérieur duquel il fallait payer une taxe pour acheminer des marchandises augmente donc d’autant, conduisant des cabarets à s’éloigner de ce nouveau Paris intramuros pour échapper à l’octroi sur les vins. “La guinguette Chez Jullien, rivée sur une péniche à Bercy, s’installe à l’Ile Fanac de Joinville-le-Pont. C’est la première guinguette en bord de Marne. Elle inspirera Emile Zola dans son roman Au bonheur des dames”, explique Anne-Sophie Guerrier, guide conférencière et chanteuse. À la même époque, l’arrivée du chemin de fer, avec notamment la ligne Paris Bastille, permet de se rendre facilement sur les bords de Marne.


Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série d’articles sur la Marne, réalisés avec le soutien de Val-de-Marne Tourisme et Loisirs, qui propose des croisières thématiques sur la Marne durant toute la belle saison. Voir le programme complet

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Dans le quartier Polangis de Joinville, la Péniche s’installe vers 1890, “un lieu très mal fréquenté, relié à la rive nogentaise par un bac privé”, confie Michel Riousset, président de l’Association pour la sauvegarde de l’environnement de Polangis (Asep) et auteur de “Les Bords de Marne : Du Second Empire à nos jour”, sur son site. La Péniche terminera en flammes lors d’un incendie en 1914.

La Péniche, guinguette sur une péniche, quai Polangis (à l’emplacement de l’actuel chez Gégène) à partir de 1890 jusqu’à un incendie en 1914. (Carte postale, collection du Musée intercommunal de Nogent-sur-Marne).

C’est à cet emplacement qu’Eugène Favreux installe une roulotte à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, servant bientôt de cantine pour les studios de cinéma voisins. Son établissement, Chez Gégène, sera l’une des rares guinguettes à perdurer. À partir de 1909, un passeur public permet de relier cette rive à celle de Nogent, et donc de la gare. Quai Polangis, le choix est alors vaste, entre Le Petit Robinson (fermé il y a une dizaine d’années), La Petite Chaumière, Le Grand Bal Champêtre Jean Brus, La Boule Blanche, La Pomme d’Api ou encore L’Elysée-Palace ou Le Casino du Tremblay. À proximité, en effet, est construit l’hippodrome du Tremblay, en 1909, transformé plus tard en parc interdépartemental des sports.

En 1906, la loi sur le repos dominical fait affluer les habitants le dimanche. Tout le long de la Marne comme de la Seine, les guinguettes se multiplient par dizaines, “avec chacune leur univers”, indique Anne-Sophie Guerrier. “Certaines sont plus guindées, comme Convert, avec sa salle de bal et ses clients apprêtés“, relate Anne-Sophie Guerrier. “Ce qui caractérisait les guinguettes, c’était la variété de tous les styles, du chic au populaire”, appuie Vincent Villette, directeur du musée intercommunal de Nogent-sur-Marne.

Le bal Convert (Carte postale, Cartorum)

La Maison Convert, actuel siège de la Fédération française d’aviron à Nogent (boulevard de la Marne) voit la jour à la fin du 19e. Elle dispose d’une, puis deux salles de bal, et d’une baignade. (voir ci-dessous)

La baignade de la Maison Convert (Carte postale, collection du Musée intercommunal de Nogent-sur-Marne). On en aperçoit encore les vestiges, au bout de l’ïle de Beauté.

D’autres multiplient les attractions, comme chez Gégène où l’on peut faire des balades en dromadaire, évoque Anne-Sophie Guerrier. Ailleurs encore, on peut s’entraîner au vélo Grand Bi, ou encore exercer son adresse au stand de tir, jouer aux quilles… À côté des sportifs qui se baignent ou font de canotage sur la Marne, règne une ambiance de fête foraine. Au Vrai Pêcheur à la jambe de bois (situé à l’emplacement de l’actuel restaurant Le Verger, devant le port de plaisance de Nogent), le tenancier, mutilé de guerre, organise des courses d’unijambiste.

