Plus que jamais, le marché de la location de courte durée va exploser pendant les Jeux olympiques. Certains propriétaires ne résistent pas à la tentation, quitte à donner congé à leurs locataires habituels. La loi oppose pourtant des garde-fous.
“Le propriétaire nous a dit qu’il voulait récupérer son appartement au mois de juin”, confie Axel, informaticien de 34 ans, qui réside depuis cinq ans en colocation, Porte de la Chapelle, dans le nord-est de Paris. “On était un peu étonné parce qu’il a plusieurs appartements dans la capitale. C’est évident qu’il ne va pas habiter à la Chapelle… On a regardé le calendrier, on a tout de suite compris”, ajoute le trentenaire.
Quelque 16 millions de touristes sont attendus à Paris pendant les Jeux, du 26 juillet au 11 août. Face à un parc hôtelier saturé et hors de prix, les tarifs des locations courte durée explosent et aiguisent les appétits.
Les enregistrements de meublés touristiques ont bondi
“Le nombre de demandes d’enregistrement de meublés touristiques auprès de la Mairie de Paris est passé de 45 000 à 60 000 sur un an”, note Pierre-Louis Monteiro, chargé de mission à l’Agence départementale d’information sur le logement (Adil) de Paris. “On voit une augmentation claire, avec un effet d’aubaine qui semble jouer”.
Des garde-fous pour éviter de se faire chasser
Une opportunité dont peuvent s’emparer les propriétaires, à condition de respecter le droit.
“On a fréquemment des cas où la raison donnée n’est pas claire”, explique Sophie Morvan, juriste à l’Adil. “Or, la loi prévoit que le propriétaire doit justifier du motif de la reprise” d’un appartement.
Les motifs sont limités et précis : “le propriétaire peut le récupérer pour l’habiter lui-même, ou ses ascendants et descendants, ou ceux de son conjoint, ou encore pour le vendre” après l’expiration du bail, “ou pour motif légitime et sérieux, comme des travaux importants ou une faute grave du locataire” pendant le bail.
Selon une étude de l’Adil de Paris, entre un quart et un tiers des congés signalés aux locataires ne respectaient pas les obligations de fond ou de forme en 2022.
La mairie de Paris et l’agence ont mis en place un numéro (01.42.79.50.44) qui permet de prendre conseil auprès d’un juriste et de s’assurer que la procédure est respectée.
“Mon propriétaire m’avait d’abord demandé de quitter mon logement pendant deux mois à l’été“
Objectif : prévenir une vague de congés irréguliers qui viendrait saturer un marché parisien en souffrance, où le stock d’appartements à louer enregistre une chute de 74% en trois ans d’après une étude du site SeLoger de 2024.
“Je n’avais aucune intention de quitter mon logement mais j’ai dû signer un bail de mobilité (bail de courte durée) pour pouvoir le garder”, raconte ainsi Loan, graphiste free-lance de 27 ans qui réside depuis quatre ans dans un 15m2 dans l’est de Paris. “Mon propriétaire m’avait d’abord demandé de quitter mon logement pendant deux mois à l’été, sans que je comprenne pourquoi”, poursuit-elle, “et là je vois que le bail expire le 7 juillet, juste avant les JO”.
La jeune femme devra quitter Paris avant de chercher un nouveau logement en septembre, avec le handicap de revenus irréguliers lorsqu’elle présente un dossier : “Evidemment, je triche. Avec des revenus variables en fonction des missions, je ne vois pas comment je pourrais me reloger à Paris”.
Des logements comparables à ceux d’Axel et de Loan peuvent se monnayer entre 250 et 350 euros la nuit durant les Jeux Olympiques, selon les offres sur la plateforme Airbnb.
6 000 euros d’amende pour les abus
“Si le motif (de congés) s’avère frauduleux, les locataires lésés peuvent entamer une procédure pour obtenir réparation”, rappelle Sophie Morvan. “En cas de fraude, le propriétaire s’expose à une amende de 6 000 euros”.
Mais le contrôle, lui, s’avère difficile à mettre en place, car les locataires ne peuvent fournir qu’a posteriori la preuve que le logement a été récupéré pour motif fallacieux. Le sénateur communiste Ian Brossat a déposé au Sénat une proposition de loi visant à faire de 2024 une année sans expulsions locatives.
par Pierre MOUTOT
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