Le Casino Tanton (Collection du musée intercommunal de Nogent)

Matelote et guinguet

À table, on mange de “la friture pêchée dans la Marne (anguilles, goujon…), de la Matelote (mélange de poissons d’eau douce marinés au vin), du lapin sauté, du bœuf gros sel ou encore du coq au vin”, conte Anne-Sophie Guerrier. Les moules-frites viendront plus tard. Dans certaines guinguettes, on peut aussi venir avec son repas, comme chez Gégène (à l’époque). “C’est l’ambiance qu’on cherche, plus que la gastronomie”, pointe Vincent Villette. Côté boisson, le guinguet coule à flot. Il s’agit d’un vin aigrelet, rouge clair, qui a donné son nom aux guinguettes. À moins que ce ne soit le verbe giguer : danser, sauter.

Danser, c’est l’une des activités favorites. Valse musette, toupie, java, tango musette... “Un ramasseur récoltait les pièces. Ce sont les cavaliers qui payaient leur danse”, indique Anne-Sophie Guerrier. L’imitation italienne du début 20e apporte avec elle l’accordéon, qui supplante bientôt la musette, instrument qu’avaient popularisé les Auvergnats dans les bals parisiens.

À la grande époque des guinguettes, on en compte plusieurs centaines sur les bords de Marne. La Seconde Guerre mondiale va donner un coup d’arrêt. En 1940, bals et guinguettes sont interdits. Après la guerre, le monde a changé. Le bal musette est devenu ringard. L’agglomération parisienne enfle et rend les bords de Marne moins nature, avec bientôt l’autoroute qui vient la surplomber de ses rocades. En 1970, l’interdiction de la baignade dans la rivière, devenue trop polluée, fait disparaitre les plages et les animations qui allaient avec.

Quelques guinguettes survivent, comme Chez Gégène à Joinville, L’Ile du Martin Pêcheur à Champigny ou encore Fifi, le bar de la Marine, à Neuilly-sur-Marne. Les thés dansants y perdurent. À la fin du 20e siècle, l’image de ringardise cède toutefois la place à la nostalgie. Les cartes postales pittoresques donnent envie. Des passionnés continuent de faire vivre l’esprit musette, comme l’association Culture Guinguette. On passe de nouveau le périph pour goûter ces échappées en bord de Marne. “Pendant longtemps, on a parlé de retour de guinguettes, alors qu’en fait, elles continuaient à fermer, note toutefois Vincent Villette. Mais, depuis, le confinement, il se passe quelque chose.”

Les guinguettes nouvelle génération

Entre temps, la guinguette s’est réinventée, autrement, dans l’esprit de lieux comme Rosa Bonheur, une guinguette branchée qui n’est pas encore présente en bord de Marne, mais cartonne en bord de Seine à Paris, ou dans le bois de Vincennes. À Champigny-sur-Marne, la guinguette FMR, qui a ouvert ses portes fin mai 2023, a fait le plein de la nouvelle génération tout l’été, avec un bar à cocktails, de la cuisine street food fusion et des planches de tapas à prix raisonnable, servis dans les transats ou de larges canapés. Le tout pimenté régulièrement de concerts live.

Cette guinguette revisitée, confiée en gestion à Hannah Jacquot par la ville, propriétaire du lieu, s’est même offert une saison d’hiver en mode chalet, avec tapis de laine et grosses couvertures polaires.

À Maisons-Alfort aussi, une nouvelle guinguette éphémère a ouvert à l’été 2023, L’Echappée belle, qui fait coffee-shop le matin, avant le déjeuner, les tapas, bières artisanales et cocktails le soir.

À Nogent-sur-Marne, la ville a misé sur l’ambiance famille avec des programmes de guinguette au bord de l’eau au niveau du port de plaisance. Au programme : échecs géants, bowling, danses collectives, jeux, bals et, bien sûr, restauration sur place. “L’an dernier, nous avons commencé par un dimanche par mois durant les beaux jour, et au vu du succès, nous l’organisons cette année deux dimanches par mois”, indique le directeur de cabinet de la ville. En parallèle, le port accueille depuis plusieurs années un restaurant de plein air, la guinguette des Maquereaux.

À côté de ces néo-guinguettes, les traditionnelles qui ont survécu sont toujours debout, à commencer par chez Gégène, qui fait toujours restaurant, et bals.

Pour en savoir plus, participez à la croisière Guinguettes en chansons – commentée par Anne-Sophie Guerrier le 30 juin ou le 28 septembre.

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